Les comportements de transferts intergénérationnels en Europe
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Les transferts qui circulent entre les générations à la fois sous forme de temps et d'argent sont très importants dans l'ensemble des pays européens. D'après les données issues de l'enquête Share menée auprès de personnes de 50 ans et plus, près de trois enquêtés sur dix sont concernés par des transferts financiers au cours de l'année et plus de quatre sur dix par des aides en temps. Lorsqu'il s'agit d'argent, les enquêtés déclarent avoir versé un transfert sept fois plus souvent qu'ils ne signalent en avoir reçu, tandis que le taux d'aide donnée n'est guère différent du taux d'aide reçue pour les aides en temps. Les transferts financiers sont dans une très large majorité versés aux enfants et, dans une moindre mesure, aux petits-enfants, tandis que les aides en temps reçues sont majoritairement le fait des enfants. Il existe des différences européennes significatives avec des transferts globalement moins importants dans les pays d'Europe du Sud. Les aides financières versées sont avant tout liées à des dépenses courantes et à des évènements familiaux. Qu'ils soient reçus ou bien versés, les transferts sont fortement liés à la structure familiale, au niveau d'éducation et au revenu. Les aides en argent apportées aux enfants dépendent largement de la situation de ces derniers. Elles sont plus fréquentes pour les enfants au chômage ou les étudiants et elles augmentent avec les contacts familiaux entre parents et enfants. Si les parents viennent certes en aide à leurs enfants lorsque le besoin s'en fait sentir, l'enquête Share suggère l'existence de mécanismes d'échange entre les générations.

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Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

SOCIÉTÉ
Les compor tements de transferts
intergénérationnels en Europe
F r ançois-Char les W olff * et Claudine Attias-Donfut **

Les transfer ts qui circulent entre les générations à la fois sous forme de temps et d’argent
sont très importants dans l’ensemble des pays européens. D’après les données issues de
l’enquête Share menée auprès de personnes de 50 ans et plus, près de trois enquêtés sur
dix sont concernés par des transferts fi nanciers au cours de l’année et plus de quatre sur
dix par des aides en temps. Lorsqu’il s’agit d’argent, les enquêtés déclarent avoir versé
un transfert sept fois plus souvent qu’ils ne signalent en avoir reçu, tandis que le taux
d’aide donnée n’est guère différent du taux d’aide reçue pour les aides en temps. Les
transferts fi nanciers sont dans une très large majorité versés aux enfants et, dans une
moindre mesure, aux petits-enfants, tandis que les aides en temps reçues sont majoritai-
rement le fait des enfants. Il existe des différences européennes signifi catives avec des
transferts globalement moins importants dans les pays d’Europe du Sud. Les aides fi nan-
cières versées sont avant tout liées à des dépenses courantes et à des évènements fami-
liaux. Qu’ils soient reçus ou bien versés, les transferts sont fortement liés à la structure
familiale, au niveau d’éducation et au revenu. Les aides en argent apportées aux enfants
dépendent largement de la situation de ces derniers. Elles sont plus fréquentes pour les
enfants au chômage ou les étudiants et elles augmentent avec les contacts familiaux
entre parents et enfants. Si les parents viennent certes en aide à leurs enfants lorsque le
besoin s’en fait sentir, l’enquête Share suggère l’existence de mécanismes d’échange
entre les générations.


* François-Charles Wolff appartient à l’université de Nantes (LEN) et est chercheur associé à la Cnav et à l’Ined.
** Claudine Attias-Donfut appartient à la direction des recherches de la Cnav.
Nous tenons à r emercier Lionel Prouteau et les deux rapporteurs anonymes de la revue pour leurs précieux commentaires et sugges-
tions.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 403-404, 2007 117es relations entre générations se manifes- blement la nature et l’intensité de la redistribu- Ltent par une intense circulation de dons tion publique. Il est par conséquent important
et d’échanges, volontaires ou non, directs de savoir si le contexte institutionnel affecte ou
ou indirects, au sein des familles ou à travers non la structure des transferts familiaux dans les
l’intervention publique ou encore le marché. différents pays d’Europe.
L’ampleur des sommes d’argent en jeu a été
maintes fois soulignée par les économistes et Existe-t-il par exemple des différences dans la
par les sociologues depuis le début des années circulation de la solidarité intergénérationnelle
1990, même si l’existence d’estimations récen- entre les pays d’Europe du Nord caractérisés
tes fait défaut. Ainsi, pour l’année 1994, les par un État-providence généreux et ceux d’Eu-
aides fi nancières versées dans le sens descen- rope du Sud où la redistribution publique est
dant représentaient environ 350 milliards de de moindre ampleur ? L’enquête Share réalisée
francs, somme d’argent qu’il convient de com- auprès de dix pays européens en 2004 fournit
parer aux 471 milliards consacrés aux dépen- l’occasion unique d’analyser dans une perspec-
ses publiques d’éducation ou aux 934 milliards tive comparative les solidarités familiales en
destinés aux retraites et préretraites au cours de Europe. Il ne s’agit pas ici de savoir si les fl ux
cette même année. Au regard du poids des trans- privés et publics sont plutôt complémentaires
ferts sous forme de temps et de services rendus ou substituables. En l’absence d’une dimension
dans les familles (Attias-Donfut, 1995 et 1996, longitudinale dans les données, une telle appro-
Prouteau et Wolff, 2003), la vision économique che demeure délicate. La circulation des aides
de la famille consacre indéniablement des rela- familiales observée aujourd’hui est en effet le
tions entre les générations caractérisées par des résultat d’un « fait accompli », pour reprendre
transferts pluriels et soutenus. Cox et Jimenez (1995). De ce fait, l’analyse
proposée ici est essentiellement comparative.
Si les solidarités f amiliales assurent une redis-
tribution des ressources qui est fondamentale À par tir des réponses à des questions identiques
pour les relations intergénérationnelles, ces der- sur les transferts en argent et en temps posées
nières sont également infl uencées par les multi- aux ménages de différents pays, il s’agit de
ples interventions de l’État et par les politiques savoir s’il existe ou non des différences dans
sociales. L’édifi cation de la protection sociale a la structure et les comportements de transferts
ainsi véritablement transformé les rapports entre entre les pays. Quelle que soit la réponse, l’in-
les générations. Le cas de la Guadeloupe en est terprétation n’est guère aisée. S’il n’existe pas
une excellente illustration (Attias-Donfut et d’écarts signifi catifs entre les pays européens, il
Lapierre, 1997) dans la mesure où il s’agit d’un est alors vraisemblable qu’il existe des mécanis-
exemple de société en transition rapide où la mes implicites établis dans le fonctionnement
famille traditionnelle s’est adaptée à une exten- de la redistribution privée, peu sensible au fonc-
sion forte du secteur public. Face à cet essor de tionnement de l’État. À l’inverse, s’il existe des
la redistribution publique, les solidarités au sein différences importantes, celles-ci ne doivent pas
de la famille se sont progressivement inversées. pour autant être nécessairement reliées à l’am-
La mise en place de prestations sociales pour pleur de la générosité publique si, par exemple,
les personnes âgées a modifi é la circulation les ménages sont plus altruistes dans certains
des aides privées qui sont désormais tournées pays et donnent davantage à autrui.
vers les enfants et non plus vers les ascendants.
Parallèlement, l’amélioration du niveau de vie Compte tenu des formes plurielles des transferts
liée à la diffusion des aides publiques a donné recensés dans l’enquête, la présente étude prend
lieu à une extension de l’entraide, à la fois dans seulement en considération les aides régulières ou
le temps et dans l’espace, avec une généralisa- ponctuelles, à la fois en temps et en argent. Ceci
tion des transferts monétaires. exclut essentiellement deux types de transferts, à
savoir les aides sous forme de corésidence et les
En pratique, le lien entre les interventions fami- transferts patrimoniaux sous forme de donations
liales et sociales demeure complexe, comme et d’héritage étudiés par Jürges (2005). Les situa-
l’illustre le cas de la perception du revenu mini- tions de corésidence et le rôle joué par les revenus
mum d’insertion en France (Paugam et Zoyem, des parents et des enfants sur le départ du domi-
1997). Dans les années à venir, le vieillissement cile parental en Europe sont analysés en détail
de la population, la modifi cation des équilibres par Le Blanc et Wolff (2006) à partir des don-
démographiques ainsi que les contraintes fi nan- nées longitudinales de l’ European Community
cières relativement plus fortes qui pèsent sur Household Panel. L ’information fournie sur les
la dépense publique devraient modifi er sensi- transferts familiaux dans cette source statistique
118 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 403-404, 2007était malheureusement trop frustre et de qualité Des transferts en temps fréquents
insuffi sante pour permettre d’analyser spécifi -
quement les aides fi nancières privées. Les données de Share soulignent tout d’abord
l’importance des différentes formes d’éc

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