Observations sur le Nakaz
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Observations sur le Nakaz , livre ebook

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Description

En 1767, Catherine II de Russie édite un traité philosophique : le Nakaz. Denis Diderot a commenté l'ouvrage dans ses Observations sur le Nakaz (1774), à la suite des nombreux entretiens avec l'Impératrice.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 1 148
EAN13 9782820628831
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection
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ISBN : 9782820628831
Sommaire


OBSERVATIONS SUR LE NAKAZ
OBSERVATIONS SUR LE NAKAZ
OBSERVATIONS SUR L’INSTRUCTION
DE L’IMPÉRATRICE DE RUSSIE AUX DÉPUTÉS
POUR LA CONFECTION DES LOIS
1. Il n’y a point de vrai souverain que la nation ; il ne peut y avoir de vrai législateur que le peuple ; il est rare qu’un peuple se soumette sincèrement à des lois qu’on lui impose ; il les aimera, il les respectera, il y obéira, il les défendra comme son propre ouvrage, s’il en est lui-même l’auteur. Ce ne sont plus les volontés arbitraires d’un seul, ce sont celles d’un nombre d’hommes qui ont consulté entre eux sur leur bonheur et leur sécurité ; elles sont vaines, si elles ne commandent pas également à tous ; elles sont vaines, s’il y a un seul membre dans la société qui puisse les enfreindre impunément. Le premier point d’un code doit donc m’instruire des précautions que l’on a prises pour assurer aux lois leur autorité.
La première ligne d’un code bien fait doit lier le souverain ; il doit commencer ainsi : « Nous peuple, et nous souverain de ce peuple, jurons conjointement ces lois par lesquelles nous serons également jugés ; et s’il nous arrivait, à nous souverain, de les changer ou de les enfreindre, ennemi de notre peuple, il est juste qu’il soit le nôtre, qu’il soit délié du serment de fidélité, qu’il nous poursuive, qu’il nous dépose et même qu’il nous condamne à mort si le cas l’exige ; et c’est là la première loi de notre code. Malheur au souverain qui méprisera la loi, malheur au peuple qui souffrira le mépris de la loi. »
Et comme l’autorité du souverain est la seule redoutable pour la loi, il faut qu’à chaque loi ce serment soit fait par le peuple et par le souverain, et que sur l’original écrit et sur les copies publiques il soit pris acte que ce serment a été fait. Tout souverain qui se refuse à ce serment se déclare d’avance despote et tyran.
La seconde loi, c’est que les représentants de la nation se rassembleront tous les cinq ans pour juger si le souverain s’est exactement conformé à une loi qu’il a jurée ; statuer sur la peine qu’il mérite, s’il en a été infracteur ; le continuer ou le déposer et jurer derechef ces lois, serment dont il sera pris acte.
Peuples, si vous avez toute autorité sur vos souverains, faites un code ; si votre souverain a toute autorité sur vous, laissez là votre code ; vous ne forgeriez des chaînes que pour vous.
2. Après ce préliminaire, le second point dont le code doit m’offrir la décision, c’est quelle est la sorte de gouvernement dont la nation a fait choix.
L’impératrice de Russie est certainement despote. Son intention est-elle de garder le despotisme et de le transmettre à ses successeurs ou de l’abdiquer ? Si elle garde pour elle et pour ses successeurs le despotisme, qu’elle fasse son code comme il lui plaira ; elle n’a que faire de l’aveu de sa nation. Si elle l’abdique, que cette abdication soit formelle ; si cette abdication est sincère, qu’elle s’occupe conjointement avec sa nation des moyens les plus sûrs d’empêcher le despotisme de renaître, et qu’on lise dans le premier chapitre la perte infaillible de celui qui ambitionnerait à l’avenir l’autorité arbitraire dont elle se dépouille. Voilà les premiers pas d’une instruction proposée à des peuples par une souveraine de bonne foi, grande comme Catherine II et aussi ennemie de la tyrannie qu’elle.
Si en lisant ce que je viens d’écrire et en écoutant sa conscience, son cœur tressaillit de joie, elle ne veut plus d’esclaves ; si elle frémit, si son sang se retire, si elle pâlit, elle s’est crue meilleure qu’elle n’était.
3. C’est une question à discuter, s’il faut mettre les institutions politiques sous la sanction de la religion. Je n’aime point à faire entrer dans les actes de souveraineté des gens qui prêchent un être supérieur au souverain et qui font dire à cet être tout ce qui leur plaît. Je n’aime point à faire une chose de fanatisme d’une chose de raison. Je n’aime point à faire une chose de foi d’une chose de conviction. Je n’aime point à donner du poids et de la considération à ceux qui parlent au nom du tout-puissant. La religion est un appui qui finit toujours par renverser la maison.
La distance entre l’autel et le trône ne peut jamais être trop grande. L’expérience de tous les temps et de tous les lieux a démontré le danger du voisinage de l’autel pour le trône.
Les prêtres sont encore de plus suspects conservateurs des lois que les magistrats ; en aucun lieu du monde on n’a pu les réduire sans violence à l’état de pur et simple citoyen ; ils ont souvent osé dire qu’ils ne relevaient que de Dieu ; ils n’ont jamais cessé de le penser. Partout ils ont prétendu à une juridiction particulière, partout ils ont prétendu au droit de lier ou de délier le serment ; c’est accéder à leurs prétentions que de les en rendre dépositaires ; on ne peut tenir trop bas une race d’hommes qui sanctifient le crime quand il lui plaît ; on ne peut trop se méfier d’une race d’hommes qui a conservé seul le privilège royal de parler aux peuples assemblés, au nom du maître de l’univers.
Une politique sage et éclairée leur prescrirait rigoureusement ce qu’ils auraient à leur dire, sans qu’ils pussent s’en écarter, sous les peines les plus sévères. Jamais les troubles de la société ne sont plus terribles que quand les perturbateurs peuvent se servir du prétexte de la religion et en masquer leurs desseins.
Les peuples qui n’ont été que trop souvent opprimés se sont accoutumés à regarder les prêtres, intercesseurs auprès de Dieu, vengeur unique de l’oppression des rois, comme leurs protecteurs.
Le trône est tôt ou tard occupé par un superstitieux, c’est-à-dire que le règne des prêtres arrive tôt ou tard ; et c’est alors que les peuples sont souverainement malheureux.
Le prêtre dont le système est un tissu d’absurdités tend secrètement à entretenir l’ignorance ; la raison est l’ennemie de la foi, et la foi est la base de l’état, de la fortune, de la considération du prêtre.
Le prêtre est un personnage sacré aux yeux du peuple ; l’intérêt et la sûreté du monarque demandent qu’on lui ôte ce caractère. Plus le prêtre est saint, plus il est dangereux. La politique de Venise favorise la corruption des prêtres. Le prêtre corrompu ne peut rien ; il est avili. Celui-là n’a pas pourvu à la tranquillité de la société qui a négligé la chose à laquelle les peuples mettent plus d’importance qu’à leur vie.
Les méchants rois ont besoin de dieux cruels pour trouver dans le ciel l’exemple de la tyrannie ; ils ont besoin de prêtres pour faire adorer des dieux tyrans ; mais l’homme juste et libre ne demande qu’un Dieu qui soit son père, des égaux qui le chérissent et des lois qui le protègent .
Catherine et Montesquieu ont ouvert leurs ouvrages par Dieu, ils auraient mieux fait de commencer par la nécessité des lois, fondements du bonheur des hommes, contrat où l’on stipule pour notre liberté et nos propriétés ; ç’a été une politique de la part de l’un et de l’autre. Le besoin de cette politique aurait dû leur faire sentir le mal et leur inspirer la crainte de l’augmenter.
Loin de donner cette marque de distinction à la religion et à l’état du prêtre, j’aurais affecté de le placer entre les conditions communes de la société ; j’aurais affecté d’en faire un sujet comme un autre. La vraie place était tout juste au-dessus ou au-dessous du comédien. Dans une instruction pour un code adressée à une nation, auriez-vous osé lui donner cette place ? Non, mais je me serais bien gardé de le nommer le premier. J’aurais d’abord parlé de moi ; ensuite du militaire, puis du magistrat, puis des différentes classes de sujets entre lesquelles le prêtre aurait paru, devant ou après le commerçant.
Quel est l’homme un peu sensé qui, au premier coup d’œil impartial sur toutes les religions de la terre, n’y reconnaisse un tissu de mensonges extravagants, un système où les rangs ont été ordonnés ainsi : Dieu, le sacerdoce, la royauté, le peuple ? Cet ordre peut-il être consenti par un souverain ? La religion n’est pas même sans fâcheuse conséquence pour l’État démocratique. Dégradez tant que vous pouvez un système mensonger qui vous dégrade. C’est à tous les souverains que je le dis.
Il est un vice commun à tous les corps, c’est de tendre à la prééminence ; ce vice est moins caché, plus violent, plus dangereux dans le sacerdoce que dans aucuns.
Malheur au peuple où

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