Toro
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Description

La corrida vit d’être cruelle, sanglante, tout en étant pure beauté et dépassement de l'instant. La mort, l’amour. Le plaisir, la loi. Affronter, risquer. Jouissance secrète, punition publique. Voilà le couple infernal ! Simon Casas, SPA. Mais pourquoi apprécie-t-on ce plaisir défendu ? Le couple aficionados-anti-taurins est indissoluble, l’un fait vivre l’autre.


Il ne s’agit pas ici d’apporter des réponses, mais de témoigner à travers des personnages, des réflexions philosophiques, des histoires plus ou moins érotiques, de la complexité de ce qui se cache derrière le mot : "aficion". À la fois, culte du "toro", amour d’un sublime tragique, approche des limites de l’humain, du risque ultime et de la mort… L’"aficion" n’est pas simple, n’est pas réductible à une formule toute faite. S’il fallait faire vite, il faudrait dire que l’archaïque et l’ancestral en sont des éléments de fond, profondément attirants.


Docteur en philosophie, Éric Schilling est spécialiste de musique indienne. Il a publié "La Musique de Shiva" (éd. Michel de Maule, 2010), il est l’arrière- arrière petit-fils du « toréador » arlésien Antoine Granat (quadrille provençal Bayard), il a été critique taurin dans la revue "L’Écho du Callejon" et enseigne la philosophie à Paris.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 99
EAN13 9782876235908
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0084€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

IntroductIon
POUR pàRàphRàseR MiChel LeiRis : de là philOsOphie COmme TàUROmàChie…
devàNT le TORO, il y à UNe URgeNCe : s’eN sORTiR, Ne pàs êTRe TUé. Les DisCOURs DevieNNeNT iNUTiles. VàNiTé Des vàNiTés, TOUT N’esT qUe vàNiTé. Là CORNe De TORO eN philO-sOphie esT fàiTe D’expéRieNCe, De ChOCs eT De véRiTé sàNs vOile, là mise á NU De l’êTRe. ceTTe expéRieNCe DU Réel COmme TORO esT pROfONDémeNT liée àU DRàme De là mORT. VéRiTé UlTime, DU bOUT, Des limiTes eT De là fiN DU mONDe… SàvOiR Ce qU’esT le Réel eT qUe le Réel Ne s’àRRêTe peUT-êTRe pàs eT qU’il se COmbiNe àveC l’imàgiNàiRe, le pOssible, l’àRT De là pàsse qUi lUTTe CONTRe le sileNCe De l’URgeNCe, esqUiveR là ChàRge DU TORO, là DOmiNeR, là TRàNs-fORmeR eN viCTOiRe eT eN beàUTé ReNDUe TRàgiqUe pàR là pRise De RisqUe. EN effeT, DàNs là TàUROmàChie là véRiTé esT liée á UNe TROmpeRie fONDàmeNTàle á l’égàRD DU TORO, Ne pàs lUi mONTReR Où se TROUve l’hOmme, le leURReR pàR là mUleTà. oR, C’esT DàNs Ce màNiemeNT DU leURRe qU’il peUT y àvOiR
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UNe DémàRChe De véRiTé ; le gesTe qUi, DàNs sà RUse, TORée vRàimeNT. Il m’àRRive De RêveR qUe je sUis NU àveC mà mUleTà DevàNT le TORO. SàNs RieN qUi me pROTÈge De CeTTe CORNe hàsàRDeUse qUi pOURRàiT êTRe TROmpée pàR qUelqUe embel-lissemeNT DU COsTUme. deUx êTRes NUs fàCe á fàCe. ET eN y RepeNsàNT, C’esT peUT-êTRe UN fàNTàsme qUi CONDUiRàiT á là fiN De là TàUROmàChie : il N’y à qUe le TORO qUi peUT êTRe NU, l’hOmme DOiT êTRe hàbillé, CàR il RepRéseNTe là viCTOiRe De là CUlTURe sUR là NàTURe. VOilá l’impOssible D’UN fàN-Tàsme qUi me fàiT vOiR Ce qU’esT le seNs là CORRiDà pOUR le philOsOphe qUe je sUis : iNTRODUiRe UNe CORNe De TORO eN philOsOphie, C’esT peUT-êTRe pReNDRe le RisqUe De là NUDiTé, De là véRiTé CRUe, màis C’esT sURTOUT TORéeR CeTTe CORNe, RUseR àveC elle, là DOmiNeR pOUR eN TRiOmpheR. J’essàie De COmpReNDRe Ce qU’esT le plàisiR pOUR UN êTRe hUmàiN, eT j’y TROUve COmme àRRiÈRe fOND mà NàissàNCe á là jOUissàNCe sexUelle. PeUT-êTRe qUe C’esT UN ChemiN qUi peRmeT De sàvOiR pOURqUOi ON pReND plàisiR NON seUle-meNT á Ce qUi esT beàU, màis sURTOUT pàR RàppORT á là COR-RiDà, pOURqUOi DU speCTàCUlàiRe qUi mONTRe UNe pRise De RisqUe, qUi esT viOleNT jUsqU’á là mORT, qUi pROvOqUe là jUxTàpOsiTiON Des gesTes les plUs beàUx eT De là CRUàUTé là plUs ORgàNisée, pOURqUOi Ce speCTàCle qU’esT là CORRiDà plàîT-il á CeRTàiNs êTRes hUmàiNs ? cOmme á là CORRiDà, sOUs l’œil De dieU, plUs RieN Ne peUT êTRe CàChé. Je me sOUvieNs De mes pRemiÈRes effU-
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siONs De speRme : elles fUReNT pOUR mOi l’OCCàsiON D’UN Tel plàisiR qUe j’eN fUs màRqUé COmme D’UNe expéRieNCe ORi-giNelle eT pRemiÈRe qUi àvàiT l’iNTeNsiTé eT là bONTé DU fOND NàTURel De l’hUmàNiTé. Le plàisiR, Tel qU’il éTàiT Res-seNTi eN sOi eT pOUR sOi, éTàiT l’iNDiCe D’UN DépàssemeNT DU COURs ORDiNàiRe Des ChOses : là màNifesTàTiON D’UNe TRàNs-CeNDàNCe qUi TOUTefOis Ne DevàiT pàs se vOiR eT ResTeR iNTé-RieURe. Mes pRemiÈRes vOlUpTés éTàieNT liées àveC l’àffiR-màTiON D’UNe iNvisibiliTé De l’iNTéRiORiTé. Le plàisiR éTàiT seCReT, CàChé, pàs seUlemeNT pàRCe qU’il éTàiT seNTi COmme iNTeRDiT, màis sURTOUT pàRCe qU’il éTàiT là pROximiTé á sOi, l’iNTéRiORiTé pURe qUi se màNifesTàiT COmme éjàCUlàTiON. PeRsONNe Ne DevàiT se DOUTeR De Ce qUi se pàssàiT DàNs le slip. Le pàssàge DU speRme àU bOUT DU glàND, sàNs éReCTiON pàRfOis, màis sOUs le COUp D’UNe émOTiON, D’UNe peUR viO-leNTe, D’UNe meNàCe De ChâTimeNT, me meTTàiT àU sOmmeT DU plàisiR ; je me seNTàis COmme UN dieU, COUpàble eT sOUveRàiN. ces fRissONs De vOlUpTé N’éTàieNT eN RieN COmpeNsés OU ChâTiés pàR De là sOUffRàNCe. QUe De là jOie pURe ! Le bON-heUR Des seNs N’éTàiT pàs UN eNfeR. BieN àU CONTRàiRe UN sOmmeT De l’hUmàNiTé s’y TROUvàiT qUàNT á Ce qUi à TRàiT àU CORps : UNe pléNiTUDe De bONheUR qUi Ne DevàiT àvOiR sON éqUivàleNT qUe DàNs là sOUveRàiNeTé De l’espRiT lORs D’UNe COmpRéheNsiON àppROfONDie liée á UNe expéRieNCe Où CORps eT espRiT se mêleNT.
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L’ORieNTàTiON D’UNe vie se DéCiDàiT TOUT eNTiÈRe fixée sUR le CUlTe DU mOi eT De sON DépàssemeNT pàR Ce qUi gîT àU fOND De Ce mOi, iNCONsCieNT eT eNDORmi. ceRTes, pOUR mOi, vOiR UNe CORRiDà sUsCiTe UN plàisiR sUpéRieUR, UN plàisiR iNTelleCTUel De COmpReNDRe, D’àppRéCieR, UN peU COmme ON gOûTe UN plàT bieN CUisiNé. Màis qUel lieN y à-T-il eNTRe le plàisiR De sàvOiR, le plàisiR DU beàU, eT le plàisiR De seNTiR le speRme mONTeR eN sOi eT le plàisiR De s’eNfOUiR DàNs UNe ChàiRe vOlUpTUeUse ? de même là visiON DU màl exCiTe : qUe De Ràvàge eN émissiON De speRme, là leCTURe De SàDe N’à-T-elle pàs pROvOqUé ? tel me semble êTRe UNe Des mUlTiples ORigiNes De là vOCàTiON De TOReRO OU D’àfiCiONàDO, TOUT àU mOiNs pOUR CeRTàiNs : là peUR exCiTe, fàiT plàisiR. c’esT àUssi là vOCàTiON DU TeRRORisTe, DU CRimiNel. QUelqUe ChOse De viCieUx qUi esT lá, àU plUs iNTime De l’iNTime. POURqUOi àimeR TUeR ? MieUx, pOURqUOi àimeR TUeR Ce qU’ON àime ? ÊTRe pRêTRe, pRêTRe sàCRifiCàTeUR, esT-Ce là bONNe RépONse ? À mOiNs qU’il Ne s’àgisse lá qUe D’UNe CeRTàiNe màNiÈRe plUs OU mOiNs àRTisTiqUe D’êTRe UN bOUCheR, OU UN àRTisTe De meURTRes ORgàNisés eT RiTUàlisés… À mOiNs D’y ReTROUveR le NOble plàisiR àNCesTRàl De là Chàsse… eT DU jeU àveC les àNimàUx… là pàRàDe séDUCTRiCe eT l’àffRONTemeNT De TOUs les DàNgeRs pOUR plàiRe á sà belle OU bieN simplemeNT le DésiR D’êTRe hORs NORme, àU-Delá De Ce qUi esT CONfORme, CONveNU, àU-Delá DU philOsOphiqUemeNT CORReCT. tOUT Celà mélàNgé DONNe là CORRiDà.
PrEMIèrEPartIE
HIStoIrE dE PHILoSoPHEr Sur La corrIda
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de là CONveRsiON TàURiNe
« VOiR sOUffRiR fàiT DU bieN, fàiRe sOUffRiR, plUs eNCORe ». nieTzsChe,Généalogie de la Morale, II, 6
ce sOiR, á PàRis, je Rêve. PlUs exàCTemeNT je méDiTe sileNCieUsemeNT sUR Ce qUe j’ài fàiT De CeTTe jOURNée, pUis peU á peU le sOmmeil COmmeNCe á m’eNgOURDiR. À là pRO-meNàDe DU màTiN àU jàRDiN DU LUxembOURg se mêleNT Des OmbRes peUplées D’àRbRes eT De bRàNChes, je vOis eNCORe Ces imàges DU Réel, màis elles se TRàNsfORmeNT viTe eN seN-sàTiONs De veNT sUR mON visàge, DU sàble COmmeNCe á eNvàhiR mes NàRiNes, COmme si UNe TOUffe De pOils sURgis-sàiT DàNs le TOURbillON. uNe ODeUR, UN sOUffle, l’impRes-siON qUe DU TORO esT lá. uN TORO iNsàisissàble, sUggéRé… qUi fRôle le TissU épàis De mà vesTe. Il m’àRRive sOUveNT De RêveR DU TORO á PàRis, pàRfOis même De RêveR qUe je sUis ReCOUveRT De lUmiÈRe àU CeNTRe D’UNe àRÈNe eT qU’UN TORO s’àCCOUple àveC mOi. de là viOleNCe,beàUCOUpDeviOleNCeeTDelàgRâCe,DelàlégÈ-
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ReTé, COmme si Ce TORO éTàiT Celle qUi m’esT DesTiNée pOUR TOUjOURs, là femme éTeRNelle. Je RepeNse àUx pàROles DÉDOUàRD:vOUsmàviezDiTqUevOUsàimiezfàiReDUmàl á Celle qUe vOUs àimez, vOUs àimez là DOmiNeR, là fàiRe sOUffRiR, là vOiR sOUffRiR COmme si Ce fàNTàsme sàTisfàisàiT vOTRe vie iNCONsCieNTe D’hOmme… ÉDOUàRD ReTROUve CeTTe sOUffRàNCe eT CeTTe CRUàUTé DàNs le TeRCiO De piqUes, C’esT jUsTe àU mOmeNT Où le piCà-DOR eNfONCe sà làNCe jUsqU’á UN CeRTàiN pOiNT DàNs le DOs DU TORO. ceRTes, il y à Des NOvillàDàs sàNs piCàDORs, màis CeTTe sOUffRàNCe DU TORO qU’il esT impOssible De mesUReR qUàNT á sON iNTeNsiTé véCUe Chez là bêTe, esT NéCessàiRe pOUR là bONNe CONDUiTe D’UNe CORRiDà. Là CORRiDà sUppOse Des bêTes beàUCOUp plUs âgées eT plUs lOURDes qU’eN NOvil-làDà. Il Ne s’àgiT pàs De fàiRe sOUffRiR le TORO pOUR le fàiRe sOUffRiR, màis De RégleR sON pORT De TêTe, eT sURTOUT De TesTeR sà bRàvOURe. càR le pàRàDOxe De là sOUffRàNCe DU TORO bRàve sOUs là piqUe, C’esT qU’il Ne fUiT pàs là DOUleUR, màis qU’il ChàRge, pOUsse eT y ReTOURNe. uN bON TORO DOiT pReNDRe àU mOiNs TROis piqUes qU’ON Ne lUi impOse pàs vRàimeNT, màis qU’il pROvOqUe eN ChàRgeàNT De lOiN. Si l’ON DevàiT àDàpTeR là peNsée De nieTzsChe á là COR-RiDà, ON pOURRàiT DiRe qU’il s’àgiT mOiNs De vOiR sOUffRiR le TORO OU De le fàiRe sOUffRiR qUe De vOiR se DévelOppeR UNe veRTU ChevàleResqUe eT gUeRRiÈRe Chez UN TORO : Ne pàs fàiRe àTTeNTiON á là sOUffRàNCe pOUR COmbàTTRe, COmbàTTRe NOblemeNT, àveC bRàvOURe. risqUeR sà vie jUsqU’á TRiOm-
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pheR DU piCàDOR sUR sON Chevàl. Le TORO DémONTRe qU’il esT lá, NON plUs UN simple àNimàl, màis UN espRiT qUi se veUT àU-DessUs De là vie eT De là mORT. SigNifiCàTiON DU COmbàT eT De l’héROïsme : là sOUffRàNCe TàURiNe esT pRise DàNs DU seNs, là NàTURe se CONveRTiT eN espRiT, là fORCe peRD sON àspeCT màTéRiel pOUR DeveNiR DiàleCTiqUe, DU NégàTif àU seRviCe Des veRTUs gUeRRiÈRes. Là CORRiDà àppReNDRàiT àlORs àUx plUs jeUNes le seNs De là NOblesse eT DU COURàge, CONTRe l’héDONisme RàmOlli De NOs CivilisàTiONs OCCiDeN-Tàles qUi ONT là pRéTeNTiON De se DiRe « évOlUées », sàNs vOiR le RisqUe De DéCàDeNCe qUi s’y CàChe. Les àNTi-TàURiNs De bàs éTàge seRàieNT l’expRessiON De Ce RàmOllissemeNT, De CeTTe àTTeNTiON pRêTée àUx mOiNDRes peTiTes sOUffRàNCes De là vie. SOUs pRéTexTe De COmpàssiON eT De pROgRÈs, l’oCCiDeNT OUblie qUe les gRàNDs iDéàUx, les gRàNDes vàleURs sUppOseNT UN mépRis De là mORT eT DU RisqUe. chez Hegel, CelUi qUi ChOisiT là vie DevieNT esClàve, CàR il à pRéféRé ResTeR eN vie plUTôT qUe De mOURiR. cOmmeNT CONveRTiR àU plàisiR De là CORRiDà ? Il fàUT D’àbORD pRàTiqUeR le Rêve, là sUggesTiON àmOUReUse, vOiRe éROTiqUe àveC UN zesTe De peRveRsiON. uN DésiR De véRiTé, UN peU COmme CeT éTàT psyChOlOgiqUe D’àmOUR De là sàgesse qUi esT ReqUis pOUR fàiRe De là philOsOphie. Il fàUT UN éTàT De RelàxàTiON pOUR CeRTàiNs, pOUR D’àUTRes, il leUR fàUT l’ivResse… BRef UN éTàT De CONsCieNCe RelàTivemeNT mODifié. L’hisTOiRe De là philOsOphie, pOUR êTRe àppRéCiée àU pRéseNT sUppOse sOUveNT UN Tel éTàT RêveUR De là
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CONsCieNCe, elle esT semblàble á CeTTe bêTe DONT le TOReRO Dévie là ChàRge pàR UNe pàsse élégàNTe. ce qUe les àUTRes philOsOphes ONT éCRiT, vOilá Ce qU’il fàUT DOmiNeR, TRiTUReR eT esTOqUeR pOUR àbOUTiR á UN àCCeNT peRsONNel, á UNe pàROle Où se mêleNT l’éTeRNiTé eT le véCU le plUs TRiviàl, le plUs iNCàRNé…
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