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CÔTE DI Chroniques de guerre 2002-2011
Collection IREA
Collection dirigée parDavid Gakunzi
Fournir des clés ermettant de mieux com rendre l'Afri ue, son histoire, ses réalités et mutations actuelles, ainsi ue sa éo oliti ue, voilà l'ambition de cette collection de l'IREA Institut de recherche et d'études africaines . La collection - ui réunit aussi bien des essais, des mono ra hies ue des textes littéraires issus des travaux et des débats animés par l'Institut - a pour vocation de faire connaître au rand ublic les travaux d'auteurs confirmés mais é alement ceux de eunes talents encore méconnus. Les ouvrages de la collection sont rédigées dans une langue conviviale, vivante et accessible. Dernières arutions Brian Tourré,De la « Francafrique » à la « Chinafrique », 2012.
Théophile Obenga,fédéral dAfrique noire : la seule issue,LÉtat 2012.
Jean-David NDa,Le nouvel ordre ivoirien, 2012.
Roger Gballou,Côte dIvoire : souver bafouée ineté, 2011. a
Calixte Baniafouna,La démocratie de lONU en Côte dIvoire, 2011. Calixte Baniafouna, ue veut : le cas de laCe ue France veut A ri Côte dIvoire, 2011. Calixte Baniafouna,La démocratie néocoloniale de la France, 2011. Roger Gballou,Côte dIvoire, le crépuscule dune démocratie orpheline,2011.
David Gakunzi,Libye : permis de tuer,2011.
Philippe DUVAL
CÔTE DIVOIREChroniques de guerre 2002-2011 Préface de Mamadou KOULIBALY
© L'Harmattan, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-97013-7EAN:9782296970137
Avertissement
Ce livre, constitué essentiellement de reportages, est constitué de deux parties. La première, « Fantômes divoire », a été écrite en 2002 et 2003 et publiée en octobre 2003. Ce livre, épuisé dans sa première édition, est réédité dans une version identique, allégée de quelques chapitres. La seconde partie couvre la période de 2004 à 2011.
Préface
« Ce nest pas le combat conscient des idées qui sétale devant nous, cela ne se passe jamais ainsi dans la réalité. Ce que nous voyons, ce sont les conflits humains, et au plus profond, entremêlées à eux, il y a des idées en lutte elles sont mises en déroute ou sortent victorieuses. Ibsen Henrik, dramaturge norvégien (1857)
Quelques années dhistoire de la Côte dIvoire restent figées dans cet ouvrage, « Fantômes divoire ». Cest avec une vive émotion que nous relisons le cours de lhistoire récente et lenchaînement dévénements douloureux pour les populations et humiliants pour le pays. Coups dEtat, mutineries, rébellion armée, violence, avidité du pouvoir, trahison, pays coupé en deux, domination étrangère, les deux dernières décennies ont vu la Côte dIvoire senfermer dans une prison dont les clés sont jalousement gardées par des fantômes. Fantômes qui ne sont autres que les élites et les dirigeants qui se sont succédé dans le pays. La souffrance trouve en effet sa source dans la politique des hommes avec le seul pouvoir comme finalité. Ces quelques pages montrent cruellement que les enseignements de lhistoire nont pas été tirés et que les mêmes erreurs se répètent inlassablement. On avance sans traiter les problèmes de fond que lon préfère fuir en les voilant à tout prix dans une bataille acharnée de la communication et de lartifice. La suite de lhistoire nous la connaissons : huit ans de rébellion ponctués dune multitude daccords aussi coûteux que stériles ; des élections présidentielles organisées dans un pays coupé en deux, non réunifié, mal administré et une rébellion armée au Nord vivant grassement de trafics louches, de pillages et de taxes créées sur son fief hors la loi, hors Etat ; lépisode paroxystique de violence ayant

suivi le scrutin de novembre 2010, émaillé de milliers de morts, de milliers de blessés, de vols, de viols, de violences morales, dun blocage économique asphyxiant ayant fait exploser le chômage, des bombardements de larmée française et des troupes onusiennes appuyées par celles de lEcomog ; et il y a un mois, des élections législatives que lon pourrait qualifier pudiquement de « tropi-cales » pour ne pas entrer dans le détail de la mascarade. Lirresponsabilité des hommes de pouvoir conduit aujourdhui le pays à une situation compliquée où linsécurité est au premier plan puisque les autorités semblent faire comme si elles ne maîtrisaient absolument pas leurs nouveaux militaires, anciens guerriers rebelles dont la plupart, sans formation, ont du mal à comprendre que leur mission est de protéger les populations, non de les violenter, ni de punir celles qui ne soutiennent pas leur mentor. Mais leur a-t-on déjà expliqué ou assigné dautres missions que celles quils exécutent depuis 2002 ? Les Ivoiriens vivent dans la peur et sont profondément divisés par une justice aux ordres des vainqueurs qui récompense une partie des criminels anciens rebelles proches dAlassane Ouattara, le nouveau président de la République, alors quelle punit et humilie ses opposants et que Laurent Gbagbo est le seul à devoir répondre de ses actes devant la Cour pénale internationale. A travers les lignes qui suivent, Philippe Duval nous rappelle pourtant que le crime nest pas lapanage du seul clan Gbagbo. Cette nouvelle fuite en avant, ce refus daborder les vrais problèmes ne pourront conduire quà limpasse, une nouvelle fois, comme nous lavons constaté ces dernières années. Nous redécouvrons avec plus dacuité lampleur des complicités inavouables. La Côte dIvoire se meurt de lirresponsabilité de ses dirigeants successifs. La Côte dIvoire se meurt de lexcès de pouvoir de ses chefs dEtat successifs et de la haine quils se vouent les uns envers les autres avec le soutien implicite ou pas de leurs supporteurs respectifs. Partout, dans toutes les chapelles politiques, la logique semble la même : sans nous, le déluge pour la Côte dIvoire. Aujourdhui, alors même quAlassane Ouattara est arrivé au pouvoir soutenu par une communauté internationale saffirmant soucieuse du respect de la démocratie, son pouvoir dérive dangereusement vers une tyrannie. LAssemblée nationale déjà affaiblie ces dernières années sest retrouvée dissoute sur un simple coup de fil présidentiel dès son arrivée au pouvoir, et le pays est
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depuis gouverné par décrets et ordonnances illégales ; le Conseil constitutionnel a été renouvelé en toute illégalité sur décision présidentielle ; de nombreux amis du pouvoir promus fonction-naires et agents de lEtat sont déversés dans ladministration en violation de toute législation, dans la continuité des agissements des régimes précédents, donnant ainsi aux Ivoiriens un sentiment de déjà-vu rétrograde et démotivant ; la carte électorale a été révisée de manière discrétionnaire en violation complète des dispositions des principes de bonne gouvernance édictés et acceptés ailleurs par les pays membres de la soi-disant communauté internationale ; le viol régulier de la Constitution ivoirienne simpose désormais comme norme démocratique. Nous dépassons toutes les bornes jamais connues et la communauté internationale, par une communication habile et intéressée, soutient la dictature en préférant promouvoir, comme une avancée majeure, les nids-de-poule comblés dans les rues dAbidjan, comme si cétait cela le cur du problème. Un peu de vernis sur une planche de bois pourrie ne lui a jamais redonné sa robustesse. Tout ce gâchis pour en arriver là ? En effet, après toutes ces années de souffrance durant lesquelles la pauvreté na cessé de croître, la Côte dIvoire na pas résolu ses problèmes structurels puisquelle na pas osé les aborder. Aucun enseignement na été tiré des erreurs successives, bien au contraire, comme latteste ce livre. Dévidence, compte tenu de lirresponsabilité dont font preuve les dirigeants dans le pays, il est urgent daccroître les libertés individuelles pour que les populations puissent construire, entreprendre, devenir des propriétaires productifs. Aujourdhui, lEtat a tout en main et les populations vivent séquestrées dans lattente dune redistribution qui non seulement ne vient pas mais risque de ne jamais sortir du cadre de la politique clientéliste instaurée depuis les indépendances en vue de garder le pouvoir, protéger son ethnie et ses proches. Le manque de liberté est le cancer du continent, mais, en Côte dIvoire, ses effets sont encore plus criants. Il est impératif de se battre pour la mise en place dun cadre institutionnel qui soit favorable à linitiative privée individuelle et qui mette fin aux excès de la gestion patrimoniale du pouvoir. Cela, associé à de bonnes incitations, permettrait de voir les investissements progresser. Les Ivoiriens sont créatifs, imaginatifs,
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débrouillards, vaillants, il faut donc leur donner lopportunité de vivre de tous ces talents et davancer enfin sur la voie du progrès, de la liberté et de lindépendance, au-delà des fausses illusions. Il est urgent de mettre en place des outils de contrôle du pouvoir et de limiter ce pouvoir absolu de manière drastique. En ce sens, un régime parlementaire est une voie incontournable, car il encadre les dirigeants, permet de vérifier la bonne utilisation des finances publiques et lutte plus efficacement contre la corruption et le tribalisme. Les pays dAfrique ayant choisi ce régime sont moins corrompus, plus libres, plus riches, plus en paix, cela nest un secret pour personne, alors arrêtons de dire que ce régime constitutionnel nest pas adapté à un pays en sortie de crise. Il est non seulement tout indiqué mais notons que la Côte dIvoire avait un régime parlementaire en 1959 et que Houphouët Boigny en était alors le Premier ministre. Le modèle nest donc pas aussi irréaliste que ce que lon veut nous laisser croire. Il est cependant difficile pour les dirigeants de sorienter vers ce genre de choix, car le pouvoir, selon les pratiques actuelles, grise par lenrichissement personnel des acteurs politiques. Mettre un grain de sable dans ce système bien huilé ne tente pas trop les animateurs de la classe politique et tous les arguments sont bons pour fuir en avant quelques années encore, le temps de gonfler le magot personnel et de laisser le terrain miné à ceux qui suivront. Après nous le déluge ! Ou, comme ils aiment à le dire : « A chacun son tour. Hier, cétait vous et votre groupe ethnique, aujourdhui, cest à nous et notre groupe ethnique de gérer et partager le gâteau que représente lEtat de Côte dIvoire. » Au-delà de lirresponsabilité de la classe politique ivoirienne, Philippe Duval ouvre une réflexion que nous ne pouvons occulter. Il nous plonge en effet en pleine guerre de la France contre la Côte dIvoire et nous présente des jeux de rôle et des acteurs que lon voit tour à tour se battre pour pouvoir entrer dans les bonnes grâces de lElysée. Ceci rappelle que lorsque lon critique la Françafrique, il y a certes le côté français de lunion, mais il y a aussi et surtout la branche africaine. Notons que tous les candidats à lentrée de la Françafrique ne sont pas systématiquement acceptés. La crise ivoirienne nous montre sans surprise que certains chefs dEtat, même en exercice, avec toutes leurs offrandes aux dieux élyséens, peuvent en être refoulés sils ne se fondent pas totalement dans le
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