La "judiciarisation" des opérations militaires
276 pages
Français

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La "judiciarisation" des opérations militaires , livre ebook

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Description

"L'art de la guerre" est régi par des règles qui lui sont propres. Mais le droit des conflits armés est désormais happé par le droit commun. Depuis la Révolution, les armées sont à la fois l'outil de l'Etat et l'incarnation de la Nation. Le surgissement de la procédure pénale dans l'univers des opérations révèle le décalage entre les exigences de l'état militaire et celles de la société civile contemporaine. Cet essai en examine les causes et les conséquences.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 49
EAN13 9782296514454
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Christophe Barthélemy






La « judiciarisation » des opérations militaires :

Thémis et Athéna
Copyright

© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.ha rmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN: 978-2-336-28668-6
EAN: 9782336286686
Préface
Depuis vingt ans, les armées françaises sont engagées sans discontinuité dans des opérations extérieures. Chaque année, depuis 1992, des jeunes Français sont tués ou blessés dans des guerres qui n’osent dire leur nom, tant on craint d’effrayer une opinion publique rétive à l’emploi de la force, fut-ce pour mettre fin à d’intolérables violences.
Ces guerres lointaines, coûteuses et risquées sont mal comprises par nos concitoyens qui les jugent sans lien avec leur sécurité quotidienne et qui vivent, pour la plupart, dans l’indifférence aux engagements et aux souffrances de leurs armées.
Et voici que des familles de militaires qui n’avaient pas signé, elles, pour « l’esprit de sacrifice » gravé dans le code de la défense, se révoltent contre la mort au combat de leurs proches et portent plainte « pour que cela ne se reproduise plus ».
Comment pourrions-nous ne pas les comprendre, nous qui avons partagé les espoirs et les dangers de ceux qui sont tombés et qui souffrons cruellement de leur absence ? Mais la Justice aux yeux bandés se met en branle et scrute la « diligence » des chefs au combat, cherchant la faute dans la préparation et la conduite des opérations. Voici que des officiers et des sous-officiers, investis par la Nation d’une mission complexe et risquée, se trouvent, en ayant rempli leur mission en conscience, dans le respect des lois de la guerre et des ordres reçus, placés dans la position de délinquants potentiels.
C’est l’immense mérite de Christophe Barthélemy, fort de sa double expérience de juriste et d’officier de réserve, de savoir remettre en perspective la réalité de la guerre en regard du droit pénal appliqué aux opérations en « temps de paix ». Dense et profond, son livre permet de mesurer le chemin parcouru vers une banalisation abusive des opérations militaires, assimilées à tort à des opérations de police. L’auteur y souligne avec rigueur, en puisant dans sa vaste culture, l’incohérence et l’absurdité qui président à cette approche idéologique et il en relève les conséquences et les risques pour nos armées.
Qu’un officier soit condamné pour des décisions prises au combat dans le respect des lois et des règles d’engagement ébranlerait, en effet, les fondations d’un édifice construit à grand-peine. Celui qui a partagé les souffrances endurées et les risques encourus par ses hommes et se trouve cloué au pilori se sentirait victime d’une injustice odieuse et l’ensemble des armées le vivrait comme le signe d’un « lâchage » intolérable par la Nation. Au-delà, l’inhibition des chefs au combat deviendrait la règle, toute audace étant prohibée. Le succès de nos opérations en serait affecté et les risques encourus par les subordonnés aggravés par l’indécision que susciterait la crainte de poursuites judiciaires.
Pour effacer cette ombre qui pèse déjà sur les esprits, Christophe Barthélemy avance des propositions qui s’adressent d’abord au législateur, mais aussi à la Justice et aux armées, des mesures de bon sens qui renvoient aux propos récents du Chef des armées, le Président Hollande : « le métier militaire n’est pas un métier comme les autres ».
Si ces propositions sont entendues, la crainte et l’amertume qui s’expriment déjà dans les rangs en seront apaisées. Et nos hommes et nos femmes pourront à nouveau, dans la sérénité, entendre et respecter la formule rituelle de passation de commandement : « vous lui obéirez en tout ce qu’il vous commandera pour le bien du service, l’observation des lois, l’exécution des règlements militaires et le succès des armes de la France ».
Général d’armée (2S) Henri Bentégeat , ancien chef d’état-major des armées, ancien président du comité militaire de l’Union européenne.
Avant-propos
La crise que traverse la société française se traduit notamment par une crise de la loi, c’est-à-dire une crise de la légitimité de la loi.
Les formes en sont diverses. Crise du régime parlementaire, qui voit chacun considérer qu’une mesure annoncée par le gouvernement est déjà une loi, sans égard pour les parlementaires. Crise de l’intérêt général, avec notamment le syndrome NIMBY 1 qui rend complexe, longue et toujours plus coûteuse la réalisation des projets d’infrastructure. Crise de la norme, dès lors qu’il est fréquemment admis qu’un nombre suffisant de personnes peuvent légitimement faire obstacle à son application. Crise de la nation, quand des communautés exigent dans divers domaines des règles dérogatoires à la loi commune.
La relecture de La loi dans la pensée grecque , de Jacqueline de Romilly, offre un point de comparaison très riche. La grande dame y a décrit le passage de thémis , la loi d’Antigone, divine mais aussi féodale et arbitraire, aux Thesmoï , lois que les législateurs (Lycurgue, Philolaos, Dracon, Solon…), ont données aux cités aux VII ème et VI ème siècles avant notre ère, puis au nomos , la loi sécularisée que les citoyens ont librement délibérée et qui est consubstantielle à l’idéal démocratique. Cette évolution a donné lieu, à Athènes surtout, à d’amples et vifs débats, contemporains d’une alternance de régimes oligarchiques et démocratiques. Les sophistes, de Protagoras et Antiphon, en passant par le cynique Thrasymaque qui annonce Hobbes, ont pris argument de la relativité de la loi, si variable d’une cité à l’autre, si différente chez les Grecs et chez les Barbares, pour en contester les fondements et la légitimité. Alcibiade a incarné cette perte de repères dans la conduite des affaires publiques. Au tournant des Vème et IV ème siècles, Platon a expliqué dans le Criton comment Socrate a retourné l’argumentation positiviste des sophistes pour démontrer avec la notion d’ homologia , qui préfigure le contrat social, que le respect de la loi obéit à une exigence à la fois personnelle et collective, mise au service de la cohésion et de la survie de la cité. Démosthène paracheva cette réflexion en montrant que le contrat social est la base de la démocratie et le respect des lois la garantie de la liberté des citoyens : alors que les sophistes récusaient la loi au nom de la nature, il a souligné que c’est la loi des hommes qui met fin au désordre de la nature et notamment des passions humaines.
Par delà le Moyen-Age, ces débats ont repris et n’ont pas cessé, notamment entre celui qui oppose jusnaturalistes et positivistes.
Il existait également des « lois communes des Grecs », première forme de « droit des gens », c’est-à-dire de droit international public ; elles comportaient essentiellement ce que nous appelons les « lois de la guerre ». La crise de la loi est d’ailleurs contemporaine de la tragique Guerre du Péloponnèse, par laquelle la Grèce s’est déchirée selon une logique entropique qui fait songer, pour les Européens d’aujourd’hui, aux deux Guerres mondiales. Les lois communes des Grecs traduisaient, chez ceux-ci, le sentiment qu’ils incarnaient la civilisation ; tel est également le cas de notre droit des conflits armés. Les généraux vainqueurs à la bataille navale des Arginuses furent ainsi condamnés à mort par les Athéniens pour n’avoir pas ramené les corps des marins morts pour la patrie, les laissant sans sépulture. Ces lois communes n’ont cependant pas toujours été respectées, en particulier lorsqu’Athènes a rasé la cité insulaire de Mélos, tué les hommes et réduit femmes et enfants en esclavage. Ce crime a non seulement terni l’image de la cité, mais suscité de violents débats politiques sur l’agora. Ces problématiques ont traversé les siècles et continuent de nourrir des débats passionnés.
C’est en conservant en mémoire cette analogie avec le V ème siècle grec que nous avons mené notre réflexion sur une problématique qui nous paraît désormais très préoccupante. Il s’agit des règles de droit applicables aux opérations militaires que la France demande aujourd’hui à ses soldats, marins et aviateurs de conduire sur des territoires ou dans des espaces qui ne sont pas placés sous sa souveraineté. Nous avons acquis la conviction que ces règles sont inadaptées et que le décalage ainsi créé avec la réa

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