Mathieu l enlumineur, version intégrale
207 pages
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Mathieu l'enlumineur, version intégrale , livre ebook

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Description

Cette version réunit les trois tomes de Mathieu l'enlumineur !
Tome 1 : Par une chaude journée d’août 1454, le jeune Mathieu, assis sur un tabouret à trois pieds, s’affairait à broyer dans un petit mortier de porphyre de la malachite pour son maître, Jean Tavernier, enlumineur à la Cour de Bourgogne. Comme l’avaient fait avant lui son père et son frère, Mathieu avait décidé d’apprendre le métier d’enlumineur et Jean Tavernier avait accepté de lui enseigner les secrets de ce noble art.
Tome 2 : Une semaine après leur mariage, Eléonore et Arnaud prirent le chemin de l’Artois où ils allaient vivre désormais. Eléonore n’avait pas quitté sans tristesse le palais ducal où elle laissait des êtres chers, en particulier Madame de Créquy qui la considérait comme sa confidente et son amie. Mais elle allait devoir apprendre son nouveau métier de châtelaine et seconder son époux.
Tome 3 : Eléonore venait de quitter la Cour de Bourgogne pour regagner ses terres d’Artois, laissant son fils unique, Pierre-Arnaud, sous la responsabilité de Jacques de Lalaing qui devait faire de lui un chevalier. Elle avait l’impression d’être dépossédée de ce qui lui était le plus cher, elle avait la tête vide. Sur la route une seule image la hantait, celle de son voyage de retour, neuf ans plus tôt, alors qu’elle ramenait le corps de son mari, Arnaud, en Artois pour y être inhumé auprès de ses ancêtres. Aujourd’hui elle se retrouvait seule pour la deuxième fois et elle allait devoir apprendre à vivre sans son fils.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mai 2015
Nombre de lectures 559
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0005€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAPITRE 1
Par une chaude journée d’août 1454, le jeune Mathieu, assis sur un tabouret à trois pieds, s’affairait à broyer dans un petit mortier de porphyre*de la malachite* pour son maître, Jean Tavernier, enlumineur à la Cour de Bourgogne.
Comme l’avaient fait avant lui son père et son frère, Mathieu avait décidé d’apprendre le métier d’enlumineur et Jean Tavernier avait accepté de lui enseigner les secrets de ce noble art. Son apprentissage serait long et Mathieu attendait avec impatience le moment où on lui confierait enfin l’illustration d’un ouvrage. Pour l’instant il se contentait de préparer les couleurs et d’observer avec attention son maître et les artistes qui travaillaient sous sa direction.
L’atelier comprenait une dizaine de personnes. Certaines ne faisaient que passer, accomplissant leur tour de France pour perfectionner leur technique. Mathieu savait qu’il devrait lui aussi un jour quitter sa famille pour parfaire ses connaissances.
Le métier d’enlumineur ne s’apprenait pas dans les livres. Il se transmettait de maître à apprenti et chaque artiste avait ses secrets, notamment pour la fabrication des couleurs, qu’il ne léguait qu’à ceux de ses élèves qui s’en montraient dignes.
Ce matin-là, l’atelier était en effervescence. Jean Tavernier recevait la visite de David Aubert, l’un des chroniqueurs attitrés du duc de Bourgogne, Philippe le Bon* . David Aubert était venu lui confier l’illustration du premier volume de ses « Chroniques et Conquêtes de Charlemagne », ouvrage qui lui avait été commandé par Monseigneur
* Porphyre : voir lexique. * Malachite : voir lexique. * Philippe le Bon : voir lexique.
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de Créquy, chambellan de Philippe le Bon et conseiller très écouté dans l’entourage du
duc, de surcroît fort autorisé en matière de livres.
C’était lui qui avait introduit Aubert à la Cour de Bourgogne et l’avait présenté au duc. Aussi Aubert tenait-il à le satisfaire. Ses « Chroniques et Conquêtes de Charlemagne » devaient être magnifiquement enluminées. Aubert avait choisi Jean Tavernier pour sa compétence et son renom. De plus tous deux se connaissaient depuis longtemps et des liens amicaux s’étaient noués entre eux. Aubert savait qu’il ne serait pas déçu par le travail de son ami et lui faisait toute confiance.
David Aubert retraça dans les grandes lignes le contenu de son ouvrage. Il s’agissait d’une compilation de chansons de geste* relatant les exploits de Charlemagne, héros légendaire dans lequel les ducs de Bourgogne se projetaient, rivalisant de puissance et de magnificence avec le roi de France.
Aubert fit quelques suggestions à Jean Tavernier quant à l’illustration de certains passages mais pour l’essentiel il lui laissa toute liberté.
Deux autres volumes viendraient s’ajouter plus tard. Plusieurs mois de travail, voire plusieurs années, seraient nécessaires pour enluminer chacun des ouvrages et une centaine de miniatures en grisaille* ou en camaïeu* les enrichiraient, pour qu’ils soient dignes de figurer en bonne place dans la célèbre bibliothèque des puissants ducs de Bourgogne.
Resté discrètement à l’écart, Mathieu n’avait pas perdu un mot de l’entretien. Tout jeune, comme la plupart des garçons de son âge, il avait été bercé par les récits des exploits de Roland et Olivier. Il espérait que son maître lui permettrait de participer à l’illustration de ce manuscrit. De nombreuses idées se bousculaient déjà dans sa tête et il en était tout excité. Mais il ne pouvait être question pour lui de se mêler à la conversation. Modeste apprenti, il se devait de garder la place qui était la sienne.
* Chanson de geste : voir lexique. * Grisaille : voir lexique. * Camaïeu : voir lexique.
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CHAPITRE 2
Deux années s’étaient écoulées depuis l’arrivée de Mathieu chez Jean Tavernier.
Dès sa plus tendre enfance Mathieu avait côtoyé certains des plus grands enlumineurs de son époque. Son père qui l’emmenait parfois dans l’atelier où il travaillait lui avait enseigné les premiers rudiments de son art et communiqué la passion de son métier. Mathieu n’était donc pas tout à fait un novice lorsqu’il était arrivé chez Jean Tavernier. Il apprenait vite et, bien que docile, on sentait poindre en lui une forte personnalité et un tempérament d’artiste bien trempé. Jean Tavernier ne s’y était pas trompé. Il avait deviné le potentiel de créativité du jeune garçon et commençait à lui confier de petits travaux à réaliser sous son regard bienveillant et critique à la fois.
Un jour de novembre, l’occasion se présenta pour Mathieu de faire ses premiers pas à la Cour de Bourgogne ; Jean Tavernier devait apporter un Livre d’Heures richement enluminé à Monseigneur de Créquy qui le lui avait commandé.
Les Livres d’Heures, bréviaires à l’usage des laïcs, renfermaient les psaumes et les prières qu’on devait réciter à des heures précises, les sept heures canoniales. Leur composition dépendait des goûts du commanditaire, à l’exception du calendrier initial.
Jean Tavernier demanda à Mathieu de l’accompagner pour porter le précieux manuscrit.
C’était un grand événement pour le jeune homme qui fêtait ce jour-là ses seize ans. Il avait su gagner la confiance de son maître et l’avenir lui souriait.
Mathieu avait revêtu son plus beau surcot vert, assorti à la couleur de ses yeux. C’était un grand jeune homme blond, mince et pourtant bien charpenté. Soulever de lourds manuscrits l’avait rendu robuste. Il était séduisant. Mais sa passion pour son art
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et sa soif d’apprendre l’avaient laissé pour l’instant peu sensible aux charmes de la gent féminine.
A leur arrivée au palais ducal, Jean Tavernier et Mathieu furent introduits par un damoiseau portant la livrée des ducs de Bourgogne auprès de Monseigneur de Créquy qui se trouvait dans la bibliothèque. Ce dernier était en bonne compagnie, entouré d’une dizaine de seigneurs et de gentes dames, venus admirer ses dernières
acquisitions.
Le Livre d’Heures fut aussitôt feuilleté et apprécié par tous. Jean Tavernier reçut les félicitations de Monseigneur de Créquy ainsi que des personnes présentes.
Mathieu, après avoir déposé l’ouvrage sur un lutrin, s’était humblement retiré dans un coin de la pièce. Il laissait errer son regard admiratif sur les milliers de volumes disposés sur les rayons. Certains , posés sur des pupitres étaient ouverts, de sorte qu’on pouvait contempler des pages richement enluminées.
Tout à sa curiosité, Mathieu n’avait pas remarqué la présence d’une jeune fille d’une remarquable beauté qui, elle, ne le quittait pas des yeux.
Au bout d’un moment elle s’approcha et s’enhardit à interpeller Mathieu qui, surpris, sursauta.
- Comment t’appelles-tu ?
- Mathieu, répondit le jeune homme, étonné par tant de hardiesse mais déjà sous le charme de sa douce voix.
N’osant lui demander son nom, Mathieu se tut alors. Un peu intimidé de se trouver dans un tel lieu, en aussi charmante compagnie, il ne savait comment poursuivre la conversation. Ce fut donc elle qui prit, une deuxième fois, l’initiative.
- Je m’appelle Eléonore et je suis demoiselle de compagnie de Madame de Créquy. Tu viens sans doute ici pour la première fois, je ne t’ai jamais vu au palais.
- En effet, j’accompagne Maître Jean Tavernier qui m’enseigne le métier de l’enluminure* . Combien y a-t-il de livres dans cette pièce ? Je crois bien que je n’en ai jamais vu autant, ajouta-t-il, encore tout impressionné.
* Enluminure : voir lexique.
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Leur conversation fut interrompue par Jean Tavernier qui, après avoir reçu une bourse bien remplie pour paiement de son travail, prenait congé de son mécène.
- Il est temps de rentrer à l’atelier, Mathieu. Je vois que tu as fait la connaissance de Damoiselle Eléonore, une fervente admiratrice de notre art. Je vous salue, gente damoiselle.
- Bonjour, Maître Tavernier. Vous avez là un bien gentil apprenti, répondit Eléonore sans se troubler.
Se tournant vers Mathieu, elle ajouta avec un délicieux sourire :
- A bientôt, Mathieu. Nous nous reverrons sûrement. Je viens justement d’écrire un recueil de poèmes que vous pourriez illustrer pour moi.
Cette scène avait eu un témoin, le jeune duc Arnaud, amoureux éconduit de la belle Eléonore. Son regard noir en disait long sur les sentiments qui l’agitaient en cet instant. Voir la jeune fille qu’il convoitait s’intéresser à un inconnu lui était insupportable. En son for intérieur, il maudissait ce jeune impertinent qui osait réussir là où il avait échoué lui-même : attirer l’attention et provoquer l’intérêt d’Eléonore.
Agé d’une vingtaine d’années, Arnaud était grand et bien bâti mais son visage ingrat et son regard fuyant n’attiraient pas les sympathies. De plus il avait le verbe haut et se montrait volontiers méprisant avec ceux qui lui étaient inférieurs. Il avait utilisé son rang pour tenter de séduire Eléonore mais celle-ci était plus sensible à la noblesse d’âme qu’à la position sociale. Elle avait donc manifesté avec fermeté au jeune homme qu’il perdait son temps. Meurtri dans son amour-propre, ce dernier s’était juré
qu’Eléonore ne serait jamais à un autre.
Observant à la dérobée la jeune fille, il s’était vite rendu compte qu’elle n’avait d’yeux que pour ce garçon insignifiant, un obscur apprenti enlumineur, sans intérêt pour lui qui ne s’intéressait guère aux choses de l’art. Comment pouvait-elle lui infliger un tel affront ? Un sentiment de haine s’installa en lui. Son amour-propre lui réclamait vengeance et il cherchait déjà le moyen de nuire au jeune impudent.
Eléonore croisa le regard d’Arnaud au moment où Mathieu et Maître Tavernier quittaient la bibliothèque. Elle frissonna et, l’espace d’un instant, elle eut peur. Mais très vite elle chassa ce sentiment et, toute à la joie de cette rencontre imprévue, elle esquissa même un sourire en direction d’Arnaud qui le reçut comme un coup de poignard. Ce
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sourire ne lui était pas vraiment destiné, il le savait et il en souffrait. Il préféra quitter la pièce sans chercher à parler à Eléonore. Sa gorge était nouée et il se serait une fois de plus rendu ridicule à ses yeux, elle qui aimait les beaux parleurs. Son heure viendrait, il en était sûr. Pour l’instant la fuite lui paraissait la meilleure stratégie.
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CHAPITRE 3
Sur le chemin du retour, Jean Tavernier ne put s’empêcher de moquer gentiment Mathieu. Il avait pris en amitié son jeune élève et le considérait un peu comme son fils, lui qui n’avait jamais pris épouse. Il se plaisait à dire qu’il était marié à son art. Mais la solitude lui pesait parfois et il regrettait de ne pas avoir un fils à qui transmettre tous ses secrets. Mathieu ressemblait au fils qu’il aurait aimé engendrer. Aussi avait-il décidé au fond de lui-même que Mathieu, s’il continuait à s’en montrer digne, serait son héritier.
Tout en devisant, ils arrivèrent à l’atelier sans se rendre compte qu’ils étaient suivis. Celui qui leur avait emboîté le pas n’était autre qu’Arnaud qui voulait en savoir un peu plus long sur son rival afin de trouver comment le discréditer aux yeux d’Eléonore.
Lorsqu’il les vit entrer dans l’atelier, Arnaud réfléchit puis décida de les suivre.
La pièce était bien éclairée. Le jour pénétrait par de grandes fenêtres et les pupitres des enlumineurs étaient disposés de façon à éviter les contre-jours.
A portée de leurs mains se trouvait tout le matériel nécessaire à leur ouvrage : brunissoirs, plumes, couteaux bien tranchants, compas, pieds de lièvre et dents de loup, des pierres ponces pour polir les surfaces, des godets, des coquilles, des alambics et des fourneaux pour préparer les couleurs.
Chacun avait une tâche bien définie et travaillait en silence. On n’entendait que le bruit des pilons qui broyaient le lapis-lazuli* ou la malachite servant pour la préparation des peintures.
* Lapis-lazuli : voir lexique.
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Les artistes avaient à leur disposition une vaste palette de couleurs, fabriquées à partir de matières minérales ou organiques. Les rouges étaient obtenus à partir d’oxyde de plomb, de cinabre ou de différentes espèces végétales. Le bleu était fabriqué en broyant de l’azurite ou du lapis-lazuli. Le jaune provenait du safran et le blanc de la céruse de plomb. Les verts étaient extraits de la malachite ou du pigment appelé vert-de-gris.
Le duc Arnaud s’avança vers Jean Tavernier qui l’accueillit avec beaucoup de déférence. Ce dernier s’étonna , car il savait le duc plus intéressé par les armes que par les belles choses, mais il n’en montra rien. Il valait mieux se ménager ce gentilhomme qui pouvait se montrer redoutable envers ceux qui lui déplaisaient.
- Monseigneur me fait un grand honneur de visiter mon modeste atelier, dit Jean Tavernier en s’inclinant bien bas. Que puis-je faire pour vous satisfaire ? ajouta-t-il
- Je désire offrir un Livre d’Heures à une jeune personne fort éprise de belles choses. Je veux ce que vous avez de plus beau.
Pendant qu’il parlait, son regard inspectait les lieux ; il vit alors celui qu’il considérait comme son rival, assis à un pupitre, déjà concentré sur un travail délicat. Mathieu était en train d’appliquer une feuille d’or qui servirait de base à une lettrine* . Ensuite il dessinerait en couleur les entrelacs* de la lettre choisie.
Sentant un regard peser sur lui , Mathieu leva les yeux et rencontra ceux du duc. Il s’étonna de voir une telle animosité dans le regard d’un inconnu. Qui était-il ? Que lui voulait-il ? Un malaise s’empara de lui sans qu’il en comprenne vraiment la raison.
- Mathieu, montre donc à Monseigneur le Livre d’Heures sur lequel tu es en train de travailler, lui ordonna Jean Tavernier.
Mathieu souleva avec beaucoup de précaution l’ouvrage du lutrin* sur lequel il se trouvait et s’approcha du duc. Il déposa le Livre d’Heures sur un pupitre et tourna lentement les pages pour montrer les enluminures.
- Je ne veux pas d’un Livre d’Heures enluminé par un débutant, répliqua Arnaud avec grand mépris. Je vous ai demandé votre plus bel ouvrage.
* Lettrine : voir lexique.
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