Pierre Arnaud
79 pages
Français

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Description

Eléonore venait de quitter la Cour de Bourgogne pour regagner ses terres d’Artois, laissant son fils unique, Pierre-Arnaud, sous la responsabilité de Jacques de Lalaing qui devait faire de lui un chevalier. Elle avait l’impression d’être dépossédée de ce qui lui était le plus cher, elle avait la tête vide. Sur la route une seule image la hantait, celle de son voyage de retour, neuf ans plus tôt, alors qu’elle ramenait le corps de son mari, Arnaud, en Artois pour y être inhumé auprès de ses ancêtres. Aujourd’hui elle se retrouvait seule pour la deuxième fois et elle allait devoir apprendre à vivre sans son fils.

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Date de parution 01 mai 2015
Nombre de lectures 111
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0005€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAPITRE 1
Eléonore venait de quitter la Cour de Bourgogne pour regagner ses terres d’Artois, laissant son fils unique, Pierre-Arnaud, sous la responsabilité de Jacques de Lalaing qui devait faire de lui un chevalier.
Elle avait l’impression d’être dépossédée de ce qui lui était le plus cher, elle avait la tête vide. Sur la route une seule image la hantait, celle de son voyage de retour, neuf ans plus tôt, alors qu’elle ramenait le corps de son mari, Arnaud, en Artois pour y être inhumé auprès de ses ancêtres. Aujourd’hui elle se retrouvait seule pour la deuxième fois et elle allait devoir apprendre à vivre sans son fils.
Heureusement, elle était forte et les responsabilités qu’elle avait à assumer l’aideraient à remplir sa vie.
De son côté Pierre-Arnaud était tout à la découverte de ce monde nouveau où il allait évoluer désormais. Son rêve se réalisait enfin. Il allait apprendre le métier des armes et devenir chevalier comme son père. Tout l’émerveillait dans cette Cour de Bourgogne dont lui avait tant parlé sa mère ; l’étalage de luxe, de richesses le fascinait. Il n’avait jamais rien vu de tel.
Pourtant ses jeux avec les petits paysans lui manquaient parfois. Sa mère aussi, bien sûr. Mais il mettait un point d’honneur à ne jamais en parler à Jacques de Lalaing. Il avait tellement à coeur d’être à la hauteur de ce qu’on attendait de lui qu’il ne voulait montrer aucun signe de faiblesse.
Aussi s’échappait-il de temps en temps pour aller voir Marie et Mathieu dans leur atelier d’enlumineurs. Là, il avait l’impression de trouver une vraie famille auprès de laquelle il pouvait se laisser aller un peu et faire le plein d’affection.
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Il s’intéressait de plus en plus au travail de ses amis qui l’initiaient à l’enluminure avec beaucoup de patience.
Marie et Mathieu, n’ayant pas d’enfant, s’étaient pris d’affection pour ce garçon vif et intelligent, curieux de tout, qui avait fait preuve de courage dans des circonstances difficiles.
Dès sa première visite à l’atelier, Pierre-Arnaud s’était fait expliquer à quoi servaient les différents instruments qui s’y trouvaient ; puis il avait passé des heures à observer le travail des enlumineurs. Voyant son intérêt grandissant, Marie lui avait appris quelques techniques de base. Pierre-Arnaud s’était vite montré doué pour le dessin, il avait un bon coup de crayon et le sens des couleurs. Il avait manifestement hérité de sa mère son goût artistique.
Ce jour-là, il arriva à l’atelier vers la fin de l’après-midi et sauta, comme d’habitude au cou de Marie. Jean Fouquet, le père de la jeune femme, était venu passer quelques jours à Dijon. Pierre-Arnaud ne l’avait encore jamais rencontré mais sa mère et Marie lui avaient beaucoup parlé du célèbre enlumineur. Pierre-Arnaud était un peu intimidé mais Jean Fouquet le mit tout de suite à l’aise.
- Voilà donc le jeune damoiseau qui s’intéresse à notre art. Je suis bien aise de vous rencontrer enfin. Ma fille m’a dit que vous feriez un bon enlumineur.
Pierre-Arnaud rougit au compliment.
- J’aimerais beaucoup devenir enlumineur, mais je dois être chevalier, comme mon père, répondit-il fièrement.
- Il faut suivre votre destin, mon jeune ami, dit le peintre en souriant.
Le jeune garçon lui plaisait. L’union de Marie et de Mathieu était heureuse et c’était l’essentiel aux yeux de Jean Fouquet. Cependant il souffrait de ne pas encore avoir de petit-fils à qui transmettre son savoir. Pierre-Arnaud réveillait en lui ce regret qu’il n’avait jamais exprimé ouvertement.
Pierre-Arnaud, comme à l’accoutumée, allait de l’un à l’autre, posant des questions, faisant des remarques judicieuses sur le choix d’un motif ou d’une couleur. On lui répondait, avec gentillesse car il faisait toujours montre d’un grand respect pour les artistes. Les jours où il ne se rendait pas à l’atelier car son service le retenait au
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palais ducal ou auprès de Jacques de Lalaing, chacun ressentait un manque et attendait avec impatience le lendemain. En fait rares étaient les jours où Pierre-Arnaud ne venait pas au moins un petit moment. Il racontait à Marie, devenue sa confidente, toutes ses joies et parfois aussi ses chagrins. Mais c’est vers Mathieu qu’il se tournait lorsqu’il avait besoin de conseils, comme il le faisait auparavant avec son parrain, Jacquou. Son
père lui manquait tant !
Sa mère lui avait fait de lui le portrait d’un bon mari et d’un chevalier vaillant et estimé. Cependant il avait surpris à la cour des remarques qui n’étaient pas toujours bienveillantes à son égard, des sous-entendus blessants qui avaient brouillé l’image qu’il s’était faite de son père. Le duc Arnaud avait en effet laissé des souvenirs divers à ceux qui avaient eu affaire à lui. Il était longtemps apparu à la plupart comme un gentilhomme froid et dur, du moins avant son mariage. Et les mauvaises langues du palais n’avaient pas ménagé son fils, comme s’ils voulaient se venger du mépris que leur avait parfois manifesté le père.
Pierre-Arnaud ne pouvait admettre l’idée que sa mère lui avait menti et que son
père n’était pas aussi parfait qu’elle le lui avait dit. Aussi rentrait-il dans des rages folles, qu’il parvenait cependant à maîtriser, lorsqu’il entendait dire autre chose que ce que sa mère lui avait affirmé. Dans ces moments il souhaitait être plus vieux de quelques années pour laver l’affront l’épée à la main. Il rêvait de duel et de vengeance. C’était bien le sang d’Arnaud qui bouillait dans ses veines !
C’est pourquoi il lui fallait venir à l’atelier pour retrouver le calme et la sérénité qui lui faisaient parfois défaut.
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CHAPITRE 2
Tous les matins Pierre-Arnaud apprenait le maniement des armes avec le maître d’armes de Jacques de Lalaing. Il s’entraînait également au tir à l’arc et à la quintaine. Parfois il affrontait des garçons de son âge. Les combats étaient acharnés car tous avaient à coeur de prouver leur vaillance. Pierre-Arnaud démontrait alors sa force et son endurance, mais aussi son adresse. Il avait manifestement hérité des qualités de jouteur de son père et Jacques de Lalaing ne lui ménageait ni ses encouragements ni ses conseils.
Pour devenir un chevalier accompli, Pierre-Arnaud devait également apprendre à bien se comporter en société. Il prenait donc aussi des leçons de maintien et de danse, étudiait l’étiquette de la Cour de Bourgogne. Tout cela ne l’amusait guère mais il avait promis à sa mère de ne rien négliger et de se montrer docile. Il préférait cependant l’atmosphère décontractée et bon enfant de son château d’Artois. L’ambiance de la cour lui pesait souvent. Certes il y avait les fêtes qui le divertissaient encore, mais au bout de quelques mois, l’attrait de la nouveauté s’était émoussé. Sa curiosité avait été vite assouvie.
Il ne s’était pas vraiment fait d’amis parmi ses jeunes compagnons. La rivalité qui régnait entre eux était trop forte pour permettre la naissance d’une amitié profonde et sincère. Pierre-Arnaud n’en souffrait pas vraiment car il avait un caractère indépendant. Il recherchait plutôt la compagnie des adultes qui, eux, appréciaient la maturité dont il faisait preuve.
Son grand plaisir était d’assister aux passes d’armes des chevaliers bourguignons. Il observait avec soin leurs tactiques et s’efforçait ensuite de les imiter en espérant les égaler et même les surpasser un jour. Il voulait devenir le meilleur, comme
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son père ou Jacques de Lalaing. Il le devait, pensait-il, à ce père nimbé de mystère et de gloire.
Un matin, alors qu’il attendait son tour pour jouter, il vit venir vers lui un jeune garçon qu’il ne connaissait pas.
- Bonjour, lui dit le nouveau venu, je viens d’arriver à la cour, je m’appelle Paul. Quel est ton nom ?
- Pierre-Arnaud, page de Jacques de Lalaing. Je viens d’Artois et je ne suis moi-même à Dijon que depuis quelques mois.
- Moi aussi, s’exclama Paul. Quelle coïncidence ! Soyons amis, ajouta-t-il avec spontanéité.
C’était un garçon joufflu, l’air bon enfant. Il était différent des jeunes gens que Pierre-Arnaud avait fréquentés depuis son arrivée au palais ducal.
- Je vais te présenter aux autres, lui proposa Pierre-Arnaud, conquis d’emblée par le naturel de son compagnon. Ensuite je te ferai visiter Dijon et nous parlerons du pays.
- D’accord. Ce sera un grand plaisir pour moi de t’avoir pour guide. Je dois avouer que je me sens un peu perdu.
Sa voix s’était teintée d’émotion. Sa famille lui manquait déjà et Pierre-Arnaud sentit qu’il luttait contre les larmes qui lui montaient aux yeux.
- Allons, tu verras, tu te plairas ici, tout est si merveilleux ; les fêtes et les tournois se succèdent. Tu ne t’ennuieras pas, essaya-t-il de le rassurer.
Paul s’était repris et son caractère gai avait eu raison de sa tristesse passagère.
Pierre-Arnaud présenta son nouvel ami aux autres garçons qui le dévisagèrent avec des sourires moqueurs. Pierre-Arnaud les toisa avec colère. Il avait compris que Paul risquait fort de devenir leur souffre-douleur s’il ne le prenait pas sous sa protection. Paul était en effet un garçon un peu corpulent, aux jambes courtes. Son physique le desservirait certainement pendant les entraînements.
Eléonore avait appris à son fils à juger autrui non pas sur son rang ou son physique mais sur ses qualités morales. Aussi n’eut-il aucun mal à choisir son camp.
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