Epreuve de français 2004 ISFA
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Examen du Supérieur ISFA. Sujet de Epreuve de français 2004. Retrouvez le corrigé Epreuve de français 2004 sur Bankexam.fr.

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Publié le 05 mars 2007
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Langue Français

Extrait

2004
I.
S.
F.
A.
2004-2005
__________
_________
Concours d'Entrée
______________
ÉPREUVES DE FRANÇAIS
_______________________
1
ère
Epreuve : Contraction de texte (2 heures)
2
ème
Epreuve : Dissertation (1 heure)
Les copies de la première épreuve seront rendues au bout de deux heures.
Le sujet de la deuxième épreuve sera alors communiqué aux candidats.
1ère EPREUVE
CONTRACTION DE TEXTE
-------------------------------------
(Durée : 2 heures)
Vous résumerez en 250 mots (tolérance + ou - 10 %) ce texte d’environ 2 000 mots, extrait du livre de
Roland BARTHES,
Le bruissement de la langue
, Seuil, 1984
La paix culturelle.
Dire qu’il y a une culture bourgeoise est faux, parce que c’est toute notre culture qui est bourgeoise (et dire
que notre culture est bourgeoise est un truisme fatigant, qui traîne dans toutes les universités). Dire que la culture
s’oppose à la nature est incertain, parce qu’on ne sait pas très bien où sont les limites de l’une et de l’autre : où est
la nature dans l’homme ? Pour se dire homme, il faut à l’homme un langage, c’est-à-dire la culture elle-même.
Dans le biologique ? On retrouve aujourd’hui dans l’organisme vivant les mêmes structures que dans le sujet
parlant : la vie elle-même est construite comme un langage. Bref, tout est culture, du vêtement au livre, de la
nourriture à l’image, et la culture est partout, d’un bout à l’autre des échelles sociales. Cette culture, décidément,
est un objet bien paradoxal : sans contours, sans terme oppositionnel,
sans reste
.
Ajoutons même peut-être : sans histoire – ou du moins sans rupture, soumise à une répétition inlassable.
Voici, à la télévision, un feuilleton américain d’espionnage : il y a un cocktail sur un yacht, et les partenaires se
livrent à une sorte de marivaudage mondain (coquetteries, répliques à double sens, jeux d’intérêts) ; mais
cela a
déjà été vu ou dit
: non seulement dans des milliers de romans et de films populaires, mais dans les oeuvres
anciennes, qui ont appartenu à ce qui pourrait passer pour une
autre
culture, dans Balzac, par exemple : on croirait
que la princesse Cadignan s’est simplement
déplacée
, qu’elle a quitté le Faubourg Saint-Germain pour le yacht
d’un armateur grec. Ainsi, la culture, ce n’est pas seulement ce qui revient, c’est aussi et surtout ce qui reste sur
place, tel un cadavre impérissable : c’est un jouet bizarre que
l’Histoire ne casse jamais
.
Objet unique, puisqu’il ne s’oppose à rien, objet éternel, puisqu’il ne se casse jamais, objet paisible en
somme, dans le sein duquel tout le monde est rassemblé sans conflit apparent : où est donc le
travail
de la culture
sur elle-même, où sont ses contradictions, où est son malheur ?
Pour répondre, il nous faut, en dépit du paradoxe épistémologique de l’objet, risquer une définition, la plus
vague qui soit, bien entendu : la culture est un
champ de
dispersion
. De quoi ? Des langages.
Dans notre culture, dans la paix culturelle, la
Pax culturalis
à laquelle nous sommes assujettis, il y a une
guerre inexpiable des langages : nos langages s’excluent les uns les autres ; dans une société divisée (par la classe
sociale, l’argent, l’origine scolaire), le langage lui-même divise. Quelle portion de langage, moi, intellectuel, puis-
je partager avec un vendeur des Nouvelles Galeries ? Sans doute, si nous sommes tous les deux français, le
langage de la communication ; mais cette part est infime : nous pouvons échanger des informations et des
truismes ; mais le reste, c’est-à-dire l’immense volume, le jeu entier du langage ? Comme il n’y a pas de sujet hors
du langage, comme le langage, c’est ce qui constitue le sujet de part en part, la séparation des langages est un
deuil permanent ; et ce deuil, il ne se produit pas seulement lorsque nous sortons de notre « milieu » (là où tout le
monde parle le même langage), ce n’est pas seulement le contact matériel d’autres hommes, issus d’autres
milieux, d’autres professions, qui nous déchire, c’est précisément cette « culture » que, en bonne démocratie, nous
sommes censés avoir tous en commun : c’est au moment même où, sous l’effet de déterminations apparemment
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techniques, la culture semble s’unifier (illusion que reproduit assez bêtement l’expression « culture de masse »),
c’est alors que la division des langages culturels est portée à son comble. Passez une simple soirée à votre poste de
télévision (pour nous en tenir aux formes les plus communes de la culture) ; vous y recevrez, en dépit des efforts
d’aplatissement général entrepris par les réalisateurs, plusieurs langages différents, dont il est impossible qu’ils
répondent tous non seulement à votre désir (j’emploie ce mot au sens fort), mais même à votre intellection : il y a
toujours dans la culture une portion de langage que l’autre (donc moi) ne comprend pas ; mon voisin juge
ennuyeux ce concerto de Brahms et moi je juge vulgaire ce sketch de variétés, imbécile ce feuilleton sentimental :
l’ennui, la vulgarité, la bêtise sont les noms divers de la sécession des langages. Le résultat est que cette sécession
ne sépare pas seulement les hommes entre eux, mais chaque homme, chaque individu est en lui-même déchiré ; en
moi chaque jour, s’accumulent, sans communiquer, plusieurs langages isolés : je suis fractionné, coupé, éparpillé
(ce qui, ailleurs, passerait pour la définition même de la « folie »). Et, quand bien même je réussirais, moi, à parler
le même langage toute la journée, combien de langages différents je suis obligé de recevoir ! Celui de mes
collègues, de mon facteur, de mes étudiants, du commentateur sportif de la radio, de l’auteur classique que je lis le
soir : c’est une illusion de linguiste que de considérer à égalité la langue que l’on parle et celle que l’on écoute,
comme si c’était la même langue ; il faudrait ici reprendre la distinction fondamentale proposée par Jakobson,
entre la grammaire active et la grammaire passive : la première est monotone, la seconde est hétéroclite, voilà la
vérité du langage culturel ; dans une société divisée, même s’il parvient à unifier son langage, chaque homme se
débat contre l’
éclatement de l’écoute
: sous couvert de cette culture totale qui lui est institutionnellement
proposée, c’est, chaque jour, la division schizophrénique du sujet qui lui est imposée ; la culture est d’une certaine
façon le champ pathologique par excellence, où s’inscrit l’
aliénation
de l’homme contemporain (bon mot, à la fois
social et mental).
Ainsi, semble-t-il, ce qui est recherché par chaque classe sociale, ce n’est pas la possession de la culture
(soit qu’on veuille la conserver, soit qu’on veuille l’obtenir), car la culture est là, partout et à tout le monde ; c’est
l’unité des langages, la coïncidence de la parole et de l’écoute. Comment donc aujourd’hui, dans notre société
occidentale, divisée dans ses langages et unifiée dans sa culture, comment les classes sociales, celles que le
marxisme et la sociologie nous ont appris à reconnaître, comment
regardent-elles vers
le langage de l’autre ? Quel
est le
jeu de l’interlocution
(hélas, fort décevant) dans lequel, historiquement, elles sont prises ?
La bourgeoisie détient en principe toute la culture, mais depuis déjà longtemps (je parle pour la France) elle
n’a plus de voix culturelle propre. Depuis quand ? Depuis que ses intellectuels, ses écrivains l’ont lâchée ;
l’affaire Dreyfus semble avoir été dans notre pays la secousse fondatrice de ce détachement ; c’est d’ailleurs le
moment où le mot « intellectuel » apparaît : l’intellectuel est le clerc qui essaie de rompre avec la bonne
conscience de sa classe sinon d’origine (qu’un écrivain soit individuellement sorti de la classe laborieuse ne
change rien au problème), du moins de consommation. Ici, aujourd’hui,
rien ne s’invente
: le bourgeois
(propriétaire, patron, cadre, haut fonctionnaire) n’accède plus au langage de la recherche intellectuelle, littéraire,
artistique, parce que ce langage le conteste ; il démissionne en faveur de la culture de masse ; ses enfants ne lisent
plus Proust, n’écoutent plus Chopin, mais à la rigueur Boris Vian, la pop music. Cependant, l’intellectuel qui le
menace n’en est pas plus triomphant pour cela ; il a beau se poser en représentant, en procureur du prolétariat, en
oblat de la cause socialiste, sa critique de la culture bourgeoise ne peut emprunter que l’ancien langage de la
bourgeoisie, qui lui est transmis par l’enseignement universitaire : l’idée de
contestation
devient elle-même une
idée bourgeoise ; le public des écrivains intellectuels a pu se déplacer (encore que ce ne soit nullement le
prolétariat qui les lise), non le langage ; certes l’intelligentsia cherche à
inventer
des langages nouveaux, mais ces
langages restent
enfermés
: rien n’est changé à l’interlocution sociale.
Le prolétariat (les producteurs) n’a aucune culture propre ; dans les pays dits développés, son langage est
celui de la petite bourgeoisie, parce que c’est le langage qui lui est offert par les communications de masse
(grande presse, radio, télévision) : la culture de masse est petite-bourgeoise. Des trois classes typiques, c’est
aujourd’hui la classe intermédiaire, parce que c’est peut-être le siècle de sa promotion historique, qui cherche le
plus à élaborer une culture originale, en ceci qu’elle serait
sa
culture : il est incontestable qu’un travail important
se fait au niveau de la culture dite de masse (c’est-à-dire de la culture petite-bourgeoise) – ce pour quoi il serait
ridicule de le bouder. Mais selon quelles voies ? Par les voies
déjà connues
de la culture bourgeoise : c’est en
prenant et en dégradant les modèles (les
patterns
) du langage bourgeois (ses récits, ses types de raisonnement, ses
valeurs psychologiques) que la culture petite-bourgeoise se fait et s’implante. L’idée de
dégradation
peut paraître
morale, issue d’un bourgeois qui regrette l’excellence de la culture passée ; je lui donne, tout au contraire, un
contenu objectif, structural : il y a dégradation parce qu’il n’y a pas invention ; les modèles sont
répétés
sur place,
aplatis
, en ceci que la culture petite-bourgeoise (censurée par l’Etat) exclut jusqu’à la contestation que
l’intellectuel peut apporter à la culture bourgeoise : c’est l’immobilité, la soumission aux stéréotypes (la
conversion des messages en stéréotypes) qui définit la dégradation. On peut dire que, dans la culture petite-
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bourgeoise, dans la culture de masse, c’est la culture bourgeoise qui revient sur la scène de l’Histoire,
mais comme
une farce
(on connaît cette image de Marx).
Un jeu de furet semble ainsi régler la guerre culturelle : les langages sont bien séparés, comme les
partenaires du jeu, assis à côté les uns les autres ; mais ce qui se passe, ce qui fuit, c’est toujours le même anneau,
la même culture : immobilité tragique de la culture, séparation dramatique des langages, telle est la double
aliénation de notre société. Peut-on faire confiance au socialisme pour défaire cette contradiction, à la fois pour
fluidifier, pluraliser la culture, et pour mettre fin à la guerre des sens, à l’exclusion des langages ? Il le faut bien ;
quel espoir autrement ? Sans s’aveugler cependant devant la menace d’un nouvel ennemi qui guette
toutes
les
sociétés modernes. Il semble bien en effet qu’un nouvel être historique soit apparu, se soit installé et se développe
outrageusement, qui complique (sans la périmer) l’analyse marxiste (depuis que Marx et Lénine l’ont établie) :
cette nouvelle figure est l’Etat (c’était là d’ailleurs, le point énigmatique de la science marxiste) : l’appareil
étatique est plus coriace que les révolutions – et la culture dite de masse est l’expression directe de cet étatisme :
en France, actuellement, par exemple, l’Etat veut bien lâcher l’Université, s’en désintéresser, la concéder aux
communistes et aux contestataires, car il sait bien que ce n’est pas là que se fait la culture conquérante ; mais pour
rien au monde il ne se dessaisira de la Télévision, de la Radio ; en possédant ces voies de culture, c’est la culture
réelle qu’il régente, et, en la régentant, il en fait
sa
culture : culture au sein de laquelle sont obligées de se
rejoindre la classe intellectuellement démissionnaire (la bourgeoisie), la classe promotionnelle (la petite
bourgeoisie), la classe muette (le prolétariat). Aussi comprend-on que de l’autre côté, même si le problème de
l’Etat est loin d’y être réglé, la Chine populaire ait précisément nommé « révolution culturelle » la transformation
radicale de la société qu’elle a mise en oeuvre.
1971,
Times Litterary Supplement.
Roland Barthes,
Le bruissement de la langue
, Points Seuil, Paris, 1984.
Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots employés, par tranches de 50, ainsi que le nombre total.
Il convient de dégager les idées essentielles du texte dans l'ordre de leur présentation, en
soulignant
l'articulation logique et sans
ajouter de considérations personnelles.
Il est rappelé que tous les mots - typographiquement parlant - sont pris en compte : un article (le, l'), une
préposition (à, de, d') comptent pour un mot.
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S.
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Concours d'Entrée
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ÉPREUVES DE FRANÇAIS
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ère
Epreuve : Contraction de texte (2 heures)
2
ème
Epreuve : Dissertation (1 heure)
Les copies de la première épreuve seront rendues au bout de deux heures.
Le sujet de la deuxième épreuve sera alors communiqué aux candidats.
2ème EPREUVE
DISSERTATION
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(Durée : 1 heure)
« La culture est là, partout et à tout le monde ».
Exposez votre point de vue en une argumentation structurée.
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