Français 2006 ISUP
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Examen du Supérieur ISUP. Sujet de Français 2006. Retrouvez le corrigé Français 2006 sur Bankexam.fr.

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Publié le 08 mars 2007
Nombre de lectures 52
Langue Français

Extrait

INSTITUT DE STATISTIQUE
DE l’UNIVERSITÉ de PARIS
CONCOURS D'ENTREE JUIN 2006
EPREUVE DE FRANCAIS
2
heures
Résumez en 200 mots cet extrait du livre d' Alain Finkielkraut «
La Sagesse de l'amour
», Gallimard, 1984.
Une marge de dix pour cent est admise pour Ie compte des mots. On appelle "mot" toute unité typographique :
un article élidé, par exemple, compte pour un mot; c'est-a-dire compte pour quatre mots.
II est rappelé que Ie résumé consiste à dégager l’essentiel de la pensée de I'auteur, et, sans chercher à en copier
Ie style, a la traduire avec clarté et objectivité dans une rédaction plus condensée.
LA SOUFFRANCE
On ne dira jamais assez les dégâts qu'a provoques I'invasion du vocabulaire psychanalytique dans
Ie langage courant. Freud voulait donner a I'humanité une notion plus claire d'elle-même; ce sont désormais
les cliches freudiens qui obscurcissent notre connaissance de I'homme. Ainsi Ie mot de
masochisme,
applique à la souffrance amoureuse. Si ta passion fait de toi la proie consentante de I'insomnie, si, malgré
toutes tes précautions, malgré Ie charme que tu déploies, les commentaires dont tu l’inondes et les
confidents dont tu
I'entoures, I'Autre te dépasse et que tu acceptes celte humiliation de ton entendement,
c'est, dira la nouvelle sagesse des nations, que
tu y trouves ton compte.
La douleur apparente cache une
secrète délectation. La plainte est ton euphorie, et la privation la forme que prend pour toi la plénitude. Tu te
satisfais, en douce, et peut-être à ton insu, de ce qui semble Ie faire du mal. C'est dans l'affliction que tu
réalises ton désir. Le terme de masochisme qui reconnaît la place centrale de la souffrance dans la passion,
la convertit en volupté. Ce qui fait de l'amour un besoin parmi d'autres, et du désarroi une modalité
paradoxale (certains diraient : pathologique) de son assouvissement.
Mais la souffrance de l'amour n'est pas une manière sournoise d'être heureux. Et y acquiescer ne
veut pas dire s'y complaire, mais soustraire la vie amoureuse au modèle de la satisfaction. Si, tout en
aspirant à la tranquillité, I'amant valorise sa souffrance, ce n'est pas en raison des jouissances subreptices
qu'il en tire, c'est parce que son désir n'est pas une
faim
qui puisse être rassasiée, mais une
approche
dont
l'objet se dérobe toujours. II sait, malgré ses plaintes, que la proximité de l'Autre est meilleure que l'union
pleine et totale avec lui. Meilleure ne signifie pas ici plus agréable. L'amoureux n'est ni comble, ni pour
autant insatisfait : la passion hasarde son désir hors de la sphère du besoin, c'est-à-dire de I'alternance
entre frustration et contentement. Même disponible même à portée de caresse, Ie visage aimé
manque,
et
ce manque est la
merveille
de I'altérité.
Présent, l'Autre reste toujours
prochain
(toujours à venir, tel un rendez-vous sans cesse ajourné): et
c'est cela qui plonge l'amant dans I'inquiétude. Par l'accueil des souffrances « qui entrent dans son âme
comme des hordes d'envahisseurs
1
», celui-ci reconnaît simplement que Ie non-repos est la vérité de la
relation sentimentale. Sans doute a-t-il la nostalgie de l'idylle, d'un temps et d'une patrie commune avec
l'Autre, d'une union qui conjure la violente dissymétrie entre lui et Ie visage aime. Mais ce qu'on appelle
paresseusement son masochisme est Ie refus de laisser à l'idylle le dernier mot de I'amour. Et c'est peut-
être la, dans cet entêtement, que réside la plus profonde sagesse de I'égarement amoureux.
1
Proust,
Du côté de chez Swann
, p. 364
1
Notre vision du monde idéal, en effet, est toujours idyllique. Par delà I'infinie variété de leurs
recettes, toutes les utopies sociales poursuivent Ie même
rêve obstiné : réaliser dans la vie collective une
communion aussi parfaite que la symbiose conjugale. A I'homme nouveau, quelle qu’en
soit la substance,
mandat est toujours donne de briser I'isolement des individus et de mettre fin, dans I'effusion des coeurs
ou
Ie combat fraternel, à la solitude et à
la séparation. Au lieu, comme dans Ie couple, que deux êtres
incomplets s'associent pour former une entité harmonieuse, c'est toute une société qui s'exalte et se fond
dans un même ensemble.
Aux dernières en date de ces grandes utopies, on fait aujourd’hui Ie reproche d'être mensongères et
de travestir en radieuses visions d'unité une réalité horrible. Mais ce que nous apprend I'expérience
passionnelle, c'est à contester la beauté même de cet idéal, c'est a retirer sa validité et son prestige à
I'archétype de la fusion. Pour qu'il y ait fusion, en effet, pour que chacun soit présent à tous, il faut que
chaque visage soit présent à lui-même, c'est-à-dire que I'insaisissable prochain cède la place à
cet être
sans mystère: Ie camarade. C'est ainsi que la transparence communautaire met fin au décalage maudit du
visage et de sa manifestation, dont se nourrit la souffrance. Le «masochiste » amoureux ne se résigne pas à
cette félicité : ce faisant, il ôte au modèle fusionnel la caution de l'amour, et, telle est sa sagesse, dénonce
implicitement dans I'idylle I'éternel et I'invivable douceur d'un monde sans autrui.
(FIN)
2
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