Éloge de la Grande Musique

Christophe Leroy

Description

Fort de son expérience personnelle, Christophe Leroy rend un vibrant hommage à ce qu'il appelle la "Grande Musique", et se plaît à déchiffrer ses richesses en les illustrant par les morceaux choisis de sa culture musicale. C'est un plaidoyer, à la fois passionné et intimiste. Il s'ensuit quelques réflexions sur l'existence, la société ou l'exercice du pouvoir. Mais au-delà de ce monde si temporel, la musique ne serait-elle pas finalement cette clé de voûte, souveraine invisible et rayonnante, à la source de toutes les formes de vie ?

Sujets

• Témoignage
• Beaux arts
• Récit
• Autobiographie
• Musique
• Chanson

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juillet 2017
• Nombre de lectures: 26
• EAN13: 9782140041983
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Christophe Leroy

Éloge de la Grande Musique

Univers musical

Requiem de nos fins dernières

Éloge de laGrandeMusique

Requiem de nos fins dernières

Univers Musical Collection dirigée par Anne-Marie Green

 La collectionUnivers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse concernant le domaine musical. Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveil la réflexion sur l’ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués.

Déjà parus

Roland GUILLON,L’univers de John Coltrane, 2017. Frédéric ROBERT,La musique française dans l’Europe musicale entre Berlioz et Debussy (1863-1894), 2017. Fabien HOULÈS,Le premier quatuor à cordes hybride. L’exemple deSmaqrade Juan Arroyo, 2017. Cédric THENARD,Contribution à une histoire de la modernité musicale, Le festival, Angers, Musiques du XXe siècle (1983-1990), 2016. Rafael ANDIA,Labyrinthes d’un guitariste,2016. Jean-Blaise COLLOMBIN,Ennio Morricone, Perspective d’une œuvre, 2016. Henri-Claude FANTAPIÉ,60 ans de vie musicale. De 1945 à nos jours, 2016. Amin CHAACHOO,La musique hispano-arabe Al-Ala, 2016. Gérard DE SMAELE,Banjo attitudes, Le banjo à cinq cordes, son histoire générale, sa documentation, 2015. Alain VON RODEN,Essai d’initiation aux musiques médiévales polyphoniques (ou contrapuntiques), Création d’une Chapelle et d’une École musicale parisienne, Capella & Schola Parisis, 2015 Clara TESSIER,Marcel Dortort, un itinéraire musical. Du minimalisme à la synthèse sonore, 2015.

Christophe L EROY

Éloge de laGrandeMusique

Requiem de nos fins dernières

A toi, Pascaline.

Conception & mise en page : Anne Le Roux Illustration de couverture : Lili Boulanger dans les années 1900 Photographie de Lili Boulanger : Centre international Nadia et Lili Boulanger ©

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12398-1 EAN : 9782343123981

CHAPITRE I

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Cette maison de poupée se trouvait à Courbevoie sur les bords de Seine. Elle n’existe plus pour le réel, pour ce présent poisseux et lourd qui vous montre maintenant je ne sais quel ouvrage moulé, bétonné et à l’évidence déserté de toute main artisanale. Une ville, un paysage changent, bien sûr, mais cela n’est pas sans incidence sur le ciel. Or, le ciel en ce lieu ne dit maintenant plus rien de son éternité de rêve. Ciel et paysage sont corps et âme. Je me dis parfois que l’union du ciel et des paysages ressemble à nos énigmatiques personnes. Comme eux, nous ignorons où est la frontière entre le corps et l’esprit : tout vient du ciel, il peut être inquiétant qu’un corps architectural atteint de gigantisme nous montre un ciel agonisant. Le Courbevoie des bords de Seine connaît ces moments terribles, empoisonnant par là même la source de mon enfance. Pour l’heure, tout a été détruit au point de ne plus même situer les lieux d’antan en ce ciel torturé de béton armé. Il ne me resterait donc plus qu’à faire le point astronomique pour situer l’endroit des bords de Seine évoqués. Mais non... ou peu importe. Ce point ne donnera plus rien du passé. Faire le point astronomique de l’endroit du temps où vous viviez au paradis est inutile. C’est comme l’horloge et la mort : Imperators du temps présent, ils ne disent rien du passé. Aussi terribles et puissants soient-ils, ils perdent pourtant prise sur « l’avoir été ». Ils sont échec et mat pour ce que nous avons déjà vécu. Mais peut être seulement

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pour le temps qui nous reste à vivre. Après, au-delà... Il reste un livre, une musique... Comme un air indéchiffrable pour autrui. Et si revenir sur ces lieux qui ne sont plus est faire fausse route, alors, comment s’extraire du labyrinthe où la vie nous a perdu. Comment remonter à la source de O¶HQIDQFH R WRXW pWDLW VL VLPSOHPHQW PDJQL¿TXH " 6¶pOHYHU SRXU YDLQFUH " 3HXWrWUH /D SULqUH HVW V€UHPHQW OH FKHPLQ à emprunter. Mais qu’y a-t-il de si impérieux à devoir prier, s’élever à se brûler les ailes, à devoir par tous moyens UHYHQLU DX WHPSV MDGLV " 3HXWrWUH HVWFH DXVVL LPSRUWDQW TXH GH WHQGUH VD VpELOH SRXU O¶DXP{QH G¶XQ SHX G¶HDX " 2XL MH crois que boire à la source de son enfance pour continuer de vivre relève d’une toute simple et cristalline vérité. Mais l’accès à cette source, si ce n’est par le souvenir, nous est impossible. Elle se trouve maintenant sur les territoires de la mort et cette dernière y fait régner sa loi comme dans bien d’autres domaines. Pourtant, rien n’est vraiment très sûr et il arrive que se souvenir puisse encore nous mener à la source du temps jadis pour boire de cette eau au creux de nos mains. Nostalgie... Ineffable Nostalgie. Merveille secrète de la vie. Regrets du temps passé et du lieu disparu. J’ai bien essayé par tous moyens de franchir ce seuil où il est interdit d’entrer, tentant de forcer le langage comme on force une serrure. En vain. On ne rejoint les êtres comme les lieux que par le souvenir d’images, par les senteurs et la musique. Courbevoie, ma rue Sainte Marie n’est donc plus qu’une âme. L’être du temps jadis ne s’exhale que par la musique. (W TX¶HVWFH TXH OD PXVLTXH " (OOH Q¶HVW SDV OHV PRWV Q¶HVW pas Dieu qui nous parle, est bien plus que de l’art. Elle est plus que tout. Mais qu’était donc ce Courbevoie du temps GH PRQ HQIDQFH " Il y avait, du temps où je vivais au Paradis...

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L’aube, le craquement du parquet, le chuchotement du poêle, l’horloge, l’odeur de café, de cuisine au beurre. Le linoléum de la cuisine, le fourneau, l’escalier en colimaçon, la cave à bois, le billot et la hache. Linda avec Isabelle. Mamy me lave dans l’évier, le soir. Le noisetier à l’entrée. Dehors, le labyrinthe des piles de bois du monde entier, leurs mille parfums, les hangars aux poutres de chêne, l’atelier, les varlopes, les ciseaux à bois, les limes, les copeaux, les pavés de l’entrée, les plantes, le broc à eau, la scierie - une cathédrale - et « ses scies vieilles comme Hérode... », le feu, les chats sauvages, le Berliet GLR et le GAK, l’Irion, leurs tonnerres, leurs senteurs d’huile, de graisse et de gas-oil brûlé, la pipe de mon grand-père. Du tilleul, et là du chêne, là-bas du sapin, du hêtre, de la terre ocre... La partie de pétanque le soir avec Aldo et Othello, la douceur de la moquette, la chaleur du parquet, les toits et leur clair de lune, mes trains de boîte d’allumettes, l’aboiement d’un chien au loin dans la nuit, la 4 L dans le garage dont j’ai perdu la clef, le vase de sèvre, le meuble breton, le baromètre, le chien de plâtre « en surveillance », les livres dans la chambre de ma mère, le piano désaccordé dans le couloir, les lettres sur le buffet, mon lit dans la salle à manger. Le potager derrière la maison, un secret caché dans l’isorel, l’ange messager que je suis : « Va dire à Amar d’amener l’Irion au chantier Malet ». Monsieur Thévard et mon grand-père jouent aux échecs. La lumière du soir à travers leur verre de cognac. Et toujours ces mille parfums de bois au rythme serein de l’horloge... Mes grands-parents, Marie et Joseph... Le ciel, le paradis.

Il n’y aurait rien d’extraordinaire à ce qui est décrit si ce

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