L arc d Alfred Hitchcock
226 pages
Français

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L'arc d'Alfred Hitchcock , livre ebook

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Description

La "corde poétique" s'exprime à travers les usages inédits d'objets on ne peut plus ordinaires. Multifonctions, en dysfonctionnement, utilisés à contre-emploi, démarqués ou détournés, pervertis, les objets du quotidien se voient investis d'un pouvoir terrifiant. Comment Hitchcok procède-t-il pour charger de sens et investir d'une puissante subjectivité des objets neutres tels un briquet, une clé, un couteau ou un sac ? Comment parvient-il à travers eux à prendre contrôle de l'univers ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 9
EAN13 9782336285290
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ARC D’ALFRED HITCHCOCK Un jEU DE CORDES Poétique de l’objet
Lydie Decobert
L’Arc d’Alfred Hitchcock,un jeu de cordes Poétique de l’objet
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-336-29071-3 EAN : 9782336290713
Lydie Decobert L’Arc d’Alfred Hitchcock,un jeu de cordes Poétique de l’objet
L’Harmattan
Champs visuels Collection dirigée par Pierre-Jean Benghozi, Raphaëlle Moine, Bruno Péquignot et Guillaume Soulez
 Une collection d'ouvrages qui traitent de façon interdisciplinaire des images, peinture, photographie, B.D., télévision, cinéma (acteurs, auteurs, marché, metteurs en scène, thèmes, techniques, publics etc.). Cette collection est ouverte à toutes les démarches théoriques et méthodologiques appliquées aux questions spécifiques des usages esthétiques et sociaux des techniques de l'image fixe ou animée, sans craindre la confrontation des idées, mais aussi sans dogmatisme.
Dernières parutions
Philippe LEMIEUX,L’image numérique au cinéma. Historique, esthétique et techniques d’une révolution technologique, 2012. Pierre DEVIDTS,Andreï Tarkovski. Spatialité et habitation, 2012. Angélica Maria Mateus MORA,Cinéma et audiovisuel latino-américains. L’Indien : images et conflits, 2012. Daniel WEYL, Mouchette,de Robert Bresson ou le cinématographe comme écriture, 2012. Claude HODIN,Murnau ou les aventures de la pureté, 2012. François Amy DE LA BRETEQUE, Emmanuelle ANDRE, François JOST, Raphaëlle MOINE, Guillaume SOULEZ, Jean-Philippe TRIAS (dir.),Cinéma et audiovisuel se réfléchissent. Réflexivité, migrations, intermédialité, 2012. Catherine BRUNET,Le monde d’Ettore Scola. La famille, la politique, l’histoire, 2012. Angela BIANCAFIORE,Pasolini : devenir d’une création, 2012. Vincent HERISTCHI,La vidéo contre le cinéma. Neige électronique. Tome 1,2012. Vincent HERISTCHI,Entre vidéo et cinéma. Neige électronique. Tome 2,2012. Florent BARRÈRE,Une espèce animale à l’épreuve de l’image. Essai sur le calmar géant, 2012. Marguerite CHABROL et Pierre-Olivier TOULZA (sous la direction de),Lola Montès, Lectures croisées, 2011. Élodie PERREAU,Le cycle destelenovelasBrésil. Production et au participation du public,2011. Isabelle Roblin,Harold Pinter adaptateur : la liberté artistique et ses limites,2011.
INTRODUCTION  «L’ingénieux Ulysse, quand il eut soupesé et examiné le grand arc,  comme un homme qui connaît bien la cithare et le chant  avec aisance tend une corde sur la clef neuve,  ayant fixé à chaque bout le boyau de mouton tordu, ainsi Ulysse sans la moindre peine tendit l’arc.De la main droite il prit la corde, l’essaya: 1 elle rendit un beau son, pareil au cri de l’hirondelle».  Lamétaphore homérique d’uneinvisible flèche destinée à toucher sa cible comme le feraitun beau son a inspiré cet essai. Les flèchesd’Alfred Hitchcockhabilement sont décochées et touchent en pleincœurles proies désignées à l’écran comme dans la sallecinéma. Non contents de de souffrir sans répit, nous nous délectons de nos blessures, et àl’image des personnages en jeu, victimes rêvées, nous n’opposons aucune résistance. Les héros sont propulsés dans une dynamique ininterrompuedès l’ouverture des films :l’action chez Hitchcock« part dans le mouvement 2 et, telle une flèche, file vers son but » écrit Philippe Parrain. La trajectoire de la flèche définie par le cinéaste 3 commeune directioncontinue du début à la finne saurait être déviée. Hitchcock aplus d’une corde à son arc! Architecte, compositeur, dessinateur, magicien, musicien, 1  Homère,L’Odyssée, traduction, notes et postface de Philippe Jacottet, Paris, La Découverte/Poche, 2000, p. 349. 2  P. Parrain, « constructions dramatiques, lois du mouvement », in Alfred Hitchcock, études cinématographiques n° 84-87, Paris, Minard, 1971, p. 7. 3 F. Truffaut,Le Cinéma selon Hitchcock, Paris, Laffont, 1966, p. 244. 7
philosophe, peintre ou poète, le cinéaste dispose de multiples ressources pour atteindre « la » ou « les » cibles visées : il est unvéritable tireur d’élite.Longtemps « arc» s’estprononcéar: l’ambiguïté avec « art» a nécessité de rendreparlant« c » le muet.Si l’on entend à présent la lettre finale, le mot évoque toujours l’art, àcommencer par l’archer aux ailes déployées apparu un jour sur les vases attiques à figures rouges, Éros. Ses flèches ne sont pas vectrices de la peste comme celles de son frère Apollon, mais elles communiquent un autre type d’infection: la passion et l’aveuglement. Éros et Apollon lancent des flèches dont la capacité destructrice s’exerce dans des registres qui se rejoignent :l’amouret la mort. La flèche devient rapidement la figure métaphorique de l’inspiration poétique dans la rhétorique amoureuse, elle exprime la puissance dévastatrice du regard : « Harsoir ense joüant l’enfant de Cytherée Faisant de tes beaux yeux une fleche acérée, 4 En m’ouvrant l’estomaq tout le cœur m’a persé[…]». Les flèches d’Amour provoquent d’irréversibles blessures quand elles ne détruisent pas. Elles envoûtent en visant la mise en scène du regard. Ce processus développé dans la e e poésie et dans la peinture européennes des XVI et XVII siècles intéresse au plus haut point Alfred Hitchcock, à une essentielle différence près : le sujet amoureux, sujet en souffrance, ne fait plus corps avec « le poète » ; il ne se constitue plus en tant que créateur dans son tourment comme cela était avec Ronsard ou le Cavalier Marin. Si Hitchcock nous tient en son pouvoir et détient les flèches qui nous feront vibrer sans repos, il estdétaché de l’infection amoureusepassant par le regard des acteurs
4  P. de Ronsard, « Recueil des nouvelles poésies » (1564),Œuvrescomplètes, T. XII, Paris, Librairie Marcel Didier, 1946, p. 261. 8
avant de traverser l’écran, le transpercer, pouratteindre le spectateur de plein fouet. La flèche ne se substitue plus à la plume et la douleur chantée dans les images ne cherche pas à apaiserl’âme ulcérée du poète, ainsi quel’écrivaitPierre de Ronsard : « L’amoureux ulcère/Quim’ard le 5 cuœur, mechanter ».force de Les apparitionsd’Alfred Hitchcock dans ses films signalent clairement cette volonté de détachement affectif, cette prise de distance systématique avec le récit. En buvant une coupe de champagne dansNotorious (« Les Enchaînés », 1946), le cinéaste nous fait comprendre qu’il 6 est moins dangereux d’être invité que Maîtrede maison ! Croiser un contrebassiste en prenant le train est moins risqué que de croiser un psychopathe : encombré avec son instrument, Hitchcock monte tandis que Guy (incarné par Farley Granger) descend sur le quai dansStrangers on a Train («L’inconnu du Nord1951). Soucieux-Express », de ne pas perdre le Nord, le réalisateur traversel’imageavec empressement dès la fin du générique deI Confess(« La Loi du silence », 1952) : il prend ostensiblement la DIRECTIONopposée àcelle qu’ilinflige à son héros 7 (Montgomery Clift), montrée avec insistance sur quatre flèches de signalisation. Un couple de chiensn’attirera-t-il pas moins de problèmesqu’un coupled’inséparables ? Malicieuses ou cyniques, les apparitions hitchcockiennes affirmentcette extériorité à l’action; se mettre en scène pour le réalisateur est une façon des’éclipser, de se tirer… 5 P. de Ronsard,Les Amours(1533), in Œuvres complètes,vol. X, éd. de Paul Laumonier, Paris, Nizet, 1975, p. 276. 6 Tout en instaurant un climat d’angoisse (la descente à la cave est imminente si le champagne vient à manquer), Hitchcock nous signifie que le métier de réalisateur est confortable : il est le Maître de la situation, c’est-à-dire de la disparition du champagne…7 Relatives, bien entendu, aux points « cardinaux ». 9
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