L économie de la cinéphilie contemporaine
105 pages
Français

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L'économie de la cinéphilie contemporaine , livre ebook

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Description

Quelles sont les questions soulevées par l'économie de la cinéphilie contemporaine ? Ce volume envisage son impact sur les secteurs traditionnels (production, distribution, marketing) et les conséquences liées à l'essor d'Internet et à sa capacité à créer des communautés d'intérêts autour de créneaux cinématographiques diversifiés. Cette évolution est le corollaire d'une nouvelle attitude des acteurs économiques qui s'adressent à des publics spécifiques et répondent à des logiques différentes de celles du box-office.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2017
Nombre de lectures 16
EAN13 9782336790107
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture

Cover

4e de couverture

Cover

Titre

 

Coordination

J.-P. AUBERT, Ch. TAILLIBERT

 

 

 

 

 

 

 

L’économie
de la cinéphilie contemporaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Image 11

Copyright

 

LES CAHIERS
DE CHAMPS VISUELS N°14/15

Coordination : J.-P. AUBERT, Ch. TAILLIBERT

DIRECTEUR DE PUBLICATION :
Bruno Cailler

Crédit couverture :
avec l’autorisation gracieuse de MUBI et de Wild Side Films

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION :

Bruno Cailler

Old Boy, © 2003 Show East Productions.All rights reserved.

 

 

Périodicité biannuelle

 

FABRICATION– DIFFUSION 
Éditions L’Harmattan
5-7, rue de l’École Polytechnique 75005 France

 

PRÉSENTATION

L’économie de la cinéphilie contemporaine

Ce numéro de la revue Les Cahiers de Champs Visuels s’inscrit au sein d’un projet de recherche sur les Nouvelles cinéphilies, développé au sein du laboratoire LIRCES (Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Culture Et Société – EA 3459) de l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Ce programme a d’ores et déjà donné naissance à deux numéros des Cahiers de Champs Visuels consacrés à la cinéphilie des cinéastes, et respectivement intitulés : « Du spectateur au créateur » et « Du créateur au spectateur » (tous deux publiés en mai 2013), ainsi qu’à un troisième numéro : « Les nouvelles pratiques cinéphiles » (paru en janvier 2015).

L’économie de la filière cinématographique et audiovisuelle fait depuis plusieurs décennies l’objet de recherches universitaires. Ces dernières s’intéressent aux logiques de production, aux problématiques liées à la distribution et à la diffusion, dans une perspective traditionnelle liée à l’exploitation en salle, mais aussi à une vision élargie incluant les marchés audiovisuels, ainsi que l’ensemble des nouveaux modes de commercialisation de l’image animée liés au développement des supports numériques. Ces recherches sont susceptibles d’offrir un cadre théorique et conceptuel à une étude ciblant l’économie de la cinéphilie contemporaine. En effet, l’essor d’Internet et sa capacité à créer des communautés d’intérêt autour de créneaux cinématographiques diversifiés a engendré, comme il l’a été montré dans le volume consacré aux Nouvelles pratiques cinéphiles, une mutation quantitative et qualitative du public que l’on peut qualifier de cinéphile – dans une acception bien différente de celle qu’avait en son temps popularisé la Nouvelle vague française. Cette évolution est le corollaire d’une nouvelle attitude des ayant droits, et plus largement des acteurs économiques, engagés dans la création ou la valorisation d’œuvres atypiques, qui s’adressent à des publics et répondent à des logiques différentes de celles du box-office.

Le présent volume aborde les questions soulevées par l’économie de la cinéphilie contemporaine sous différents angles d’approche. Il sera question, dans l’article signé par Chloé Delaporte, du travail opéré par les publicitaires du cinéma, dans la catégorisation et la définition des cinéphiles en tant que public cible. Ceci induit, d’un point de vue marketing, une réflexion relative au positionnement spécifique des films sur le marché et des campagnes publicitaires qui accompagnent leur sortie en salles. Selon le concept d’économie des singularités proposé par Lucien Karpik (2007), la cinéphilie peut être considérée comme un dispositif de jugement opératoire d’un point de vue des stratégies de marketing. En effet, les différentes conceptions du cinéma qu’elle recouvre induisent autant de modalités de consommation du produit film. Benjamin Lesson montre ainsi comment l’étude des goûts permet une modélisation des pratiques et, donc, des stratégies marketing induites.

Par ailleurs, aujourd’hui, l’économie de la cinéphilie ne se conçoit pas sans prendre en considération l’action et l’impact des festivals de cinéma, dans leur multiplicité de forme et de taille. Sans négliger la difficulté à mesurer scientifiquement la portée de cet impact, Aida Vallejo envisage la dimension économique des festivals, à la fois en tant que vitrine promotionnelle, mais aussi comme lieu de synergie en matière de production. Elle observe comment les festivals cherchent à faire fructifier la cinéphilie dont ils sont le moteur pour assurer une carrière commerciale aux films dont ils promeuvent la production et la diffusion.

On ne peut envisager la cinéphilie contemporaine sans questionner le rôle des nouvelles interfaces de diffusion cinématographique par le biais des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cette problématique traverse deux articles consacrés respectivement à des plateformes emblématiques : MUBI dans le registre de la Vidéo à la demande (VàD), et Vodkaster selon un modèle plus collaboratif. Christel Taillibert envisage les stratégies entrepreneuriales successives développées par le site atypique créé par Efe Cakarel : elles apparaissent comme autant de déclinaisons des modalités de valorisation d’une économie implantée dans le segment cinéphile de la VàD. Arnaud Moschenross et Olivier Thévenin cherchent, de leur côté, à mettre en évidence le positionnement et le modèle économique de la plateforme Vodkaster, tout en rendant compte des usages qu’en font les utilisateurs. Leur article interroge les mutations diverses qui traversent ces modalités de diffusion du film, et des sociabilités qui les accompagnent.

La thématique retenue par ce volume est clairement encore en cours d’exploration. Nous espérons que les pistes envisagées ici ouvriront sur de nouvelles recherches, au croisement des études cinématographiques et économiques.

Bonne Lecture

PROMOTION DES FILMS ET MARKETING DU CINÉMA : LES CINÉPHILES COMME PUBLIC CIBLE

 

 

Chloé DELAPORTE,
Université Paul Valéry Montpellier 3, RTRRA21

 

Résumé de l’article :

Dans le cadre général du marketing, sont pensés comme cinéphiles tous ceux qui consomment des films. Cette acception se précise dès lors que l’on observe un secteur particulier du marketing, celui du cinéma. En effet, les cinéphiles y sont définis selon des paramètres sensiblement différents, car les amateurs de films ne constituent plus un segment du public, mais sa totalité. Cet article se concentre sur ce terrain restreint, dans le but d’examiner la façon dont les cinéphiles peuvent être pensés comme un public cible par les publicitaires du cinéma ; il s’appuie en partie sur des entretiens avec des professionnels. La première partie porte sur la phase du marketing stratégique, en particulier sur la façon dont la segmentation du public et donc la circonscription d’un public cinéphile accompagne un positionnement spécifique des films sur le marché. La deuxième partie s’intéresse à la phase du marketing opérationnel, en examinant les singularités des campagnes marketing qui ciblent des publics pensés comme cinéphiles.

Mots-clés : marketing, promotion, publicité, cinéphilie, public, spectateur, film d’auteur.

CINEMA MARKETING AND FILM PROMOTION : CINEPHILES AS TARGET AUDIENCE

Abstract :

Within the general framework of marketing, are thought as cinephiles all those who consume movies. This meaning becomes clearer as soon as one observes a particular area of marketing, that of the cinema. Indeed, cinephiles are defined in this area by substantially different settings because moviegoers are no longer a segment of the public but its entirety. This article focuses on this restricted field, in order to examine how the cinephiles can be thought as a target audience by film advertising ; it is based in part on interviews with professionals. The first part focuses on the phase of strategic marketing, in particular on how audience segmentation and therefore the riding of a cinephile public comes along with a specific positioning of the films on the market. The second part focuses on the phase of operational marketing, by examining the peculiarities of the marketing campaigns that target a public conceived as cinephile.

Keywords :marketing, promotion, publicity, cinephilia, audience, moviegoer, film d’auteur.

 

À mesure que la consommation d’objets filmiques s’accroît pour devenir une pratique culturelle de premier plan, les publicitaires tendent à cibler les amateurs de cinéma en concevant des campagnes promotionnelles qui leur sont spécifiquement destinées. Les références cinématographiques – qui permettent, à l’heure de la massification des publics des films, de toucher un nombre conséquent de consommateurs – jalonnent l’histoire de la publicité, notamment audiovisuelle. La mise en scène de personnages cinématographiques « cultes » pour promouvoir une marque ou un produit est une pratique ancienne,1 mais toujours d’actualité, en témoigne le récent succès du spot The Foree pour Volkswagen, qui met en scène un Dark Vador junior2. Il en est de même pour le eelebrity endorsement, c’est-à-dire le recours à des acteurs et actrices stars pour apporter une touche de glamour à un spot publicitaire, que ce dernier promeuve des cosmétiques3, des voitures4 ou des produits plus incongrument liés au domaine cinématographique5. Les publicitaires vont parfois jusqu’à recourir à des documents d’archive, qu’ils détournent pour servir leur message promotionnel ; on peut penser, par exemple, aux différents spots Citroën pour la DS3 introduits par des extraits de la série Alfred Hitchcock Présente6 ou encore à Chanel qui exploite un enregistrement inédit de Marilyn Monroe datant de 1955, dans lequel elle déclare ne porter « que » du « N°5 » pour dormir7.

Ces publicités ne ciblent pas tant les amateurs de cinéma que le grand public, qui partage ces références collectives. D’autres spots s’adressent plus spécifiquement aux connaisseurs, parce qu’ils sollicitent une identification fine des références cinématographiques. C’est le cas lorsque sont directement utilisés des extraits de films, sans que cet emprunt soit officialisé auprès des spectateurs (c’est-à-dire sans que la source cinématographique des images et leur statut de « citation » soient mentionnés), comme dans les spots pour le parfum « Eau sauvage » de Dior dont Alain Delon est l’égérie. À l’initiative de l’agence H5, ces publicités sont même uniquement réalisées à partir d’extraits de La Piscine (Jacques Deray, 1969) et de Les Aventuriers (Robert Enrico, 1967)8. Dans ces cas précis, il n’est pas nécessaire que les spectateurs identifient la provenance des images pour que le dispositif promotionnel « fonctionne » (quoique certains puissent s’étonner de la présence d’un Delon si jeune), mais d’autres campagnes sont entièrement construites sur l’identification des références. Déjà engagée dans le soutien au cinéma indépendant par le sponsoring d’événements et de festivals, la marque Volkswagen a franchi un cap supplémentaire en 2010, avec le lancement d’une campagne au long cours intitulé « See Film Differently », élaborée par la filiale anglaise de l’agence DDB. Les premiers spots, qui appartiennent à la série « Turning the Camera on Locations », se concentrent sur les lieux de tournage de films célèbres, notamment le restaurant de Quand Harry rencontre Sally (Rob Steiner, 1989) ou la caserne de Ghostbusters (Ivan Reitman, 1984). D’autres mettent en scène des « spectateurs » lambda livrant leur interprétation personnelle de plusieurs films cultes, de E.T. (Steven Spielberg, 1982) à Toy Story (John Lasseter, 1996). Après cette série très ciblée autour des cinéphiles, la marque a décidé de se réorienter vers le grand public : elle a initié depuis 2014 une nouvelle campagne, « Made for real life », toujours centrée sur le cinéma, mais plus sur des films en particulier. C’est en effet un pari osé que de faire référence à un film spécifique ; le risque n’est donc pris qu’au sujet d’objets multidiffusés ou très liés à l’actualité de la programmation télévisuelle9.

Le ciblage des amateurs de cinéma ne s’opère pas qu’à travers le contenu des publicités : il s’exerce également via le choix des lieux de diffusion des matériaux publicitaires. Certaines régies d’affichage proposent par exemple un réseau d’espaces spécialement prévu pour toucher les consommateurs de films en salles, comme Metrobus et son panel Q-Ciné qui cible un affichage dans les stations de métro limitrophes des multiplexes parisiens. D’autres procédés permettent également de renforcer ce ciblage, comme la plage de diffusion des spots publicitaires prévue avant la projection d’un film en salle, le placement de produits ou de marques à l’intérieur même des films ou encore les publicités partagées (en « co-branding »)10.

Dans le cadre général du marketing que nous venons ici brièvement d’évoquer, les « cinéphiles » renvoient à une définition très large : sont pensés comme cinéphiles tous ceux qui consomment des films et dont on suppose qu’ils apprécient cette pratique culturelle. Les cinéphiles sont alors un segment du public, un sous-ensemble d’individus conçus comme partageant des caractéristiques communes et qui seraient susceptibles d’être touchés par les mêmes éléments promotionnels11. La définition publicitaire des cinéphiles est ici plus proche de celle que le CNC peut donner de la « population cinématographique »12 que des cinéphiles à proprement parler, c’est-à-dire des spectateurs qui revendiquent cette qualification pour signifier une relation particulière au cinéma. Il semble en revanche que cette acception se précise dès lors que l’on observe un secteur particulier du marketing, celui du film. En effet, les cinéphiles sont définis selon des paramètres sensiblement différents dans le champ du marketing du cinéma, où les amateurs de films ne constituent plus un segment du public, mais sa totalité. Cet article se concentre sur ce terrain restreint, dans le but d’examiner la façon dont les cinéphiles peuvent être pensés comme un public cible par les professionnels chargés de la promotion des films. Il s’appuie sur trois entretiens sociologiques exploratoires réalisés en octobre 2015 auprès de professionnels du secteur13 deux publicitaires ont été interrogés (Thomas Mignot14, directeur de Parenthèse Cinéma15 et Magalie Morin16, directrice de l’agence Silenzio17), ainsi que Karin Ramette18, chargée de la communication et des relations aux publics de l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion)19. La première partie de cet article porte sur la phase du marketing stratégique, en particulier sur la façon dont la segmentation du public et donc la circonscription d’un public « cinéphile » accompagne un positionnement spécifique des films sur le marché. La deuxième partie s’intéresse à la phase du marketing opérationnel, en examinant les singularités des campagnes marketing qui ciblent des publics pensés comme cinéphiles.

1Segmentation du public et positionnement des films

1.1. Les cinéphiles, public d’habitués

La catégorie « cinéphile » est aujourd’hui couramment utilisée par les distributeurs et les publicitaires lorsqu’il s’agit de segmenter le public du cinéma pour déterminer la cible prioritaire d’un film. Pour la plupart des professionnels, le qualificatif renvoie à une notion de fréquence un cinéphile, ce serait avant tout un « habitué ». Magalie Morin estime ainsi qu’un cinéphile c’est quelqu’un « qui va au moins une fois par semaine au cinéma ». Pour Thomas Mignot, « cinéphiles » et « habitués » s’emploient de façon quasi synonymique, le terme désignant pour lui les spectateurs se rendant « au moins une fois par mois » au cinéma. Le qualificatif « habitué » est donc ici utilisé dans un sens proche de celui que le CNC accorde à l’expression20. Il y aurait ainsi deux grands types de public du cinéma : les cinéphiles et « les autres ». Ces deux publics n’ont toutefois pas la même valeur aux yeux des publicitaires, puisque seuls les cinéphiles semblent constituer une cible. Chiffres à l’appui, Thomas Mignot explique ainsi que dès lors que « 80 % des entrées sont réalisées par 20 % des spectateurs, autant cibler prioritairement ce public-là »21. Le travail du publicitaire est de se concentrer sur ce public d’habitués, en élaborant des campagnes promotionnelles qui lui sont prioritairement destinées. Dans ce cadre où la cinéphilie est pensée dans sa relation à l’assiduité, les cinéphiles ne seraient donc pas tant un public cible que le public cible.

Si les cinéphiles-habitués constituent la cible primaire (ou le « cœur de cible ») des campagnes marketing, les professionnels désignent fréquemment des cibles secondaires, souvent déterminées par la thématique propre à chaque film. Pour la sortie française du Pont des espions (Steven Spielberg, 2015), un thriller politique avec Tom Hanks, Parenthèse Cinéma vise par exemple les étudiants et enseignants des IEP (Tnstituts d’Études Politiques, type Science-Po) ; pour la sortie de Marguerite (Xavier Giannoli, 2015), dans lequel Catherine Frot incarne une passionnée d’opéra, l’agence avait plutôt ciblé les conservatoires et écoles de musique.

1.2. Les cinéphiles, public du cinéma d’auteur

La fréquence de visionnage des films en salles n’est pas le seul critère utilisé par les professionnels pour définir le public cinéphile : les cinéphiles seraient certes des habitués, mais des habitués particuliers, liés à un type spécifique de cinéma, pensé comme « indépendant ». Pour Magalie Morin, les cinéphiles sont ainsi le public des « films d’auteur », mais aussi des « films Art et Essai ». Au moment de l’élaboration d’une campagne, les publicitaires ne savent pas forcément si le film sera recommandé Art et Essai (puisque la recommandation de l’AFCAE, l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai, intervient parfois après la sortie en salles22), mais la professionnelle estime qu’il y a « peu de surprises » et que le ciblage peut donc être décidé en amont.

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