L Acte créateur
362 pages
Français

L'Acte créateur , livre ebook

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362 pages
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Description

Si chaque individu possède une préhistoire individuelle et collective dont il ignore les contenus, Freud ne nie pas la liberté de l'individu, et l'objectif de la psychanalyse est de la lui rendre. Ici, l'auteur applique à l'art, la musique et la peinture les notions freudiennes afin de comprendre jusqu'où le déterminisme de l'inconscient peut influencer les oeuvres d'art. Il met en comparaison l'acte créateur de Schönberg et de Picasso que leur extrême intelligence sensible rapproche.

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Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 37
EAN13 9782296500877
Langue Français
Poids de l'ouvrage 46 Mo

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Extrait

L’ACTE CRÉATEUR
Schönberg et Picasso
Études Psychanalytiques Collection dirigée par Alain Brun et Joël Bernat La collectionEtudes Psychanalytiquesveut proposer un pas de côté et non de plus, en invitant tout ceux que la praxis (théorie et pratique) pousse à écrire, ce, « hors chapelle », « hors école », dans la psychanalyse. Déjà parus Gabrielle RUBIN,Ces fantasmes qui mènent le monde, 2012.Michel CONSTANTOPOULOS,Qu’est-ce qu’être un père ?, 2012. Marie-Claude THOMAS,L’autisme et les langues, 2011. Paul MARCIANO,L'accession de l'enfant à la connaissance. Compréhension et prise en charge des difficultés scolaires,2010. Valérie BLANCO,Dits de divan, 2010. Dominique KLOPFERT,Inceste maternel, incestuel meurtrier. À corps et sans cris, 2010. Roseline BONNELLIER,Sous le soleil de Hölderlin : Œdipe en question, 2010. Claudine VACHERET,Le groupe, l’affect et le temps, 2010. Marie-Laure PERETTI,Le transsexualisme, une manière d’être au monde, 2009. Jean-Tristan RICHARD,Nouveaux regards sur le handicap, 2009. Philippe CORVAL,Violence, psychopathie et socioculture, 2009. Stéphane LELONG,L’inceste en question. Secret et signalement, 2009. Paul DUCROS, Ontologie de la psychanalyse, 2008. Pierre FOSSION, Mari-Carmen REJAS, Siegi HIRSCH,La Trans-Parentalité. La psychothérapie à l’épreuve des nouvelles familles,2008. Bruno de FLORENCE,Musique, sémiotique et pulsion, 2008. Georges ABRAHAM et Maud STRUCHEN,En quête de soi. Un voyage extraordinaire pour se connaître et se reconnaître, 2008. Jacques PONNIER,Nietzsche et la question du moi. Pour une nouvelle approche psychanalytique des instances idéales, 2008. Guy ROGER,Itinéraires psychanalytiques, 2008. Jean-Paul MATOT,La construction du sentiment d’exister, 2008. Guy KARL,Lettres à mon analyste sur la dépression et la fin d’analyse, 2007. Jeanne DEFONTAINE,L’empreinte familiale. Transfert, transmission, transagir, 2007. Jean-Tristan RICHARD,Psychanalyse et handicap, 2006. Chantal BRUNOT,La névrose obsessionnelle, 2005. Liliane FAINSILBER,Lettres à Nathanaël, Une invitation à la psychanalyse, 2005.
Audrey Lavest-Bonnard
L’ACTECATEUR
Schönberg et Picasso
Essai de psychanalyse appliquée
Préface de Michel Imberty
Du même auteur
« Le déterminisme de l'inconscient dans la création : rencontre entre la théorie de l'effet de vie et la psychanalyse », in :Le Surgissement créateur. Jeu, hasard ou inconscient, Paris, L'Harmattan, collection « L'univers esthétique », 2011.
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96780-9 EAN : 9782296967809
Avertissement : L’orthographe de Schönberg variant d’un auteur à l’autre, nous avons pris le parti de l’écrire dans la version avec un « ö » tout au long de l’ouvrage. En revanche, nous avons toujours respecté scrupuleusement l’orthographe utilisée par les auteurs auxquels nous faisons référence dans notre travail. Ainsi, notre compositeur viennois sera orthographié de différentes façons, tour à tour avec « oe », « ö », ou même avec « œ » dans l’ouvrage de Charles Rosen. D’autre part, les noms de Picasso, Schönberg et Freud, apparaissant sans cesse dans cet écrit puisqu’ils en sont le sujet, ne figurent pas dans l’index des noms propres pour des raisons de clarté. Les œuvres peintes d’Arnold Schönberg : Toutes les œuvres peintes d’Arnold Schönberg sont consultables sur le site : http://www.schoenberg.at/ Quelques abréviations : Au cours de votre lecture, vous trouverez quelques abréviations psychanalytiques : Ics: inconscient Pcs:préconscient Cs: conscient Pc ou système préconscient: système perception s et s’: fixations du souvenir
PRÉFACE de Michel IMBERTY Les rapports entre la création musicale et la création picturale d’une part, les rapports entre la psychanalyse et la création artistique d’autre part, ne sont pas des questions nouvelles. Pourtant, rares sont les ouvrages qui en traitent avec profondeur et avec une grande sensibilité au-delà des connaissances sérieuses que l’on peut attendre d’un auteur en ces domaines. Le livre d’Audrey Lavest est de ceux-là. Elle entreprend, à la lumière ombreuse de la psychanalyse, une étude des processus créateurs chez deux e artistes qui ont, chacun à leur façon, dominé le XX siècle, Schoenberg et Picasso. Le lecteur pourra s’étonner du rapprochement entre ces deux artistes, alors qu’il est plus courant – et sans doute aussi plus naturel – de s’intéresser aux rapports entre Schoenberg et Kandinsky. Mais Audrey Lavest nourrit cette intuition que si l’on devait écouter la peinture de Picasso à l’époque du cubisme, c’est la musique de Schoenberg que l’on entendrait. Cette intuition doit sans doute beaucoup à l’ouvrage d’Anton Ehrenzweig,L’ordre caché de l’art, mais Audrey Lavest en prolonge et approfondit les analyses pour ouvrir des perspectives totalement nouvelles à la fois sur le plan des méthodes d’analyse et du contenu des œuvres. On le sait, Freud n’a pas parlé de la musique. On peut s’en étonner, car il a vécu à Vienne, une des cités les plus musiciennes du monde, et il fut contemporain du dernier romantisme musical (Brahms, Mahler, R. Strauss), comme de la révolution dodécaphonique avec Schoenberg, Berg et Webern. Or il reste étonnamment étranger à tout cela. Sans doute avait-il des goûts et des jugements assez conservateurs en matière d’art, et ses intérêts pour la peinture montrent qu’il était surtout attiré par les œuvres du passé. Mais dans ce cas, il aurait pu se saisir de Mozart, de Haydn, de Beethoven, de Schubert, comme il s’était saisi de Léonard ou de Michel-Ange. Il semble donc qu’il ait été atteint d’une véritable surdité musicale. Il écrit, au début duMoïse:« Les œuvres d’art font sur moi une impression forte, en particulier les œuvres littéraires et les œuvres plastiques, plus rarement les tableaux. J’ai été ainsi amené, dans des occasions favorables, à en contempler longuement pour les comprendre à ma manière, c’est-à-dire à saisir par où elles produisent de l’effet. Lorsque je ne puis pas faire ainsi, par exemple pour la musique, je suis presque incapable d’en jouir. Une disposition rationaliste ou peut-être analytique lutte en moi contre 1 l’émotion quand je ne puis savoir pourquoi je suis ému ni ce qui m’étreint » . Quel aveu ! Freud se sent désarmé, intellectuellement déstabilisé par la continuité musicale qui le submerge et le plonge dans ce sentiment de l’océanique qu’il exècre, parce que l’océanique est fusion, symbiose, charme, séduction et confusion.L’océanique[…] établir desune figure d’Éros («  est 2 unités toujours plus grandes afin de les conserver » – Audrey Lavest ne 1  Sigmund Freud,Le Moïse de Michel-Ange. 1914. Traduction française inEssais de Psychanalyse Appliquée,Paris, Gallimard, 1971, p. 9-44.2 Sigmund Freud,Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 1949, p. 17-18.
manque pas de rappeler ce texte lapidaire et incisif) dont, pour la psychanalyse, il s’agit justement de démonter les artifices unificateurs qui font illusion face au discontinu géométrique et froid de Thanatos. Mais c’est aussi la même opposition qui nourrit tout l’intellectualisme viennois du début du siècle, comme elle anime toute la philosophie européenne : la clarté nécessaire à l’intelligence qui analyse passe par la différenciation, la séparation, l’articulation des contraires et des complémentaires, repose sur l’établissement de discontinuités et doit se détourner des intuitions globalisantes de la compréhension et de la communication empathiques. La pensée freudienne est une pensée du discontinu, comme l’est la pensée linguistique structuraliste qui naît avec leCours de linguistique généralede Saussure à la même époque. C’est sans doute pourquoi aussi Freud ne peut-il donner toute la richesse de la pensée psychanalytique qu’après la découverte de l’instinct de mort,au-delà du principe de plaisir», cettedétruire toute chose . Si le but de Thanatos est de « destruction n’est d’abord qu’une mise en ordre, une destruction des liens confus qu’entretiennent Éros et le sentiment de l’océanique qu’il engendre dans la conscience du sujet et ses rapports avec le monde. Freud a donc besoin épistémologiquement, mais sans doute aussi par nécessité intérieure, peut-être inconsciente, de la figure de Thanatos comme figure de la rationalité intellectuelle : à cet égard plusieurs textes de Webern suggèrent une rencontre virtuelle entre ces deux hommes contemporains qui s’ignorent à peu près complètement. En particulier celui-ci : « Qu’est-ce donc qu’articuler ? écrit Webern. Introduire des divisions. Pourquoi diviser ? Pour discerner des éléments, pour distinguer les choses principales de ce qui est secondaire. Il est nécessaire de procéder ainsi pour se faire comprendre : c’est également de cette 1 manière que cela doit se passer en musique » . Et l’on a envie de reprendre Freud : lorsqu’on n’est pas capable de faire ainsi, on ne peut en jouir ! Webern définit de manière extrêmement précise en ce texte ce qui apparaît à Audrey Lavest comme le point commun fondamental entre Schoenberg et Picasso, entre le sérialisme dodécaphonique et le cubisme. Et la gêne de Freud vis-à-vis de cette musique-là est sans doute la même que celle qu’il éprouve face e à la peinture de la première moitié du XX siècle dont il ne parle pratiquement jamais. Car cette décomposition de l’objet pictural, cette fragmentation du flux musical ne sont pas le fruit d’un intellectualisme réfléchi, mais bien au contraire la projection, dans l’œuvre, de formes inconscientes que Freud n’a pas encore identifiées comme présence irrécusable de Thanatos. Avant le travail psychanalytique proprement dit sur les œuvres, ce sont les processus de création qui sont décortiqués par Audrey Lavest dans un parallélisme historique passionnant et nouveau. Certes, elle s’appuie sur le cadre théorique proposé par Ehrenzweig à savoir l’alternance, dans la vie des artistes, des processus primaires et des processus secondaires, mais elle montre comment la démarche des deux artistes est dominée par des résonances 1  Anton Webern, 1980.Chemins vers la Nouvelle Musique, traduction française, Paris, Lattès, 1980, p. 61.
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psychiques profondes qui orientent les choix stylistiques. Et elle montre surtout e comment Thanatos devient, en cette première moitié du XX siècle, force créatrice autant que force destructrice. À cet égard sont particulièrement intéressantes les analyses que l’auteur propose des peintures de Schoenberg et des poèmes de Picasso, c’est-à-dire des formes de création artistique où l’un et l’autre se retrouvent sur un terrain qui n’est pas a priori le leur, et où, paradoxalement, ils laissent plus encore filer le travail du rêve et de l’inconscient. Car ce qui caractérise le travail de la création chez le peintre comme chez le compositeur, c’est une sorte de triomphe de la subjectivité, au sens où tout « regard », tout « déchiffrement », toute transposition d’un langage à un autre ne sont que projection du Moi sur le monde. L’art n’est rien d’autre. Schoenberg fut, on le sait, un grand admirateur de Strindberg. Or Strindberg lui aussi est convaincu qu’au théâtre comme en littérature, la peinture classique ou romantique des personnages qui leur donne leur consistance psychologique, n’est plus possible parce que tout regard observateur ou « objectif » sur l’homme n’est qu’illusoire, voire impossible. On ne connaît que soi et, dès lors, tout ce que l’on dit des autres n’est dit qu’à travers soi. Cette subjectivité fondamentale du personnage central, souvent double fantasmatique de l’auteur, conduit à un texte éclaté, fait de la juxtaposition des « visions » partielles et fortement partiales du monde et des autres hommes. À cette époque, Schoenberg et Picasso ne font que transposer au domaine musical ou au domaine pictural ce que l’écrivain prône pour le théâtre. Chez Picasso, la décomposition de l’objet n’est que le fruit d’une recomposition par le regard du peintre, unique point de référence sur le monde subjectivisé et fantasmé. Chez Schoenberg, on retrouve, par exemple dansErwartung, la technique du monologue intérieur et du personnage unique qui décrit le « drame du Moi », le « Ich-Dramma », c’est-à-dire le drame de l’effondrement du Moi comme foyer des pensées et des actions, effondrement que consacre précisément la psychanalyse. Au théâtre, la mort du héros est d’abord la mort du Moi, son effritement dans les pulsions inconscientes, comme dans la peinture cubiste, la mort du Moi-peintre est dans la fragmentation de la vision, la dislocation de l’objet, la fantasmatisation de la forme. SiGuernicanous bouleverse, c’est non parce que l’œuvre nous présente la guerre, mais parce qu’elle nous présente la destruction du regard dans la subjectivité fondamentale du peintre, non la guerre, mais la peur intérieure qui détruit le Moi créateur.Guernicaaussi est un Ich-Dramma. Lorsque l’examen des processus créateurs s’achève, il est alors possible à Audrey Lavest d’entreprendre la partie la plus originale de sa recherche : Schoenberg et Picasso, comme d’ailleurs sans doute Kandinsky, procèdent au plus près du rêve. La célèbre auto-analyse du rêve del’injection faite à Irma par Freud sert de modèle au travail sur la musique et la peinture : certaines œuvres de Schoenberg sont véritablement élaborées à partir du rêve et selon les processus que Freud a décrit, notamment la condensation et le déplacement. D’une certaine façon, ces termes eux-mêmes sont déjà une caractérisation du
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style de Picasso aussi bien que de Schoenberg : glissements et détournements de sens déconstruisent les objets et l’espace, brisent les liens syntaxiques musicaux et temporels. Mais en même temps, ils reconstruisent un autre espace et un autre temps enserrés dans la logique propre du rêve et des délires. La tension entre la déconstruction primaire et l’élaboration secondaire atteint ici son paroxysme, la micro-forme en peinture comme en musique prenant le pas sur la macro-forme. Chez Schoenberg, cette tension est peut-être encore plus sensible que chez le peintre. Ainsi, la brièveté du geste atonal qui déchire de vides et de silences, de ruptures de plans, de changements d’éclairage harmonique et de timbres le devenir de la forme expressive d’Erwartungou duTrio à cordesopus 45dont Audrey Lavestpropose un remarquable commentaire, finit par disloquer la formedans les errances et la folie du personnage ou les instantanés de la polyphonie contrapuntique, et toute construction explicite semble disparaître. Schoenberg lui-même ne dit-il pas que sa musique doit avant tout exprimer, exprimer dans la concision, dans l’instant, « en temps réel » ? Exprimer sans pathos, sans stylisation, exprimer « le sentiment comme il est dans la réalité », c’est-à-dire complexe, divers, multiple, « illogique » dit-il, en « ce qu’il nous met en rapport avec notre subconscient ». « Ma musique doit 1 être brève, concise ! En deux notes : ne pas construire mais exprimer !! » C’est sans doute cette même violence abrupte et sans emphase romantique de l’expression que l’on retrouve dans l’œuvre du Picasso de ses années cubistes. Elle tient en une véritable fragmentation de la temporalité comme de l’espace. Si dans la peinture la forme s’étend dans l’espace par la superposition des plans et par la couleur, le geste du peintre se déploie dans le temps, met la ligne en mouvement. Une des clés du rapprochement entre les deux artistes nous est alors suggérée par Audrey Lavest : ce qu’elle appelle le « rythme dissociatif », caractéristique tant de la trame schoenbergienne que du geste pictural de Picasso. Chez le peintre comme chez le musicien, le rythme s’incarne dans la dialectique de la déconstruction et des ruptures de l’objet ou de la série au niveau primaire, et du retour de la régulation du mouvement par la ligne ou par la répétition en cycles de l’idée musicale. Cette dissociation des ordres de temporalités conduit à une hétérogénéité où se reconnaissent les figures de Thanatos : alors, la musique, comme la peinture, par le jeu de cette dissociation en strates, deviennent une dramatisation de l’inconscient, dont les œuvres ne sont que l’apparence immédiate et bienséante qui renvoie au flux pulsionnel et aux fantasmes inavoués. Priment donc ici la dynamique de la trame atonale et sérielle, la fulgurance d’un geste pictural matérialisé en sa trace, non la formalisation codifiée du système. Comme l’écrit Audrey Lavest : « Dans sa relation aux sons, aux mots, aux images, l’art de Picasso et de Schoenberg n’interrompt jamais son va-et-vient entre l’oreille et l’œil, se déplaçant sur la
1  Arnold Schoenberg, Ferruccio Busoni,Briefe, éd. Jutta Theurich,Beiträge zur Musikwissenschaft, 1977, XIX, n°3. Texte traduit dans un recueil qui regroupe la correspondance Schoenberg – Busoni et Schoenberg – Kandinsky sous le titreCorrespondances, Genève, Contrechamps, 1995.
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