La Manière noire
104 pages
Français

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Description

Album photographique - 46 photographies N & B de Marthe Lemelle - Texte de Pierre-Albert Castanet


En coédition avec Musica et les Musées de la Ville de Strasbourg.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2002
Nombre de lectures 82
EAN13 9782876232204
Langue Français
Poids de l'ouvrage 13 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

a rencontre au début, ne laisse rien deviner, ou si peu. Un appareil photo sur pied, un déclencheur souple. Puis, le noir se fait, comme une éclipse soudaine… On s’isole, on se calfeutre. L’obturateur sur pose longue, très longue… Une minute, deux minutes, peut-être plus. C’est là, dans l’obscurité, DansLla pénombre, on peut se parler… se mouvoir… ou se tenir là tout simplement. Je m’approche fait glisser que quelque chose tangue : un vertige, un doute. Ce qui deviendra peut-être le sentiment « d’être-tout-près » commence ici par un moment d’indétermination et de séparation. le faisceau lumineux comme une caresse sur les contours du corps. Je préviens quand il s’agit de saisir le regard… Il est difficile, pour eux comme pour moi, de savoir l’expression qui est la leur en cet instant précis. Je ne peux que l’induire.
Tous, j’espère, y trouveront un reflet singulier d’eux-mêmes. Sans doute aussi une trace de ma présence, comme une image latente, invisible à l’œil nu. C’est un moment d’intimité, un pacte de confiance où il faut abandonner un peu de soi. Mais à moi-même, il échappe quelque chose dans ce dispositif.
Le long temps de pose, qui s’étire… Comment croire que la photographie se déroule durant tout ce temps. J’explique pourquoi je peux délaisser l' appareil à son seul rôle mécanique. Celui de garder l’œil grand ouvert dans le noir. Car maintenant c’est à nous de jouer ! J’explique comment la trace lumineuse se dessine petit à petit sur la surface sensible, comment je peux être un peu partout dans cet espace et passer devant l’objectif sans crainte. Je commente ce que j’éclaire, ce que je vois. Trace à grands traits doux ou hachés la scène et les acteurs qui s’y trouvent. C’est moins définir l’autre qu’imaginer, expérimenter cet espace imprécis où il s’agit de ressentir l’entre deux.
Entre la grâce et l’échec permanent. Toujours prêt… pas prêt, trop tôt ou trop tard.
À la différence des autres arts, la photographie dans son désir, son ambition, oublie parfois sa spécificité – sa qualité première –, celle de ne pouvoir se dérober à la présence de l’autre, et de nous confronter à la perplexité du regard qu’on lui porte.
20 ans de musica = 2002 jean-dominique marco
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usica a été créé en 1982 pour présenter au public le plus large les grandes œuvres significatives e des évolutions musicales duXXsiècle et les confronter à la création actuelle. Il s’agissait de permettre à tous ceux, simples curieux désireux de s’initier aux sonorités de leurs temps ou public LceuxquiMavaient ouvert les voies nouvelles, tels que Schœnberg, Varèse, Boulez, Stockhausen, Berio, Nono et bien averti, d’avoir accès à ce répertoire dans un cadre rigoureux mais festif et ouvert quant à ses choix esthétiques. objectif était de présenter dans un premier temps les œuvres les plus significatives des compositeurs pionniers, d’autres encore. Beaucoup d’entre eux sont certes des valeurs (re)connues et leur musique a jalonné les vingt éditions de musica un peu comme pour en former les fondations. Mais le public aime les (ré)entendre et les réclame en s’appropriant ce répertoire désormais familier à leurs oreilles. Et il a raison ! Il fallait en même temps révéler ou (re)découvrir de nouveaux artistes, jeunes talents ou anciens injustement oubliés, pour enrichir les thématiques développées chaque année et offrir au public la possibilité d’étoffer sa connaissance de la musique contemporaine. C’est aussi notre mission et notre devoir à l’égard des compositeurs. Le risque est alors de nous tromper dans nos choix, d’être déçu par la pièce commandée ou de ne pas arriver à convaincre l’auditoire de la justesse de nos intuitions. Mais ce sont des risques que l’on accepte bien volontiers tant le sentiment d’accompagner, voire de susciter la création et de la partager avec son public, est un moment d’intense satisfaction. On s’enthousiasme à la lecture d’une nouvelle partition prometteuse et l’on imagine avec gourmandise le plaisir probable du partage musical avec le compositeur, ses interprètes et le public. Le sentiment d’être la « part de l’ombre » de cette mise en lumière musicale récompense tous les efforts déployés pour que la magie de la révélation puisse opérer dans de bonnes conditions. C’est ainsi que Musica est une histoire passionnante, écrite par des artistes et partagée avec un public étonnant, intelligent et curieux. En vingt ans, ce public a pu entendre près de deux mille œuvres de plus de cinq cents compositeurs dont un tiers de créations et de premières françaises. Chaque année, il suit le festival avec une grande fidélité et une attention impressionnante. Il existe alors une sorte de contrat de confiance entre lui et Musica, fondé sur un travail festivalier que l’on peut volontiers qualifier de pédagogique. Pédagogie de l’offre musicale exigeante et rigoureuse, pédagogie de l’écoute et du contact convivial avec les artistes heureux d’être joués et fêtés au cœur de l’Europe. L’Alsace est une région de longue tradition musicale située sur les bords du Rhin où se sont écrites, en face et à quelques kilomètres de Strasbourg, quelques pages parmi les plus importantes de l’histoire de la musique d’après guerre notamment à Darmstadt, Donaueschingen, Baden-Baden, Francfort, Cologne… En implantant Musica à Strasbourg avec la complicité du maire Pierre Pflimlin, Jack Lang et son directeur de la Musique, Maurice Fleuret, savaient le terrain propice à la création contemporaine, patiemment préparé à ces écoutes par les Percussions de Strasbourg et d’autres formations spécialisées ici et Outre Rhin. Il y avait fort à parier que le public potentiel serait au rendez-vous de la création. L’effet « génération Musica » est fort dans la ville. Au noyau dur des fidèles de la première heure se sont ajoutés beaucoup d’autres, souvent jeunes et issus du Conservatoire national de région, fortement mobilisés grâce aux résidences de compositeurs. Musica a durablement modifié le paysage musical de Strasbourg. En y inscrivant la modernité et la création, l’aventure musicale contemporaine a gagné nombre d’institutions culturelles et les collaborations avec elles au moment du festival témoignent de la complicité qui s’est installée dans cette ville. Depuis douze ans, j’y ai pris pour ma modeste part un plaisir énorme. Celui du partage avec les artistes et un public fidèle, vigilant et exigeant.
Les passeurs d’ombre de la musique contemporaine de pierre albert castanet
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Déjà à l’époque de Pline l’ancien, au premier siècle de l’ère chrétienne, les peintres suggéraient la troisième 1 dimension par une présence ombrée . C’est ainsi que la peinture a fait son apparition sous le signe de la « présence-absence ». orollaire de l’action de la lumière et synonyme de dualité (voire de connivence), la présence de l’ombre – en tant qu’image réfléchie plus ou moins fidèlement, voire plus ou moins naturellement pour la photographie – a certes concerné les musiciens e e occidentaux desXIVjusqu’au début duXXsiècles mais elle a surtout fasciné les C compositeurs de « musique contemporaine ». Car, si l’ombre désigne l’icône même des choses fugitives, elle est la gouvernante des visions irréelles comme la magicienne des rêves utopiques. Par ailleurs, symbole religieux lié à la mort ou double poétique dépendant d’une source féconde, « la part de l’ombre » – pour évoquer un recueil poétique de Jean Tardieu – tient une place symptomatique dans l’imaginaire plus ou moins abstrait des musiciens créateurs. Certes, on aurait pu aborder également le sujet en parlant de l’ombre dans son rapport aux dominos « compositeur/institution », « interprète/compositeur », voire 2 « interprète/électronique », dans le sens caché de la commande ou de la genèse compositionnelle, ou à travers 3 4 ces « barricades mystérieuses » qui entravent et invitent finalement à un flux dévié (Naamaheureux ouRoàï 5 malheureux), cette mise en tension de la dualité relationnelle élémentaire (positif/négatif) qui nous fait être ce que l’on n’est pas.
C’est cet aspect binomial des données incertaines qui semble gérer la recherche musicale deBruno Mantovani: Ainsi, « consonance/dissonance, son « brut »/son réverbéré, contrepoint/verticalité, soliste/tutti, statisme/pulsation, invention/référence, juxtaposition/développement… autant de dialectiques qui nourrissent le discours… autant de points de repère pour la forme, qui balisent une dramaturgie fondée sur le contraste, voire le conflit… autant de zones d’ombre et de lumière, d’éclairages différents d’un même matériau, à l’origine d’une perpétuelle 6 instabilité qui donne naissance à « l’équilibre tourmenté » que je cherche à créer dans mes œuvres ». C’est 7 cette tourmente que Jankelevitch avait analysé chez Novalis, Schelling, Schumann … ce « pathos de l’ombre 8 qui exprime la nostalgie romantique de la confusion » .
Pascal DuMsapin
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arthe ne photographie pas, elle enveloppe… Elle fauche l’espace d’un regard et vous pose dedans. Il y a au fond de son œil un je-ne-sais-quoi d’acide qui sans cesse fouille et soupèse la pénombre. Avec son pinceau de lumière, Marthe repousse l’ombre et dessine des formes de vie, à menus traits de lumières courbes et veloutées qui accusent, révèlent et balaient les contours de votre corps. Subitement la photo devient une cérémonie de petites caresses luminescentes ou chaque geste est comme une étoile filante.
n soleil imaginaire devait décrire un arc au-dessus de cet espace, obligeant ainsi les objets à projeter des ombres de longueurs, de densité et de directions différentes en divers points de la trajectoire du soleil. Brian FeUrneyhough
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Brian Ferneyhough
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