Obscène, obscénités
256 pages
Français

Obscène, obscénités , livre ebook

256 pages
Français

Description

La moralité publique et la censure ont longtemps servi à flouer le senti et les besoins de la chair. Quel est le sort du senti, du charnel et du plaisir dans un tel gâchis ? Est-ce que l'obscène se sexualise ou se découvre comme un interdit fabuleux, une jouissance jamais confisquée ? Que se soit en droit, en philosophie, en art et en littérature, quelles obscénités modernes exhalent encore cette odeur de soufre et de scandale ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2008
Nombre de lectures 326
EAN13 9782296206779
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Remerciements

À Jacques Walter et à toute l’équipe du C.R.E.M.
de l’Université de Metz pour l’aide et le soutien apportés lors
de ce colloque.

Présentation

12
Par Steven Bernas, Jamil Dakhlia

3
L’objectif ducolloque «Obscène, obscénitéés »taitde
questionner les figures, modalités etenjeuxde l’obscène etde
l’obscénité sous plusieurs anglesthématiques etdisciplinaires.
Cettevisée étaita prioriparadoxaletantl’obscène semble
par essence impossible à analyser, comme le suggèrent, par-delà
leurs contradictions, ses différentes connotations étymologiques.
Rattaché aulatinscaevus, qui signifie «mauvais présage»,
l’obscène désigne ce qui estsinistre, de mauvais augure. Par là
même, «il possèdeune parenté étymologique avec le mot
4
« obscur » dontil partage le rapportaucaché etausecret» .
Référé, selonune étymologie séduisante mais plus contestée,
à lascena, l’obscène peutà l’inverse être saisi comme ce qui
s’impose à la scène jusqu’à l’obstruer, faisantainsiviolence à la
vision.Il procède alors d’unevisibilité jugée excessive.
Littéralementsidérant, l’obscène paraîtinsaisissable pour
autantqu’il se caractérise parun retard de l’intellectsur
l’expérience. Obstacle supplémentaire à son étude, « ilyaurait[...]
impossibilité de discuter l’obscène à partir de la localisation d’un
objet, la discussion étantelle-même comprise dans la sphère de son
5
obscénité. »
Pourtant, quand bien même l’expérience obscène seraiten
soi ineffable, l’étude de ses formes etde ses conditions esthétiques,
morales ousociales paraîtpossible. Voire indispensable pour
mettre à l’épreuve certaines critiques contemporaines –vaguement

1
Steven Bernas, Maître de conférences HDR en Esthétique etSciences de
l’Art/Cinéma, Université Marne-La-Vallée Paris-Est, Laboratoires de recherche :
CREM (Metz), LISAA (Paris Est) etIDEAT (Paris 1 Panthéon Sorbonne).
2
Jamil Dakhlia, Maître de Conférences en Sciences de l’Information etde la
Communication, Université Nancy 2. Chercheur auCREM (Metz) etau
Laboratoire Communication etPolitique (CNRS, Paris).
3
Colloque « Obscène, Obscénités », Université Paul Verlaine de Metz, 19-20juin
2006.
4
Artus, EstAelle, «usortir de l’obscène»,La voix du regardn°15, automne
2002, p.130.
5
Tremblay, Thierry, «Réflexions sur l’obscénité. De l’étymologie ausilence »,
La voix du regardn°15, automne2002, p.109.

postmodernes mais non conscientes de leur manque d’originalité à
l’échelle historique - d’une anomie supposée en art et dans la cité :
toutes les limites sociales et esthétiques auraient déjà été franchies
et à trop vouloir choquer, on ne choquerait plus personne.
Aussi l’un des objectifs majeurs de ce colloque était-il
d’abord d’interroger la relativité d’une notion dont les acceptions
ne cessent de varier selon les époques, les sociétés et les individus.
D’où la volonté, d’abord, de diversifier les milieux étudiés et
d’élargir au maximum le spectre historique: ici, de l’époque
romaine, envisagée à travers le thème de la gourmandise dans les
satires latines aux manifestations contemporaines de l’obscène
dans les arts et les industries culturelles, en passant par les liens
entre obscénité et galanterie auXVIIème siècle, les
expérimentations chorégraphiques des années 1960oula
pornographie des années 1970à nos jours.
D’oùl’intention, également, de multiplier les angles
disciplinaires :droit, philosophie, analyse filmique, histoire de la
littérature ouarts plastiques.
De l’ensemble de ces approches ontémergétrois grandes
directions d’analyse, qui structurentcetouvrage : « Entre règles et
obscène », « Plasticité de l’obscène » et« Écrire l’obscène ».

Le premier axEne, «tre règles etpriobscène »,vilégie les
relations de l’obscénité auxinterdits morauxet/ousociaux,
anthropologiques et/ouhistoriques, àtravers lesvariations
juridiques, la philosophie ducorps oul’histoire des idées etdes
représentations.
Ainsi, prenantacte de ce que l’indécence etl’obscénité sont
des notionsvariables selon les circonstances, la sensibilité du
public oul’étatdes mœurs, Sandrine Erhardtexamine la réponse
dudroità l’obscénité entantqu’indicateur de l’étatdes mœurs
d’une société àune époque déterminée. Elle meten évidence la
diversitarbié destrages que le législateur etle juge peuventlivrer
pour résoudre le conflitd’intérêtentre l’obscénité comme forme de
communication percutante etla moralité publique oula pudeur des
personnes.

Daniel Bougnouxdistingue quantà luiune mise en crise de
ème
la représentation auXX siècleaussi bien par les progrès de la

8

science que par l’escalade médiatique ou les avant-gardes
artistiques. S’opposant à l’ambition de scruter l’inscrutable et à
l’impérialisme de l’obscène, il préconise de rétablir la distance de
la scène, seule à même de restaurer une véritable séduction
esthétique et conditionsine qua nond’une éthique de la
représentation.
Bernard Andrieu, enfin, rappelle que l’obscénité présentée
comme telle reste encore un récit normalisé dans la transgression
même de la règle esthétique. À travers son analyse de la fellation
dansDeep Throat(1972), il interroge la démarcation entre obscène
etpornographie etdéfinit une forme spécifique d’obscénité, entant
qu’envahissementcorporel, impossibilité duretraitsubjectif, mais
égalementaccès àune autre forme ducorps.

Les deuxparties suivantes de cetouvrage interrogentplus
particulièrementle défi esthétique institué par l’obscène. Bien que
l’artsoitcapable de choquer, lavéritable obscénité semble par
définition inaccessible à l’artiste car irreprésentable, de l’ordre de
l’immédiatetnon dusymbole.Il s’agitdonc d’examiner non
seulementles intentions qui présidentà différentestentatives
artistiques d’expression de l’obscène mais égalementleurs
résultats : ces expériences basculent-elles inévitablementen dehors
desterritoires de l’art? Que nous enseignentles réceptions
savantes ouprofanes qu’elles suscitent?
Les axes «Plasticité de l’obscène» etl’obscène »« Écrire
illustrentles deuxpans de la dialectique que l’obscénité instaure
entre corps etlangage. On peuten effetconsidérer que l’obscène
estindissociable de la matière, de l’expérience sensorielle etqu’en
conséquencetoutetentative d’en rendre compte par des mots serait
aporétique. Mais on peutégalementestimer, aucontraire, que
l’obscènetrouve sonterrain d’élection dans le langage – qui se fait
dès lors «obscénit-, l’eés »xcès d’explicitation pervertissantla
simple communication des corps : comme le suggère Estelle Artus,
« L’obscènese glisseraitdans levoluptueuxdétail, dans la
jouissance d’un ornementsans fin, dans la description fouillée, et
ce déploiementquasi balzacien dumotferaitœuvre d’érosion,
6
dégradantle pur non-ditdes corps amoureux» .

6
Artus, Estelle,op. cit., p.131.

9

La deuxième partie, «Plasticité de l’obscène», explore
l’obscénité dans son rapport au corps à travers plusieurs
expériences artistiques ou revendiquées comme telles dans le
domaine de la photographie ou dubody art.
Ainsi, pour Estelle Bayon, le réalisme de latoile de Courbet
L’origine du monde, figure la matrice d’une écriture de l’obscène
aucinéma, au-delà dusimple ghetto pornographique. Se fondant
sur certains plans deL’humanitéde Bruno Dum

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