Philosophie et cinéma
253 pages
Français

Philosophie et cinéma , livre ebook

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Description

Les textes proposés ici ouvrent deux grandes questions : celle de la contemporanéité et donc du Présent de l'écriture du philosophe, celle du nouage entre foyer du sens, cinéma et philosophie. Benjamin rappelle que le Présent, à partir duquel doivent s'écrire l'histoire et la connaissance, est dépendant de l'appareil dominant : le cinéma, au XXème siècle, la photographie au XIXème. La seconde question doit être abordée à partir de la pensée de Claude Lefort, qui décrit la démocratie moderne comme ce moment de la désintrication des pôles de la Loi, du Pouvoir et du Savoir.

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Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 98
EAN13 9782296459977
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Philosophie et cinéma
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54565-6 EAN : 9782296545656
Sous la direction de Jean-Louis Déotte
Philosophie et cinéma
L’Harmattan
ESTHETIQUESCollection dirigée par Jean-Louis Déotte Pour situer notre collection, nous pouvons reprendre les termes de Benjamin annonçant son projet de revue :Angelus Novus. « En justifiant sa propre forme, la revue dont voici le projet voudrait faire en sorte qu’on ait confiance en son contenu. Sa forme est née de la réflexion sur ce qui fait l’essence de la revue et elle peut, non pas rendre le programme inutile, mais éviter qu’il suscite une productivité illusoire. Les programmes ne valent que pour l’activité que quelques individus ou quelques personnes étroitement liées entre elles déploient en direction d’un but précis ; une revue, qui expression vitale d’un certain esprit, est toujours bien plus imprévisible et plus inconsciente, mais aussi plus riche d’avenir et de développement que ne peut l’être toute manifestation de la volonté, une telle revue se méprendrait sur elle-même si elle voulait se reconnaître dans des principes, quels qu’ils soient. Par conséquent, pour autant que l’on puisse en attendre une réflexion – et, bien comprise, une telle attente est légitimement sans limites –, la réflexion que voici devra porter, moins sur ses pensées et ses opinions que sur les fondements et ses lois ; d’ailleurs, on ne doit plus attendre de l’être humain qu’il ait toujours conscience de ses tendances les plus intimes, mais bien qu’il ait conscience de sa destination. La véritable destination d’une revue est de témoigner de l’esprit de son époque. L’actualité de cet esprit importe plus à mes yeux, que son unité ou sa clarté elles-mêmes ; voilà ce qui la condamnerait – tel un quotidien – à l’inconsistance si ne prenait forme en elle une vie assez puissante pour sauver encore ce qui est problématique, pour la simple raison qu’elle l’admet. En effet, l’existence d’une revue dont l’actualité est dépourvue de toute prétention historique est justifiée… »Alain BROSSAT, Yuan-Horng CHU, Rada IVEKOVIC et Joyce C.H. Liu (ed.)Biopolitics, Ethics and Subjectivation, 2011. Pascale BORREL et Marion HOHLFELDT (dir.),Parasite(s). Une stratégie de création, 2010. Jean REGAZZI,Le roman de le cinéma d’Alain Resnais : retour àProvidence, 2010. Alexandra PIGNOL,Gottfried Benn. Art, poésie, politique, 2010. Alain BROSSAT,Entre chiens et loups. Philosophie et ordre des discours, 2009. Colette TRON (sous la dir. de),Esthétique et société, 2009. Edwige PHITOUSSI,La Figure et le Pli.Degas, Danse, Dessin de Paul Valéry, 2009.
Introduction Jean-Louis Déotte Les textes proposés ici ouvrent deux grandes questions : celle de la contemporanéité et donc du Présent de l’écriture du philosophe, celle du nouage entre foyer du sens, cinéma et philosophie.
1) DansChronique berlinoise, texte préparant en partieEnfance berlinoise, Benjamin témoignant de ceux qui l’ont introduit à la connaissance de sa ville, Berlin, isole deux appareils qui furent les conditions de possibilité de l’expérience urbaine : « Une photographe se trouvait parmi nous [Germaine Krull]. Et quand je pense à Berlin, c’est l’aspect de la ville que nous explorions à cette époque-là qui, seul, m’apparaît vraiment accessible aux prises de vue photographiques. Plus nous nous approchons en effet de l’existence actuelle de la ville, fonctionnelle, labile, plus le domaine de ce qui est photographiable en elle rétrécit ; on (Brecht) a remarqué à juste titre qu’avec une usine moderne par exemple, la photographie n’a presque plus rien d’essentiel à fixer sur la plaque. On pourrait peut-être comparer de telles images aux gares qui, en général, à notre époque où le chemin de fer commence à passer de mode, ne donnent plus l’“accès” authentique qui permette à la ville de se dérouler depuis sa périphérie et ses faubourgs, comme au long de voies d’accès pour automobilistes. La gare donne pour ainsi dire l’ordre d’une attaque surprise, mais désuète et qui ne rencontre que de l’ancien et il n’en va pas autrement de la photographie et même de l’instantané. C’est seulement pour le cinéma que s’ouvrent des voies d’accès optique à l’essence de la ville, semblables à celles qui conduisent l’automobiliste dans la nouvelle City. » (Chronique berlinoise, 1970-1990, in : Ecrits autobiographiques, p.252)
Si une photo nous ouvre le monde qui lui était contemporain (seconde ème partie du XIX siècle), alors, c’est qu’en un appareil réside le principe ème de contemporanéité. La gare au XX siècle appartient déjà à la contemporanéité passée. Il y a donc autant de contemporanéités que d’appareils, les contemporains sont relatifs. Il n’y a pas de contemporanéité absolue. A contrario d’Agamben pour qui ne sont 1 contemporains que ceux qui critiquent le même état de la société : « Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps ».
1 G. Agamben,Qu’est-ce que le contemporain ?2008, Payot.
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C’est donc le dernier appareil, le plus récent, qui donne l’accès le plus ème authentique à la ville. Au début du XIX , c’est dans le passage urbain que résidait le principe de contemporanéité. On peut accéder à cette contemporanéité passée, mais à partir du Présent de la connaissance. Est-ce que ce Présent appartient à la contemporanéité d’un appareil ou doit-on le rapprocher du Présent Vivant de la phénoménologie, à partir duquel on peut dégager la dimension de la rétention et celle de la protention ? Mais, la philosophie de la connaissance de Benjamin déconsidère la place de la conscience, qui est plutôt entendue comme un symptôme de l’inconscient, comme chez Freud. Pour ne pas substantialiser ce Présent, comme présence à soi par exemple, on peut dire que celui qui écrit, fait toujours l’expérience de la différence, ne serait-ce que parce qu’il est partagé entre la constitution archéologique du passé et l’attente de ce qui arrive. Ce qui est certain, c’est que la philosophie des années 1930, mettait au premier plan le temps et non l’espace. Benjamin n’établit pas une philosophie de la substance puisque le Présent – ou Maintenant de la connaissabilité – n’a pas de consistance, est impermanent. C’est une instance qui arrive toujours dans l’après-coup, mais où se déclinent les autres échelles du temps (passé, futur). Ce texte sur Berlin aura été écrit au Présent, et c’est par l’écriture qu’il découvre ce qui lui est contemporain : le cinéma et la ville contemporaine du cinéma. Hier, ce qui était contemporain, c’était la photographie, rendant visible une ville plus ancienne, celle de la seconde ème partie du XIX . Avant-hier, c’était le passage urbain. C’est à partir de lui que quelque chose comme une subjectivité peut surgir : le “je”. Le Présent fait surgir le “je” de l’écriture et non l’inverse. Benjamin a renversé l’historiographie : l’historien n’a pas comme tâche de reconstituer le passé tel qu’il a été en lui-même comme le voulait 2 Ranke mais en partant du Présent, il s’agit de lancer un pont vers ce qui gît dans le passé et conserve une charge d’utopie. Ce passé qui nous attend et qui nous demande de l’identifier comme le fait le visage inconnu d’un portrait photographique qui attend qu’on le renomme. « Si j’écris un meilleur allemand que la plupart des écrivains de ma génération, je le dois en grande partie à une seule petite règle que j’observe depuis vingt ans. C’est la suivante : ne jamais utiliser le mot “je”, sauf dans les lettres. Les exceptions à ce précepte que je me suis autorisées peuvent se compter.
2 Benjamin, « Thèses sur le concept d’histoire », en part., thèses VI et VII.Ecrits français, pp. 435-438, Gallimard Folio, 1991.
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<Mais> lorsqu’un jour on me proposa de donner à une revue, sous une forme libre, subjective, une série de billets sur tout ce qui me paraissait au jour le jour digne d’intérêt à Berlin – et lorsque j’acceptai – il apparut tout à coup que ce sujet qui avait été habitué à rester des années durant à l’arrière-plan, ne se laissait pas si facilement convier près de la rampe. Mais très loin de protester, il préféra s’en tenir à la ruse et avec un tel succès qu’un aperçu rétrospectif de ce que Berlin était devenu pour moi au fil des ans me parut la “préface” toute désignée à ces billets. Maintenant si cette préface prend par son ampleur déjà beaucoup plus de place qu’il n’en était prévu pour ces billets, cela n’est pas seulement l’œuvre mystérieuse du souvenir – qui est en effet la faculté d’intercaler à l’infini dans ce qui a été – mais aussi les dispositions prises par le sujet qui, représenté par son “je”, a le droit d’exiger de ne pas être vendu. » (Chronique berlinoise, in : Ecrits autobiographiques, p.260)
La question du Présent ou du Maintenant de la connaissabilité doit être 3 dégagée de la simple temporalité du nouveau. Cette différence entre Présent et Nouveauté est au cœur de la philosophie de la connaissance de Benjamin : le Présent relève d’une réflexion transcendantale, la Nouveauté d’une sociologie ou d’une anthropologie, pour conserver la célèbre distinction kantienne. On voit le glissement qu’a opéré Benjamin : du sujet transcendantal à une instance temporelle transcendantale (il faut la construire, elle n’est pas donnée) qui a, par ailleurs, une dimension « subjective » que l’on retrouvera dans la fouille archéologique, le modèle de l’écriture historiographique. Mais insistons déjà sur ce primat du temps. Le risque, c’est évidemment de croire dégager une instance de connaissance qui est elle-même prise dans le devenir, en devenant esclave de ce devenir, dont le nom dans la modernité est : la mode. Car Nouveauté est le nom de ce qui fascine la foule dans la modernité, sachant en outre, qu’une nouveauté en chasse une autre par définition. La marchandise est de cet ordre. La philosophie du Présent qu’il nous propose reprend l’image de 4 l’origine qui est comme un tourbillon dans le flux du devenir, l’origine qu’il faut distinguer du commencement. Ce Présent ne peut être dissocié de l’appareil qui fait actuellement époque pour celui qui écrit. La philosophie transcendantale doit reconnaître sa dette par rapport à ce qui surgit de temps en temps d’une manière inouïe, un appareil configurant l’apparaître en ne répondant à aucun besoin alors qu’il est d’essence
3 J.L. Déotte,L’homme de verre. Esthétiques benjaminiennes,1997, L’Harmattan. 4  W. Benjamin,Origine du drame baroque allemand. En part. Préface épistémo-critique. 1985, Flammarion.
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technique. Un appareil qui persiste dans le devenir parce qu’il est le médium de la connaissance. « Mais cet aperçu ne serait pas digne de confiance s’il ne rendait pas compte du seul médium dans lequel ces images se présentent et prennent une transparence où, même voilées, les lignes de ce qui vient se dessinent comme des lignes de crête. Le présent de celui qui écrit est ce médium. » (opus cité, p. 252). Un autre aspect doit être dégagé : si Benjamin écrit au Présent du cinématographique (comme il y eut un Présent du photographique ou un 5 Présent du labyrinthique urbain), une philosophie de cet appareil sera nécessaire pour décrire les champs bouleversés : la connaissance (bien évidemment le rapprochement entre inconscient optique et inconscient psychique), la politique (le renversement du test au service du pouvoir en manifestation de soi sur la scène publique), l’esthétique (le renversement de la contemplation en absorbement). Ce sera évidemment le texte sur L’œuvre d’art où apparaît la première fois la notion d’appareil (Apparat) déclinée en autant d’appareillages (Apparatur) pour être précis sur le plan de l’analyse du dispositif technique. Dispositif technique qui a un commencement en plus d’une origine, et qui sera amélioré techniquement au cours du temps, selon le mode spécifique du devenir des objets techniques. Or une origine, nécessairement discontinue, peut renvoyer à d’autres origines : le cinéma dans ses rapports à la ville renvoie à la photographie ou à la perspective. Il s’agit bien d’une conservation du plus ancien par le plus récent. 2)à cetteLa relation entre la philosophie et le pouvoir est vitale dernière : le procès de Socrate est révélateur à cet égard (Platon :Apologie de Socrate). Socrate condamné, ses disciples lui proposent de fuir la Cité. Ce qu’il refusera de faire. C’est que l’existence de la vie dans la Cité était alors consubstantielle à la philosophie. C’est évidemment paradoxal pour une philosophie qui montrait la nécessité d’un arrière-monde idéel plus réel que la réalité empirique. Platon n’échappa pas au paradoxe en faisant le voyage auprès du tyran à Syracuse. Les voyages des philosophes sont intéressants à ce titre : Descartes auprès de Christine de Suède, Diderot et Catherine de Russie, etc. Attrait pour les tyrans ? Fascination du pouvoir ? Ou plus profondément : quand le foyer du sens (Le travail de l’œuvre,Machiavel, Cl. Lefort, 1973) est identifiable et localisable, quand le Prince est un corps, et qu’en sa personne se réunissent la Loi et le Pouvoir, n’est-il pas inévitable que le savoir philosophique ne puisse
5 Jean-Louis Déotte :L’époque des appareils, 2003, Lignes/Léo Scheer.
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échapper à cette attraction et qu’il le parasite, même pour une philosophie de l’ego cogitocomme point de départ et assise absolus? La médiatisation de la philosophie, en particulier depuis les « Nouveaux philosophes » français, n’a fait qu’accentuer ce phénomène. La cité d’Athènes réunissait bien Pouvoir et Loi, sans s’incorporer dans quiconque (démocratie directe), mais elle était bien localisée, le mythe d’autochtonie ne rendant pas légitime l’exil. Ce ne sont pas les principes fondamentaux d’une philosophie qui sont ici en jeu, par exemple lecogitochez Descartes, mais le rapport d’une philosophie à l’articulation “extérieure”, c’est-à-dire donatrice de sens, au symbolique, qui se décompose en trois pôles : Savoir, Loi, Pouvoir. Quand les trois pôles sont intriqués, il n’est pas certain que la philosophie trouve une possibilité d’être, ni l’art au sens de l’esthétique, d’ailleurs : les totalitarismes. Au contraire, sa plus grande possibilité surgit du fait de leur désintrication, que Lefort nomme “démocratie”. La démocratie est indissociable du refus de l’incorporation. La démocratie va de pair avec la différenciation des pôles, avec la délocalisation du lieu du sens, ce foyer n’étant plus arrimé, n’est plus situable. Le lieu du foyer du sens devient une énigme. Sa localisation, qu’on peut dire historique et culturelle, voire nationale, devient l’affaire de l’appareil qui est alors dominant, structurant la ème sensibilité commune, parce qu’il fait époque (le cinéma pour le XX siècle et au-delà). Dès lors, ce foyer du sens peut ne pas coïncider avec le lieu du pouvoir politique. Cela devient l’affaire du cinéma, comme c’était ème celle de la photographie au XIX . C’est parce que le foyer du sens n’est plus situable qu’il revient aux appareils projectifs de lui faire lieu. Ce fut ème ème le rôle de la perspective à partir du XV -XVI siècle (la scène de la ème représentation), du musée au XVIII (la valeur esthétique). Les arts ne relèvent du politique qu’à ce titre, ce qui suppose qu’ils soient toujours appareillés. Il n’est pas étonnant que le cinéma anglo-saxon revienne si souvent sur des procès : c’est que l’interrogatoire des témoins et de l’inculpé, les interventions des avocats, le rappel de la loi par le juge, configurent une scène de l’élaboration jurisprudentielle de la vérité qui n’a pas son équivalent ailleurs. Le tribunal est alors une certaine détermination civilisationnelle du foyer du sens démocratique (cf. John Ford :Vers sa destinée. Le jeune A. Lincoln. La refondation de la société étasunienne est indissociable du tribunal où les faussaires sont démasqués). Inutile de chercher ailleurs les causes du primat de la philosophie du langage dans la philosophie anglo-saxonne. Rien de tel dans les pays latins, catholiques, où ne règne pas la culture de la preuve juridique, mais de
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l’aveu. C’est la raison pour laquelle, Foucault a consacré tant de pages à cette configuration. La situation de foyer du sens fut tout autre en Allemagne, en particulier entre les deux guerres : la communauté, puis l’expérience de l’extase après son effondrement, du fait de la défaite que l’Allemagne ne sut pas penser comme telle (Benjamin :Théories du fascisme allemand. A propos de l’ouvrage collectif Guerre et Guerriers,publié sous la direction d’E.Jünger, 1930), de l’industrialisation, de la crise monétaire et économique, etc. Cette expérience, paradoxalement, fut le matériau de la danse “moderne” chez Wigman, Laban et Gert et de la philosophie de Heidegger et de néo-heideggeriens français comme Lacoue-Labarthe ou J.L. Nancy. Le foyer du sens “moderne” est donc indissociable de sa mise en crise et de sa mise en scène, il se détache sur fond d’unité religieuse perdue (c’est toujours une dimension de la communauté antitechnique :Métropolis de F. Lang et Thea von Harbou, 1927). Et en France, à suivre Benjamin ? La fantasmagorie collective, matrice des idéologies modernes (Saint-Simon, Fourier, Grandville). Un cinéma de la masse pour la masse inarticulée ? Un cinéma de la perception de distraction ? On peut situer le lieu du foyer du sens chez Benjamin : c’est sans conteste l’expérience, qu’il a cherché au début à penser en termes kantiens, puis tenter, sur cette base de l’élargir à la théologie, à l’esthétique, au langage, jusqu’à inclure l’expérience des techniques d’image quand celles-ci sont devenues époquales. Cette expérience n’est pas subjective et quand elle est politique, elle est déterminée spatialement. Ou plus précisément, c’est celle d’un espace d’image où la sphère privée et la sphère collectives’interpénètrent selon des modes qu’il exemplifie : théâtre Olympique de Vicenza, Naples, Paris, Moscou. Dans le cadre de son « matérialisme anthropologique » (« Le Surréalisme », p. 134, T. II,Œuvres complètes), les expériences politiques sont nécessairement urbaines et elles ont affaire à tel ou tel matériau : la représentation perspective pour la Renaissance italienne, la porosité napolitaine, la fantasmagorie parisienne, la transparence du verre de la modernité : « Vivre dans une maison de verre est, par excellence, une vertu révolutionnaire » (Le Surréalisme, p.118). Et il ajoute : « Cela aussi est une ivresse, un exhibitionnisme moral dont nous avons grand besoin. La discrétion sur ses affaires privées, jadis vertu aristocratique, est devenue de plus en plus le fait de petits-bourgeois arrivés. » C’est probablement là la limite de la philosophie de Benjamin, car l’expérience de ce matériau est tout sauf émancipatrice si l’on en croit Tati et son admirablePlay Time(1967).
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