Retour à l Ailleurs
148 pages
Français

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Retour à l'Ailleurs , livre ebook

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148 pages
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Description

Retour à l'Ailleurs marque une étape essentielle dans le parcours du photographe Armand Vial. Ni reportage nostalgique ni carnet de voyage aux réminiscences de cartes postales, ce travail a été réalisé dans l'espace clos de l'atelier. Il se présente comme un tissage de photographies et de textes, récit de la mémoire et de la quête de l'identité, où se mêlent le temps de l'enfance et celui de la photographie argentique. Cet Ailleurs originaire, perdu puis retrouvé, n'est autre que l'Algérie, pays de naissance de l'auteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 80
EAN13 9782296804685
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Retour à l’Ailleurs
Collection Vivre et l’écrire
dirigée par Pierre de Givenchy
(voir la liste des titres de la collection en fin d’ouvrage)


Du même auteur, chez d’autres éditeurs :

Prise de temps, suite de photographies précédée de cinq nouvelles , éd. du Palimpseste, 1983
Le Parc , éd. du Palimpseste, 1987
Mémoires argentiques , éd. du Palimpseste, 1987
Les chemins du retour, de Vézelay à Santiago de Compostela (Armand Vial, David Hykes, Luis Mizon), éd. du Palimpseste, 1990
La Magdeleine de Cahors (Armand Vial, Werner Lambersy), éd. Labor/Poteau d’Angle, 1997
Apostilles pour le Loiret , éd. du Palimpseste, 1999


Voyages , ouvrage de bibliophilie, J-J. Sergent imprimeur, 1988
Le Cantique des Créatures (Saint François d’Assise, photographies Armand Vial, traduction et Louanges Frédérick Tristan), ouvrage de bibliophilie, Bernard Foulquier, 1999
Pierres aïeules (livre objet)


© L’Harmattan, 2011
ISBN 978-2-296-54516-8
EAN 9782296545168

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Armand VIAL


Retour à l’Ailleurs


L’Harmattan
À mes parents et mon frère, dans le silence…,
À Éloïse, Julien et Florent, pour leur dire, avant qu’il ne soit trop tard…
À toutes celles et ceux, acteurs et témoins de ces années d’enfance qui, d’une façon ou d’une autre, sont présents dans ce livre et continuent de m’accompagner,
À cette terre d’Algérie, dans l’attente…

A. V.

« Il n’est pas à la beauté d’autre origine que la blessure, différente pour chacun, cachée ou visible, que tout homme garde en soi, qu’il préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde. »

Jean Genet
(L’atelier d’Alberto Giacometti)


« Le passé est un immense corps dont le présent est l’œil. »

Pascal Quignard
(Dernier Royaume - Sur le Jadis)
Sait-on vraiment comment travaille au plus intime de soi et durant longtemps la matière de ce qui deviendra peut-être, un jour, un livre ?

La barbarie d’un siècle finissant et celle de celui-ci déjà avancé sont venues, comme dans un miroir éclaté, se refléter par fragments orphelins dans une histoire personnelle.
Hommes égorgés, femmes violées, terres dévastées, enfants terrorisés et à jamais perdus à eux-mêmes et au monde.
Ces images d’un mythe aphone et ruisselant de sang ne pouvaient qu’éveiller l’écho d’autres images, enfouies et si présentes, des souvenirs brouillés d’une enfance fracturée flottant entre l’innocence supposée de la prime jeunesse et la conscience de la mort trop tôt aiguisée.
L’enfant s’ouvrant au monde a cueilli avec ravissement le soleil trop fort, l’ombre accueillante et la lumière aveuglante. Il a couru sur les chemins poussiéreux et joué avec la mer mythique.
Cet enfant a aussi découvert la chair et la saveur des fruits, le plaisir sauvage du jus qui coule sur les joues et les mains. Il a regardé aussi avec étonnement et curiosité les jeunes filles et les femmes, parfois devancées par un âne, revenant du marché, le grand panier d’alfa posé sur leur tête.
Si dans cette réminiscence l’école prend une grande importance, c’est qu’elle fut toujours le point nodal, le centre du monde, le Lieu par excellence, débordant par son ambivalence : à la fois le lieu de l’ouverture et de l’éveil mais aussi celui de la protection et du repli, le lieu que rien ne pouvait atteindre, en théorie du moins, tant il était en quelque sorte, et dans sa dimension laïque, sacralisé par une longue tradition républicaine et humaniste.
Il convient de préciser que les parents de cet enfant, mes parents donc, comme beaucoup d’autres exercèrent là-bas, en Algérie, plus que leur métier : leur belle et noble mission d’enseignants.
Dans le dénuement le plus complet, le même de fait que celui des populations autochtones, ils ont enseigné dans toutes les régions de l’Algérie, pratiquement toujours, selon l’expression consacrée, dans le bled.
Rien d’étonnant à ce que mon père, provençal depuis peu ici, et ma mère « pied noir » née à Constantine aient croisé un jour sur leur chemin les traces d’une autre passionnée, Germaine Tillion, ethnologue à l’origine de la création des Centres Sociaux Éducatifs. Utopie généreuse digne de tous les engagements, de tous les sacrifices, de tous les risques. Germaine Tillion qui proclamait : « On fait évoluer un individu ou une population à la condition d’accroître son revenu et d’élever son niveau de culture. »
Les années ont passé. Vite, trop vite est-il besoin de le dire ? Elles m’ont dépassé.
En 1960, de retour dans la « Métropole » en ce qui concerne mon père, et arrivés dans un pays que nous ne connaissions que durant les vacances d’été, pour ma mère, mon frè re et moi, il nous fallut apprendre à vivre autrement, inventer un autre temps, d’autres lieux, enfouir une part de nous-mêmes dans l’obscurité.
Les cauchemars m’ont très longtemps poursuivi, jetant un voile de mélancolie et d’appréhension sur des aubes trop souvent grises.
Un jour de ciel vide et d’âme brouillée, de lente dérive, regardant la Loire couler à Orléans au pied du Pont Royal, le désir de laisser enfin remonter à la lumière les images que je portais en moi et ainsi de m’en délivrer, devint une injonction à laquelle je devais répondre sans plus de délai.
………
Le songe de la grenade
Octobre 1999.
Orléans, place de la Bascule.
Vendredi, jour de marché.
Une grenade.
La Loire est un oued improbable qui n’en finit pas de rouler dans ses flots alanguis bois morts et lambeaux de mémoire entremêlés.
Une grenade à peine mûre. Ici. Une incongruité exotique, un défi silencieux, le rappel d’un éclat lointain, enfoui, nocturne.
Soudain cette nécessité, cette évidence, cette urgence irraisonnée. Photographier la grenade.
Pour la cérémonie de la photographie de la grenade, sortent du bric-à-brac qui ne cesse d’encombrer la petite cour blanche de la maison, le morceau de bois rongé, vestige d’une vieille étagère et l’auge de fer mangée par le ciment et la rouille.
Les paysages reprennent forme, se construisent.
Le monde s’organise dans sa vérité. Le monde alors est cet espace qui unit la grenade et le photographe.
Ma mémoire enfermée dans une grenade. Cette grenade.
Alors, qui en appelle à la présence des figues ?
Portrait. Paysage. Nature morte : Auto-portrait.
Le songe de la grenade. Les souvenirs d’une enfance délestés de leur pesanteur événementielle, épurés. Un éveil aux mystères du monde, à ses forces profondes.
L’ombre et la lumière. L’érotisme et la mort.
Il faut peut-être vieillir sans reniement pour s’élever au-dessus du noir et blanc et trouver dans la gamme des gris subtils cette volupté essentielle, légère, cette lumineuse ouverture sur l’infini.
………
Ayant fait l’achat de quelques-uns de ces fruits, je revins en toute hâte à l’atelier, de peur que trop de temps ne s’écoule encore. Ce que je sentais naître de manière confuse risquait, j’en avais une nette conscience, de se déchirer et de disparaître à jamais.
Dans un état de violente tension je préparai le matériel, disposai ce qui allait constituer mes « vanités » et photographiai la grenade, la grenade et les figues. La lumière de ce jour d’octobre se fit alors belle, douce, légère et enveloppante. Le lendemain je tirai ces photographies un peu comme si la mort rôdait par là.
Éloïse, ma fille fut la destinataire de ces photographies.


Le moment était donc venu pour moi de me dire (à moi).
Le moment était venu de dire et de transmettre.
Si le « pouvoir dire » avait enfin rencontré son lieu et son moment, le « comment le dire », lui, après l’irruption des grenades, est demeuré quelque temps la question posée au photographe.
Il est vrai que l’approche initiale des sept compositions aux grenades constituait un ensemble déjà complexe, avec ses objets et ses signes, ses lu

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