Selfie
174 pages
Français
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Description

Il est devenu commun de considérer le selfie comme un autoportrait photographique. . Et pourtant, le passage du self-portrait au selfie révèle un nouveau regard photographique. L'image de soi devient alors dialogique et permet au Petit Poucet 2.0 que nous sommes de garder la trace de lui-même dans un présent menacé. Face à un futur apocalyptique, le selfiste se vérifie. Cet essai se propose d'analyser l'obsession de rester avec soi à travers les trois grands moments photographiques que furent l'apparition de Kodak, du Polaroïd et du smartphone.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2016
Nombre de lectures 10
EAN13 9782140007965
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bertrand Naivin
Selfie Un nouveau regard photographique
Série Photographie Collection Eidos
Préface de Serge Tisseron
Selfie Un nouveau regard photographique
ème Ce livre est le 79 livre de la
dirigée par François Soulages & Michel Costantini Comité scientifique international de lecture Argentine(Silvia Solas, Univ. de La Plata), (Alberto Olivieri, Univ. Fédérale de Bahia,),Bulgarie(Ivaylo Ditchev, Univ. de Sofia St Clément d’Ohrid),Chili(Rodrigo Zuniga, Univ. du Chili, Santiago),Corée du Sud(Jin-Eun Seo (Daegu Arts University, Séoul),Espagne(Pilar Garcia, Univ. Sevilla),France(Michel Costantini & François Soulages, Univ. Paris 8),Géorgie(Marine Vekua, Univ. de Tbilissi),Grèce(Panayotis Papadimitropoulos, Univ. d’Ioanina),Japon(Kenji Kitamaya, Univ. Seijo, Tokyo),Hongrie(Anikó Ádam, Univ. Pázmány Péter, Egyetem),Russie(Tamara Gella, Univ. d’Orel),Slovaquie(Radovan Gura, Univ. Matej Bel, Banská Bystrica), Taïwan(Stéphanie Tsai, Unv. Centrale de Taiwan, Taïpei) Série RETINA3 François Soulages (dir.),La ville & les arts11 Michel Gironde (dir.),Les mémoires de la violence 12 Michel Gironde (dir.),Méditerranée & exil. Aujourd’hui13 Eric Bonnet (dir.),Le Voyage créateur 14 Eric Bonnet (dir.),Esthétiques de l’écran. Lieux de l’image 17 Manuela de Barros,Duchamp & Malevitch. Art & Théories du langage 18 Bernard Lamizet,L'œil qui lit. Introduction à la sémiotique de l'image 30 François Soulages & Pascal Bonafoux (dir.),Portrait anonyme 31 Julien Verhaeghe,Art & flux. Une esthétique du contemporain 35 Pascal Martin & François Soulages (dir.),Les frontières du flou36 Pascal Martin & François Soulages (dir.),Les frontières du flou au cinéma37 Gezim Qendro,Le surréalisme socialiste. L’autopsie de l’utopie38 Nathalie ReymondÀ propos de quelques peintures et d’une sculpture39 Guy Lecerf,Le coloris comme expérience poétique40 Marie-Luce Liberge,Images & violences de l'histoire41 Pascal Bonafoux, Autoportrait. Or tout paraît42 Kenji Kitayama,L'art, excès & frontières43 Françoise Py (dir.),nreomedso-ttrpàmealnimaiséruD 44 Bertrand Naivin,Roy Lichtenstein, De la tête moderne au profil Facebook 48 Marc Veyrat,La Société i Matériel. De l’information comme matériau artistique, 1 49 Dominique Chateau,Théorie de la fiction. Mondes possibles et logique narrative 51 Patrick Nardin,Effacer, Défaire, Dérégler... entre peinture, vidéo, cinéma e 55 Françoise Py (dir.),siècleMétamorphoses allemandes & avant-gardes au XX 56 François Soulages & Sandrine Le Corre (dir.),Les frontières des écrans 58 François Soulages & Alejandro Erbetta (dir.),Frontières & migrationsAllers-retours géoartistiques & géopolitiques 60 François Soulages & Aniko Adam (dir.),Les frontières des rêves 61 M. Rinn & N. Narváez Bruneau (dir.),L’Afrique en images.62 Michel Godefroy,Chirurgie esthétique & frontières de l’identité 63 Thierry Tremblay,Frontières du sujet. Une esthétique du déclin 64 Stéphane Kalla Karim,Les frontières du corps & de l'espace. NewtonSuite des livres publiés dans la CollectionEidosà la fin du livre Publié avec le concours de
Bertrand Naivin
Selfie Un nouveau regard photographiquePréface de Serge Tisseron
Du même auteur « On ne devrait jamais traduire une chanson pop »,dans François Soulages (dir.),Les Frontières des langues, Paris, L’Harmattan, coll.Eidos, série RETINA, 2016. Lichtenstein, de la tête moderne au profil Facebook,préface de Paul Ardenne, Paris, l’Harmattan, coll.Eidos, série RETINA, 2015. Corps abstrait ou la représentation du corps dans le PopArt américain,Éditions universitaires européennes, 2012. © L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08777-1 EAN : 9782343087771
Préface Le selfie, ou la vérité en photographie L’ouvrage que le lecteur va lire consacre une rupture. Celle-ci ne concerne pas, comme on pourrait d’abord le croire, deux pratiques de la photographie : l’une, traditionnelle, qui participerait à la construction de la mémoire individuelle et collective, et une autre, dite « postmoderne » qui finirait par dissoudre l’identité à force de selfies. La rupture que Bertrand Naivin consacre ici concerne deux discours sur la photographie. Le premier a dominé pendant un siècle et demi le monde intellectuel et médiatique. Il consistait à voir dans la photographie une pratique funèbre guidée par le désir d’arrêter le temps, et pour cela facilement identifiée à une lutte contre la mort digne des pratiques de momification de l’ancienne Égypte. Ce discours, assommant à force d’être répété, a failli en faire oublier un autre, celui que tant de photographes se tenaient à eux-mêmes en secret, parfois honteux de vivre leur pratique aux antipodes de ce qu’ils pouvaient lire dans les ouvrages consacrés à la photographie. Et pourtant ils avaient raison. Ils avaient raison de penser que faire de la photographie est à la fois un amusement et une mise au monde. Bref l’exact opposé du travail de croque-mort où la pensée officielle de la photographie voulait les enfermer. Pour avoir été le premier à faire entendre explicitement cette petite voix souterraine et à exalter le goût du jeu et de
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l’exaltation du vivant à l’œuvre dans tout acte 1 photographique (ce qui me valut une ignorance de la part du monde universitaire heureusement compensée par l’enthousiasme viral d’un bon nombre de photographes), je me réjouis de l’ouvrage que le lecteur va lire. Il n’y trouvera en effet plus rien des poncifs morbides qui ont empoisonné la réflexion, et hélas aussi parfois la pratique de la photographie pendant un siècle. Mais que s’était-il donc passé pour qu’on en arrive là ? La culture du livre qui était celle des universitaires qui se sont penchés sur la photographie tout au long du ème XX siècle les empêchait d’y rien comprendre, ou plutôt les condamnait à n’en comprendre que la moitié, et justement celle que l’évolution technologique contribuait à réduire rapidement comme une peau de chagrin, à tel point que leur discours ressassé s’éloignait de plus en plus de la réalité. Car l’idée que la photographie était une façon d’arrêter le temps n’était pas fausse en soi, mais elle ignorait que cela ne constituait que la première étape d’un processus qui en comporte deux, le second étant de remettre en route ce qui a été provisoirement arrêté, et de retrouver, grâce aux pouvoirs du visuel, l’ensemble des sensations, des émotions et des états du corps attachés à la situation initialement photographiée. Tout juste pourrait-on reprocher à Bertrand Naivin de ne pas suffisamment souligner à quel point son travail consacre, dans le monde universitaire, cette rupture. Est-ce par modestie ? Il ne fait hélas en cela que participer à une maladie commune des sciences humaines. A la différence des sciences dites « dures », celles-ci peinent à articuler les ornières et les impasses qui la jalonnent en les situant dans une histoire des idées. Peut-être parce qu’elles craignent par là de révéler à quel point leurs fondements sont parfois plus idéologiques que scientifiques… Elles ont tort, car il en est exactement de même dans le cas des sciences dures ! À 1  Voir Serge Tisseron, « L’image funambule ou la sensation en photographie » in B. Plossu et S. Tisseron,Nuage/Soleil, Paris, Marval, 1994. EtLe mystère de la chambre claire(1996), Paris, Champs Flammarion, 1999.
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chaque grande découverte nouvelle correspond souvent une période de glaciation de la pensée pendant laquelle des découvertes nouvelles et contradictoires sont tout simplement ignorées, avant que cette cécité ne soit le fait et permettent de nouvelles avancées. Et l’instamatic fut Alors que tant d’auteurs voient les pratiques numériques comme une rupture radicale en leur appliquant le terme galvaudé de « révolution », Bertrand Naivin s’emploie au contraire à relever ce qui les relie aux pratiques traditionnelles. L’invention par Kodak, dès le début du ème XX siècle, de boîtiers petits et maniables a en effet engagé le photographe dans un rapport nouveau à la prise de vue, aux images, et même à la façon d’être au monde. Car, comme le rappelle Bertrand Naivin en plaçant ses pas dans ceux de la médiologie, toute nouvelle technologie de la représentation suscite une relation nouvelle de l’être non seulement aux images qu’il fabrique, mais aussi à lui-même et au monde. Dès le lancement du Kodak Instamatic et de son slogan fameux « Appuyez sur le bouton, nous ferons le reste », l’acte de photographier exalte le goût de l’instantané, de l’expérimentation et du jeu. Ce rapport nouveau à la photographie est prolongé, dans les années 1960, par le succès du Polaroid, puis, trente ans plus tard, par la généralisation des appareils en plastique « jetables », peu coûteux, légers et maniables. Et c’est ce même mouvement qui trouve aujourd’hui son point (provisoirement ?) culminant avec le téléphone mobile. Reconnaissons en effet que cela n’a jamais été aussi facile. La technologie numérique a introduit trois révolutions majeures : tout d’abord elle a créé la possibilité de voir immédiatement le résultat de chaque prise de vue mieux encore qu’avec le Polaroid ; ensuite elle a libéré la pratique photographique de l’obligation de payer pour chaque image comme c’était le cas avec l’argentique comme avec le Polaroid ; enfin, elle a inversé le rapport de la
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photographie à l’acte de voir, comme en témoignent, dans chaque grand événement collectif, les innombrables mains dressées brandissant un téléphone mobile au dessus de la tête de leur propriétaire dans l’espoir de capturer l’image de ce que la foule cache : on ne photographie plus ce que l’on voit, on photographie pour voir, et bientôt pour se voir. Mais ces bouleversements sont moins des innovations que des généralisations. La photographie est dès l'origine un double pont lancé entre passé et avenir d'un côté, et entre réalité et fiction de l'autre. Malheureusement, le monde qui la vit naître était incapable de reconnaître cette nature complexe et contradictoire. Ce monde - celui ème du XIX siècle - était en effet dominé par la culture du livre. Or, dans une telle culture, les contraires s’excluent et rien ne peut être à la fois une chose et son opposé. La photographie devait donc choisir son camp. Être d’un côté ou bien de l’autre, sans jamais pouvoir se revendiquer des deux, ni dans la tension entre mort et vie, ni dans celle entre témoignage et fiction. Les images, tout comme les textes, devaient être « pour de vrai » ou « pour de faux », et nous parler soit du passé soit de l’avenir. Il en a résulté une double réduction. D’un côté, le rapport de la photographie au passé, à l’enfermement et à la mort a été hypertrophié jusqu’à faire oublier qu’on n’enferme un jour des images que pour les développer plus tard, occultant du même coup son lien à l’avenir. Et d’un autre côté, sa valeur de témoignage de ce « qui a été » a fait ignorer la part de fiction qui l’habite. La photographie s’est donc trouvée rangée du côté du témoignage d’un passé qui ne reviendra jamais, de telle façon que ses rapports à la fiction, à l’anticipation et à la vie s’en sont trouvés durablement passés sous silence. Le moment est maintenant venu de rétablir cette complexité, d’autant plus que c’est elle, et elle seule, qui nous permet de comprendre la relation particulièrement riche qu’entretiennent les pratiques contemporaines comme les selfies avec les plus traditionnelles.
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Tout d’abord, si toute photographie donne à voir un mouvement qui s’est arrêté, c’est parce que notre imagination a le pouvoir de le remettre en route. Ce mouvement arrêté n’est pas une mort, et encore moins un embaumement, il est littéralement une suspension... avant une reprise. Et rien ne l’illustre mieux que le selfie : à la fois pose et pause, pose au service d’une construction de l’image de soi, tout autant que pause entre deux moments d’action sur le monde. Quant à l’idée que la photographie doit forcément se situer dans ce rapport à la réalité ou bien à la fiction, elle a été balayée par le formidable développement de la réalité virtuelle, plus justement appelée aujourd’hui virtualité réaliste. Les technologies numériques fabriquent aujourd’hui couramment ce que l’on appelle une réalité mixte, qui n’est ni absolument réelle, ni absolument fictionnée, mais toujours tendue entre ces deux pôles. Du coup, la photographie peut enfin s’imposer pour être ce qu’elle a toujours été : une illusion construite dans un va-et-vient entre réalité et fiction ou, si on préfère, entre la réalité objective et cette autre forme de réalité que sont les images intérieures du preneur d’images. Ce statut mixte est même précisément désigné dans la culture numérique par l’expression de « réalité mixte ». Ce n’est pas le moindre paradoxe du numérique que d’avoir libéré la photographie argentique d’un carcan idéologique qui l’empêchait d’en penser l’originalité ! La photographie propose une réalité mixte depuis les origines, parce que la réalité et la fiction s’y entremêlent d’une façon impossible à départager. Le numérique n'a fait que révéler cette vérité cachée depuis les origines, et les selfies, indissociablement mises en scène de soi et tranches de vie, en sont l’exaltation triomphante.
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