Henry Bauchau, une écriture en résistance
172 pages
Français

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Henry Bauchau, une écriture en résistance , livre ebook

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Description

Parler d'une "écriture en résistance" à propos d'Henry Bauchau revient à mettre au jour deux éléments qui constituent le ressort intime de son travail de créateur : d'une part, la résistance intérieure à l'écriture dont a toujours souffert l'écrivain, et d'autre part, l'émergence de personnages inscrits dans l'ordre d'une "poétique du non", par quoi ils refusent toute compromission, ainsi que d'autres figurations littéraires de la force réfractaire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2007
Nombre de lectures 69
EAN13 9782336283180
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COLLECTION « STRUCTURES ET POUVOIRS DES IMAGINAIRES »
Dirigée par Myriam Watthee-Delmotte et Paul-Augustin Deproost
Les sciences humaines soulignent aujourd’hui l’importance des imaginaires, c’est-à-dire du réseau interactif des représentations mentales nourri par l’héritage mythique, religieux et historique et par l’expérience vécue. Constamment réactivé dans les productions culturelles, ce réseau constitue un système dynamique qui se superpose au réel pour lui octroyer des structures signifiantes au niveau de l’interprétation individuelle et collective. Ces structures sont souvent cryptées et leur pouvoir de mobilisation est d’autant plus fort qu’elles restent en deçà du niveau de conscience ; leur analyse permet de comprendre la force de conviction des images utilisées dans les stratégies politiques, commerciales, etc. Contrairement aux représentations fixes, les imaginaires visent un réseau sémantique interactif : l’adaptabilité des structures de l’imaginaire à différents contextes explique sa puissance de façonnage du réel.
L’objectif de cette collection est de rendre compte des travaux développés dans le Centre de Recherche sur l’Imaginaire de l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve), qui a pour spécificité d’aborder cette problématique dans une perspective systémique : il rapproche à cet égard les champs de l’antiquité (qui interroge les sources, notamment mythiques, et en propose une typologie) et de la modernité (qui porte la trace des permanences et des mutations des imaginaires), et fait se croiser les domaines de la littérature et des arts (lieux d’ancrage prioritaires des imaginaires dans des structures décodables) avec l’histoire (qui témoigne des formes d’efficacité des imaginaires dans le réel). Ce champ d’investigation se trouve renforcé par les travaux de chercheurs en théologie, psychologie de la religion et philosophie.
Les auteurs qui publient dans la collection sont responsables de leurs textes et des droits de reproduction y afférents.
Sommaire
COLLECTION « STRUCTURES ET POUVOIRS DES IMAGINAIRES » Page de titre Page de Copyright REMERCIEMENTS Epigraphe ÉCRIRE / ADVENIR I - L’ÉCRITURE CHAMP DE BATAILLE
DE L’AFFRONTEMENT AU DÉTOUR L’ART DE NARRER : - POÉTIQUE ET HISTOIRE
II - FIGURES DE LA RÉSISTANCE
TRAÎTRISE ET RÉSISTANCE : - LES PARADOXES D’UNE RELATION POUR UNE POÉTIQUE DU NON LES EAUX RESISTANTES L’AMBIGUÏTÉ ANIMALE : - DES MÉTISSAGES LIBÉRATEURS LA LANGUE PRISE AU CORPS
Henry Bauchau, une écriture en résistance

Olivier Ammour-Mayeur
www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2006
9782296024663
EAN : 978-2-296-02466-3
9782296024663
REMERCIEMENTS
Ce livre n’aurait jamais vu le jour sans Myriam Watthee-Delmotte qui en a sollicité la rédaction et m’a permis de travailler dans des conditions idéales lors de mon séjour à l’Université de Louvain-la-Neuve. Qu’elle en soit chaleureusement remerciée, de même que pour sa confiance sans faille.
Merci aussi aux membres de l’équipe de l’Action de Recherche Concertée « Héroïsation et questionnements identitaires en Occident », dont l’accueil fut si dynamisant.
Surtout, qu’Henry Bauchau trouve ici une marque supplémentaire de mon amitié, pour l’accueil sans réserve qu’il a bien voulu accorder à mon travail depuis le début, ainsi que pour le dessin de couverture de cet ouvrage.

Cet ouvrage est publié grâce au financement accordé pour les « Actions de Recherches Concertées (ARC) » par la Direction générale de l’Enseignement non obligatoire, Direction de la Recherche scientifique, de la Communauté française de Belgique.
Pierre [...] est sans armes et je le suis avec lui. Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais j’en ressens la honte. Les mots, l’armée des mots va son petit chemin de larmes. Ici le coeur tombe en arrêt : Ce n’est pas moi, c’est Pierre qui est sans armes. Je peux me défendre et même attaquer par l’écriture.
Henry BAUCHAU
Et si l’on me demande ce que j’ai “voulu dire”, je réponds que je n’ai pas voulu dire mais voulu faire, et que c’est cette intention de faire qui a voulu ce que j’ai dit.
Paul VALÉRY
Le monde n’est qu’une tablette d’argile sur laquelle le poète grave l’ombre de son dédale intérieur.
Geneviève HENROT
ÉCRIRE / ADVENIR
“Il a dit oui à la création” (J. AMROUCHE). Cette parole n’est pas de celles qu’on accepte ou refuse sans combat.
Henry BAUCHAU

La mythographie positiviste du XIX ème siècle a imposé l’idée que la pensée occidentale s’est fondée dès l’Antiquité tardive, et de façon systématique, sur un jeu opposant muthos et logos . Les liens entre les deux pôles s’appuyant sur une vision dichotomique des relations des êtres aux choses, il est resté peu de place pour que du tiers s’immisce dans l’entre-deux, jusqu’à ce que l’ère dite de la post-modernité dans l’après Seconde Guerre mondiale redistribue la donne. La perception du monde est fortement transformée dès le tournant de la Première Guerre et remet en jeu tout ce qui a jusqu’alors permis de concevoir l’être humain inscrit dans l’esprit « évolutionniste » 1 de la modernité du siècle précédent. La métamorphose du regard que porte l’Occident sur sa culture devient radicale avec la fin du second conflit mondial et l’expérience des camps de la mort. Ces modifications profondes se répercutent alors sur les Sciences Humaines et la littérature. Les moyens de guerre étant aussi profondément renouvelés, ils entraînent une remise en cause radicale de la conception du « héros » :

Du point de vue des modalités, les catégories descriptives sont anéanties par les traumatismes de guerre : le poilu de 14-18 comme le résistant de 40-45 sont des hommes qui se terrent et dont l’action n’est jamais que défensive ; les martyrs ne sont plus transpercés par le fer d’un ennemi courageux qui fait face mais déchiquetés par les obus ou réduits à la déshumanisation dans les camps de la mort. Dans ce contexte, si grandeur il y a, ce ne peut être que celle de la lucidité à l’égard de la faiblesse humaine et celle de la ténacité : il s’agit seulement de “tenir”, de survivre malgré l’absurdité et l’horreur 2 .
Henry Bauchau, né en 1913 mais écrivain tardif dont l’œuvre proprement dite émerge au milieu du XX ème siècle, est singulièrement représentatif d’un travail d’écrivain se situant dans ce mouvement de remise en cause. Opposant et nouant tout à la fois muthos et logos , « écriture d’une aventure » de la modernité littéraire et « aventure d’une écriture » 3 de la post-modernité, cet écrivain francophone est l’un de ceux dont le travail relance à nouveaux frais une interrogation sur le monde autant que sur les enjeux de l’écriture. Articulant les deux registres narratifs à la fois, son travail scripturaire n’appartient véritablement ni à l’un ni à l’autre et parvient ainsi à (se) jouer des deux. Ce qui, du même geste, provoque un déplacement de leurs principes constituants, devenus canoniques dans les deux cas. La force du corpus bauchalien réside là, dans le travail des interstices narratifs. Mais c’est sans doute aussi ce qui a pu brouiller la lecture de l’œuvre, empêchant, pour un temps, qu’elle ne soit étudiée à sa juste mesure.
En effet, il a fallu laisser le temps faire son œuvre, afin que l’écrivain commence à recevoir une attention accrue et non plus cantonnée à de petits cercles d’estime, comme il l’a lui-même souligné à diverses occasions. Aujourd’hui, il semble possible, par lecture rétroactive, de mieux saisir pourquoi son travail n’a émergé que lentement sur la scène littéraire. D’une part, l’œuvre, qui débute par la poésie mais surtout avec la pièce Gengis Khan puis le récit d’autofiction La Déchirure , ne correspond pas aux « critères » novateurs qui commencent à se faire jour au sortir de la Seconde Guerre mondiale et qui contribuent à mettre sur le devant de la scène littéraire des « groupes » 4 comme ceux du Nouveau Roman et de l’Oulipo (pour ne citer que les deux plus marquants des années 45-80) ; d’autre part, elle cultive une voix différente des romans traditionnels à visée téléo logique, elle n’est donc pas davantage reconnue par le cénacle des romanciers plus conventionnels.
Pour suivre, en la déplaçant, la métaphore du tissage textuel, employée par Myriam Watthee-Delmotte, à propos de l’œuvre d’Henry Bauchau 5 , on peut affirmer que ses ouvrages se construisent sur les intrications entre fils de chaîne d’un récit qui se veut conteur, au sens habituel du terme, et fils de trame d’un phrasé déconstructeur qui, subrepticement mais résolument, ménage des discontinuités textuelles à caractère disruptif et provoque ainsi des aberrations narratives vis-à-vis de la chaîne du récit. L’alliance ainsi nouée, entre récits conteurs, parfois à caractère épique 6 , et enjeux scripturaires relevant d’une voix aux accents post-modernes 7 , rappelle à sa façon la pensée du métissage, où des éléments hétérogènes mis en rapport ouvrent sur des interrelations + n à l’infini. Pour reprendre la définition de François Laplantine et Alexis Nouss, le métissage, sorti des carcans de la pensée binaire, ouvre la réflexion au multiple mais aussi, d’une certaine façon, à la question de la « bâtardise » :

[Le métissage] n’existe que dans l’extériorité et l’altérité, c’est-à-dire autrement, jamais à l’état pur, intact et équivalent à ce qu’il était autrefois. [Il est] identité et altérité entremêlées, y compris avec ce qui refuse le mélange et cherche à démêler [...]. Il est le sens et le non-sens entrelacés 8 .
Le métis qui n’existe « jamais à l’état pur » se rapproche du bâtard 9 du fait que l’un comme l’autre sont issus d’une origine impure, dont la lignée ne s’inscrit pas dans le sillon d’une continuité sans mélange des milieux auxquels ils se rattachent de façon accidentelle voire, davantage, équivoque. Chacun à sa façon, selon des perspectives proches, bouleverse l’ordre des choses et celui du monde dans lequel il vient perturber les hiérarchies sociales et les géné

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