Histoire des artistes noirs du spectacle français
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Histoire des artistes noirs du spectacle français , livre ebook

-

166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

A la fin XXe siècle, des artistes noirs commencent à se produire dans le spectacle français. Ils s'inscrivent dans le dialogue entre les cultures et dans le questionnement du système républicain universaliste. Le Clown chocolat, Habib Benglia, Féral Benga, Joséphine Baker en sont quelques exemples. Quelle est la situation des artistes noirs de France, leur traitement médiatique et artistique, leur insertion professionnelle ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 39
EAN13 9782296494558
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Histoire des artistes noirs du spectacle français
Nathalie Coutelet




Histoire des artistes noirs du spectacle français

Une démocratisation multiculturaliste







L’HARMATTAN
Du même auteur

Le théâtre populaire de Firmin Gémier, Sarrebruck, Editions Européennes, 2010.

Firmin Gémier, le démocrate du théâtre, Montpellier, L’Entretemps, coll. « Champ théâtral », 2008.


























© L'HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96228-6
EAN : 9782296962286
A Ibou et Dibor
REMERCIEMENTS
J’ai croisé Habib Benglia pour la première fois lors de mes travaux sur Firmin Gémier, l’un des metteurs en scène qui l’a fait travailler au Cirque d’Hiver, puis à la Comédie-Montaigne et à l’Odéon. Ce fait m’avait marquée et j’ai pu, en particulier grâce à ses filles, Myriem et Marie-Christine, développer mes recherches sur son incroyable carrière. Qu’elles soient ici remerciées de la confiance témoignée et des précieux renseignements fournis.
Gémier a aussi été à l’origine de ma rencontre avec le clown Chocolat, qu’il a engagé pour jouer une pièce au Théâtre Antoine. A partir de Benglia, je me suis intéressée à d’autres artistes, grâce notamment à la curiosité et à l’enthousiasme de mes étudiants de l’Université Paris 8, lors des cours que j’ai pu donner sur cette thématique.
Enfin, sur l’étude de Feral Benga, j’ai eu la chance de rencontrer James Carlès, qui s’est penché sur les pionniers de la danse « noire », aux Etats-Unis et en France. La confrontation entre mes études théoriques et son œuvre chorégraphique a été très intéressante et enrichissante.
INTRODUCTION
Il pourrait paraître étrange d’associer l’étude des premiers artistes noirs au thème de la démocratisation, plus souvent lié aux combats et réalisations de théâtre populaire ou citoyen. Pourtant, l’histoire de ces artistes offre, au premier regard, une communauté avec celle du théâtre populaire : tout d’abord, le caractère de pionniers, en ce début du XX e siècle, qui rappellent ceux de la démocratisation du spectacle. Ensuite, elle dénote une ouverture à l’Autre, constitutive du concept même de démocratisation. L’ouverture ne doit pas se faire qu’au sein du public, mais encore au sein même des artistes et des personnages dramatiques. Enfin, elle révèle un état de la société française, le sort des artistes noirs étant particulier tant dans la façon dont le public et la critique les abordent que dans celle dont ils sont employés au théâtre.
La démocratisation du spectacle implique la création d’un théâtre comme espace public, qui réunit des hommes, au-delà de leurs disparités et les assemble en communauté. Dès lors, la condition des artistes noirs, reflets des groupes ethniques de métropole, des colonies françaises comme des communautés afro-américaines, constitue un élément de cette démocratisation ; elle pose la question de l’attitude d’une société vis-à-vis d’un membre du corps social et celle de l’art vis-à-vis d’un genre d’artistes qui n’avaient, a priori , que leur couleur pour les différencier. Dans la sphère sociale comme dans la sphère artistique, la démocratisation est à l’œuvre, est en devenir au sujet des comédiens noirs. Si, au spectacle, on vient chercher à la fois un bien culturel et un sentiment d’appartenance à la communauté, alors l’intégration de comédiens noirs constitue l’une des tâches herculéennes de la démocratisation du théâtre.
En effet, la notion de citoyenneté eut quelques difficultés à s’accommoder de la présence d’éléments hétérogènes – tout du moins perçus comme tels – issus des colonies ; la subsistance d’une prétendue supériorité ontologique du Blanc sur le Noir rendait cette insertion délicate. L’altérité, immédiatement visible dans la présence de ces corps noirs, résiste à l’incorporation au sein de la communauté. Représenter des personnages noirs, joués par des comédiens noirs, produit une forme de reconnaissance de leur existence et de leur – théorique – égalité de droits en tant que citoyens. Autant de problèmes posés par la question coloniale, soutenue par le camp républicain, promoteur de la démocratisation théâtrale 1 .
L’émergence du courant dit des « Indigènes de la République » souligne avec force le lien entre colonisation et système républicain, entre « question noire » 2 et démocratisation. Transformé en parti politique, il démontre l’urgence de la réflexion sur la communauté nationale, sa diversité et les discriminations dont sont victimes certains groupes. Sans vouloir prendre parti dans ce débat controversé, nous ne pouvons que constater que le multiculturalisme constitue un sujet épineux dans la doctrine républicaine. Mais encore que les artistes noirs, représentants en quelque sorte des populations noires sur le sol français en général, apportent un angle particulier à la démocratisation du spectacle – et à la démocratie tout court.
L’histoire des artistes noirs sur la scène française rejoint aussi les débats sur le théâtre populaire sur la notion de l’Autre. L’étranger peut être celui qui ne se rend pas au spectacle, qui manque de culture ou possède une autre culture, comme celui qui est, physiquement, différent. Que des promoteurs de la démocratisation s’intéressent aux artistes noirs semble donc cohérent avec la volonté d’embrasser d’autres cultures : celles des cultures dominées en France ou « sous-cultures » comme celles des pays étrangers. L’idée n’est d’ailleurs pas de gommer toutes ces différences, mais de les unir afin de former, en quelque sorte, une « sur-culture » 3 .
Gémier, fondateur de la Société Universelle du Théâtre, avait perçu avec acuité, dès 1926, que l’avenir du théâtre, de l’art en général, résidait dans l’ouverture aux autres cultures, aux autres traditions et que le protectionnisme ne présageait rien de bon, tant sur le plan artistique que sur le plan politique 4 . Les Congrès et Festivals de la SUDT ont tenté d’établir cette « Internationale du Théâtre », ouverte aussi au cinéma, à la radio, à la danse, à l’art lyrique, aux arts plastiques. Ils ont accueilli les prestations de divers pays, conscients que ces échanges constituaient un enrichissement mutuel capable de faire progresser l’art. On y retrouve l’éthique artistique chère au théâtre populaire, la notion d’humanité commune, de fraternité qui doit lier tous les hommes à travers le monde.
Les comédiens noirs présentent la même possibilité pour le spectacle français du début du XX e siècle, même si leur valeur n’a pas toujours été reconnue, ni leur talent employé à bon escient. Dès la fin du XIX e siècle, la question du mélange des cultures, des membres de la communauté – donc du rapport à l’altérité – est posée. Si l’on pense à la révélation des danses balinaises 5 pour Antonin Artaud lors de l’Exposition coloniale de 1931, on verra immédiatement à quel point les traditions issues d’autres cultures, qui commencent à investir la scène française, ont pu nourrir l’art hexagonal. Ces grandes expositions, lancées au XIX e siècle, sont des modèles d’anthropocentrisme qui montrent les divers peuples et leurs coutumes pour mieux vanter la civilisation, c’est-à-dire européenne. Mais on ne peut ignorer qu’elles furent fréquentées par un public très varié et très nombreux, qui prenait ainsi contact avec des formes artistiques à l’opposé des pratiques occidentales. L’art évolue ainsi au contact d’autres formes et il évolue pour ainsi dire sous les yeux mêmes de cette majorité que l’on tente désespérément d’atteindre par la démocratisation du spectacle. Certes, le promeneur du dimanche n’eut vraisemblablement pas conscience de l’incroyable beauté des danses, des chants, des saynètes qu’il a pu observer, mais le contact a été noué.
Les musiciens noirs ont bénéficié, avec l’engouement pour le jazz, d’une représentation très forte. Les comédiens, danseurs, clowns sont plus discrets, tout du moins rares sont ceux qui sont parvenus à une notoriété, en dépit de leur pr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents