Homme de main

Cédric Mayence

Description

Et donc, le boulot de Tito c'était de se promener autour de toutes ces merveilles, l'arme en bandoulière. Il avait un peu tâtonné au début, le rythme de ses pas ne s'accordait pas bien à la distance et au terrain. Il allait trop vite, on aurait vraiment dit qu'il se promenait, et ce n'était pas pour ça qu'il était payé. [...] Alors il mit quelques semaines à trouver le rythme parfait, pas trop lent, pour ne pas paraître nonchalant, et pas trop rapide pour pouvoir passer au crible chaque parcelle de terrain aux abords de la villa. Il connaissait ce rythme par coeur, il l'avait ancré dans la tête. Au fur et à mesure qu'il tournait le long de ce mur d'enceinte, il se transformait en musique. Ses pas formaient une ligne de basse ou de percussions et il brodait dessus une mélodie en fonction du temps, de son humeur ou de la direction où son esprit l'emmenait. Et cette musique l'aidait à se concentrer sur sa tâche: tourner, tourner en rondes incessantes, ne pas quitter l'extérieur des yeux. Le sbire: une figure d'arrière-plan, presque le simple prolongement du vil employeur à qui il est tout dévoué... C'est de cette figure traditionnellement secondaire que s'empare C. Mayence pour en faire le héros – ou plutôt l'antihéros – d'un roman qui affectionne les contre-pieds... En effet, loin de verser dans l'action, "Homme de main" se lit essentiellement comme le portrait psychologique d'un individu comme apassionné, déconnecté, en suspend, quasi désincarné... Traversé par l'image du cercle et par le mouvement de la ronde – qui disent tout autant l'emprisonnement, le recommencement et une certaine lassitude –, ce texte finit par esquisser, sur un mouvement de plus en plus hypnotique, un archétype humain existentiel.

Sujets

• Anti-Heros
• Intériorisation
• Gardê

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 24 octobre 2013
• Nombre de lectures: 30
• EAN13: 9782342014051
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Homme de main

Cédric Mayence Homme de main

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0118710.000.R.P.2013.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2013

Cela faisait au moins vingt minutes que Tito s’ennuyait dans ce bistrot. Il avait longtemps attendu avant de com- mander : il était trop tard pour un café, trop tôt pour autre chose de plus fort. Luis lui avait dit d’être là à 11 heures, Tito était arrivé à moins dix. C’était comme ça, il était toujours en avance, il détestait être en retard. Et donc, comme si c’en était la conséquence, il détestait attendre. Heureusement, Luis arriva quelques minutes après 11 heures. Tito tiqua. Luis était encore habillé comme un grand gamin : un t-shirt trop grand avec des taches et un slogan moyennement drôle, un pantalon en denim incertain et des chaussures de toile sans leurs lacets. Il agrippa une chaise et s’y vautra en poussant un soupir. — Salut. — Salut. L’accueil était volontairement froid et cela parut sur- prendre Luis. — Tu fais la gueule ? — Pas vraiment, répondit Tito en scrutant le fond de son verre. — Ça fait plaisir en tout cas. On se perd malheureuse- ment de vue pendant des mois et tu trouves encore le moyen de me faire la gueule. Tito se radoucit. Il avait l’habitude de se méfier des gens, mais après tout, Luis était inoffensif. — Je ne fais pas la gueule, je te dis, j’ai juste le soleil dans les yeux… — J’aime mieux ça !

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— Alors, trancha Tito, qu’est-ce qui t’a donné cette soudaine envie de m’appeler ? — Mais je viens de te le dire, hurla Luis dans un grand sourire. Ça fait des siècles qu’on ne s’est pas vus. Le garçon arriva et interrompit la discussion, ce qui dé- plut à Luis. Il commanda un Coca avec un regard noir qui ne sembla pas atteindre le serveur. — C’est très touchant, Luis. — Ouais. Tu sais, les liens, la famille… — On a juste été élevés dans la même maison. — Et finalement, c’est ça qui compte… — Luis… — Je suis content pour toi, Tito, on m’a dit que ça mar- chait plutôt bien pour toi… — Bien, bien… Au moins, tu n’auras pas mis long- temps à entrer dans le vif du sujet. Ne me baratine pas, Luis. Ne me parle pas de famille, de conneries, si tu dois juste me demander du fric. — Ce n’est pas une question de fric. Luis se vexa, il croisa ses bras sur sa poitrine, et prit une mine offusquée. — Tu sais, les petites conneries dans la rue, les vols de voiture, les magasins d’alcool, et tout ça… C’est fini pour moi. — On a tous dit ça au moins cent fois. Mais on est tous comme ça, Luis. — Sauf toi, sauf toi. — Ce n’est pas très différent… — Mais si. Toi, tu es une sorte d’employé. Un ouvrier du crime, un fonctionnaire du larcin. À vrai dire, Tito n’avait jamais envisagé sa condition comme ça. Bien sûr, cela faisait quelques années qu’il travaillait pour Monsieur Sparco, mais enfin, pouvait-on appeler cela une carrière ? Peut-être… Il y a cinq ans, Tito s’était retrouvé dans la même situa- tion que Luis, il travaillait alors avec Kino, un type de son

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