L Autre Monde
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L'Autre Monde

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Description

Toucher du doigt la dorure, sans avoir "la carte", celle qui nous permet de rentrer dans cet autre tableau, cet "Autre Monde"

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Publié par
Publié le 19 février 2012
Nombre de lectures 95
Langue Français

Extrait

Toucher du doigt la dorure, cachée derrière mon ordinateur, assise à une table disposée en
coin du café, pour avoir une vue panoramique sur l’Autre Monde. Commander une coupe de
Ruinart, pour leur faire croire que je connais le goût de la réussite, qu’on ne me la fait pas.
Observer Fréderic Beigbeder et Louise Bourgoin, café Louise justement, rire ensemble
comme de légers adolescents. Imaginer leur soirée, leurs appartements, leurs projets, leurs
prochaines émissions, juste à travers une minuscule, microscopique serrure. Pourquoi eux ?
Je ne peux m’empêcher…
Toujours cette envie de fumer, qui ne me laisse pas de repos. Devoir se lever, mettre mes
trois couches de vêtements laineux ridicules, casser deux ou trois coupes au passage, mais
garder cet air digne et « je m’en foustiste » qui exprime que je suis AU-DESSUS de ces
broutilles, que je M’EN MOQUE ! Et oui messieurs, dames, je vais fumer ma clope et je suis
bien dans ma peau et dans ma vie !
Je ne peux m’empêcher…
Prendre une pose poétique sur le bout de trottoir où des petits caniches en polaires rose
n’ont pas encore marqué leur territoire. Regarder mes mains pelées par le froid. Un peu
mauves. Imaginer celles de Louise B., petite french manucure au poil, crème velouté à
l’essence de caviar et d’Edelweiss fondue sur une peau délicatement bronzée. Non, la coupe
de Ruinart ne suffira pas. Il faut que je sois plus inventive, plus claaaasssssseeee. Ecraser la
clope du bout de mes bottines grises usées par les intempéries, regagner la salle surchauffée
qui donne un teint immédiatement grenat à mes joues, largement gonflées par les abus de
Nutella, lui-même justifié par ce froid inhumain.
Je ne peux m’empêcher…
Rejoindre ma place, au coin, comme les vilains élèves tout crasseux qu’on ne voulait pas au
premier rang. Ça commence peut-être là ? Sur les bancs de l’école ? Nos places sont peut-
être déterminantes pour le restant de notre ascension sociale. Peut-être est-ce par laxisme
que j’ai toujours préféré être tout au fond ? Pour être sûre que je ne pouvais que monter ?
Que sont devenus les petits intellos à lunettes qui raflaient tous les compliments dans les
conseils de classe ? Ceux qui étaient toujours meilleurs en tout, en maths comme en sport,
ça me rendait dingue ! Peut-être certains ont-ils pris ma place ?... Ça doit être violent, pour
ceux qui n’en n’ont pas l’habitude…
Je ne peux m’empêcher…
Régler ma note exorbitante sans vérifier l’addition, pour faire illusion jusqu’à la dernière
minute. Jetter un regard circulaire sur la salle et constater que :
1 : Tout le monde s’en fout.
2 : Louise B. et Frédéric B. sont en train de pousser la porte du café en gloussant comme des
poules. Ils ne seront peut-être jamais au courant de mon passage sur terre…
Eteindre mon joli petit ordinateur rose, le ranger dans son joli petit support en cuir, me
poster devant la porte en fumant une énième cigarette et en observant ce joyeux duo
monter dans une jolie petite voiture aux vitres teintées… Une voiture toute brillante…
silencieuse… Avalée en quelques secondes par le glorieux Arc-de-Triomphe… Puis changer
d’arrondissement, rejoindre ceux qui me ressemblent. Rentrer dans un petit bistro dont
l’entrée est tapissée par de vieilles affiches de spectacle. Pas vraiment classe, pas vraiment
calme, pas vraiment chauffé, pas vraiment aimables… Ressortir mon petit bonbon rose de
son étui cuirassé, ouvrir le dossier révélant les premières pages de mon roman, commander
un chocolat chaud et enfin me détendre… L’immersion dans l’Autre Monde est toujours plus
éprouvante, pourtant, elle est nécessaire à mon inspiration. De toute façon…Je trouverais
toujours des excuses pour me justifier d’une telle attirance pour une poignée de paillettes...
C'est pourquoi, à défaut de la vivre, je vais faire de mon mieux pour l'inventer, en quelques
lignes...
Je ne peux m’empêcher…
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