La seule façon d être heureux, c est d aimer souffrir
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La seule façon d'être heureux, c'est d'aimer souffrir

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Description

Comment aurai-je pu croire du haut de mes dix-huit ans que la vie pouvait être aussi cruelle? Comment aurai-je croire, même une seule seconde, que l'amour me dértuirai autant qu'il me sauverai?

Informations

Publié par
Publié le 26 mai 2011
Nombre de lectures 316
Langue Français

Extrait

Ce jour là, le temps s’étira encore et encore, me torturant encore et encore sans que je
ne puisse l’en empêcher. J’avais tellement mal. Mon cœur était déchiré, meurtrie,
j’aurai presque dit qu’il était en train de pourrir dans ma poitrine béante.
Tout ça c’était il y a déjà presque un an. Un an que mon cœur a cessé de battre
depuis, je suis dans un état second. Je suis consciente de ne pas être dans mon état
normale tout en étant incapable d’y remédier. Je souffre en silence. La souffrance est
la seule chose qui me relie encore à la réalité, à la vie. Cela fait un an que mon cœur a
laissé place à un trou. Un trou énorme qui ne se referme pas et qui me blesse comme
si on retournait sans cesse un couteau dans la plaie encore béante.
Les médecins emploient des mots, des tas de mots pour justifier mon état mais aucun
ne sait refermer le trou béant dans ma poitrine. Les larmes coulent régulièrement sur
mes joues à l’abris des regards. Elle me rappelle que je ne suis pas un objet, elle me
rappelle que je vis. Je vis. Mais je suis morte, il y a longtemps. Mon corps est là mais
mon esprit vagabonde. Il cherche en vain à retrouver la personne qui pourrait me faire
renaître.
Jamais je ne le retrouverai. Jamais. Il est là où seules les personne mortes
physiquement et mentalement peuvent aller. En enfer, au paradis, dans le deuxième
royaume, appelez-le comme vous voulez, le résultat est le même, il a traversé la
lumière. Moi pas.
J’ai vu la lumière, c’était la plus belle chose que je n’ai jamais vu. D’un blanc et d’un
éclat qu’on ne retrouve pas sur terre. Elle m’enveloppait quand le noir m’a attiré dans
ses bras et m’a ramené à la vie. Depuis que je suis revenue de l’au-delà, je ne suis
plus vraiment la même…
Je m’appelle Lois et demain j’aurai dix-huit ans et comme cadeau d’anniversaire, les
médecins m’ont offert un retour chez moi. Je me suis forcée à sourire quand ils m’ont
annoncé la nouvelle, comme les enfants sur les photos de Noël.
Loin du monde réel, j’avais réussi à survivre mais dans un monde où tout me
rappellerai l’être perdu, que deviendrai-je? J’ai tellement du mal à croire qu’il n’est
plus. Un jour, quelqu’un a dit « On a du mal à croire ce qui fait mal à croire » et je
crois qu’il avait raison. Comment pourrai-je vivre dans un monde où il n’est plus.
Il y a un an, je l’ai vu, sous mes yeux, ne plus être.
C’était un de ces jours qui ressemblait à celui de la veille et de l’avant-veille, un jour
comme les autres. J’avais voulu rester dans la salle de spectacle du lycée pour jouer
un peu de piano. Si je l’avais pas supplié de rester avec moi, il serait toujours là.
Quand on est sorti du lycée, il pleuvait à saut, une pluie aveuglante tombait en
trombe. Nous étions collés tous les deux sous mon pauvre parapluie. On ne voyait
rien et quand on a entendu la voiture dérapée, il était déjà trop tard. Il m’a poussé loin
de lui, j’ai heurté violemment le trottoir. J’ai perdu connaissance mais chacun de mes
battements de cœur hurlait son nom. Seulement son nom.
Je m’en fichais au début, d’être morte. J’étais avec lui et avec lui, j’aurai étais prête à
tout affronter… même la mort. Mais le destin en a décidé autrement et je me suis
réveillée et quand, dans cet hôpital, j’ai vu le soleil se lever, j’ai compris que tout
était fini.
Aujourd’hui encore, quand je repense à ce jour maudit, mon cœur murmure encore
son nom.
Là, assise sur ce lit, devant cette même fenêtre où j’ai vu la première fois le soleil se
lever après l’accident, je ne sais plus qui je suis ni qui je dois être.
Avant de le rencontrer, je n’étais rien à part ronger par le chagrin. Depuis la
séparation de mes parents, qui fut une épreuve difficile tant pour eux que pour moi, je
n’arrivai plus à sourire. Je comparai ma vie à un champ de ruine. J’avais beau savoir
que j’étais une adolescente et justement les ados dramatisaient tout, je n’arrivai plus à
vivre. J’étais différente, j’avais grandi trop vite et mes amies ne me comprenaient
plus, autant que je ne les comprenaient plus. Je n’arrivai plus à être comme les autres,
j’arrivai juste à essayer d’être comme les autres mais je me suis bien vite rendue
compte que c’était impossible. Je me sentais rejeté de tout le monde alors que c’est
moi qui rejetait tout le monde sans m’en rendre compte et sans le vouloir.
Puis est arrivé le jour où je l’ai rencontré, lui. Je ne voulais pas qu’il m’approche au
début. Je voulais juste être seule, souffrir en silence, loin des autres. Mais un jour, il a
réussi à m’approcher, à me parler. Et là, j’ai eu une révélation. Avec lui, je n’aurai
plus besoin de faire semblant. Jamais. Avec lui, je pouvais souffrir, pleurer, hurler
mais rire aussi et réapprendre à être heureuse. Dans le fond, j’avais toujours mal mais
je pouvais essayer de vaincre le chagrin et d’être heureuse. Et j’ai réussi, je me suis
battu contre moi-même, le plus grand combat de ma vie jusqu‘à aujourd‘hui. Il a
changé ma façon de voir les choses et, même si j’en voulais encore à mes parents, je
pouvais vivre avec. Avoir une seconde vie, loin de tout ça. Il avait réussi à me
redonner le goût de la vie, ce goût que j’avais perdu, je pouvais me laisser aller avec
lui, je pouvais être moi, juste Lois. Je n’avais pas besoin d’être cette fille que je
faisais semblant d’être pour me faire accepter. Je n’ai jamais été aussi heureuse de
toute ma vie qu’avec lui même dans ma plus tendre enfance. Je n’étais plus rongé par
mes démons intérieurs.
Le jour où il m’a dit ces trois mots « je t‘aime » ce fut le plus beau jour de ma vie. Je
crus que mon cœur allait sortir de ma poitrine tellement il battait à tout rompre.
Encore, aujourd’hui, quand je repense à ce jour, mon cœur s’emballe. Ces trois mots
ont changé ma vie, ma vision du monde. Je n’étais plus seule. On était deux.
Si seulement, je n’avais pas voulu jouer du piano, il serait encore en vie. Je ne peux
plus voir un piano sans avoir la nausée alors qu’avant je jouai plutôt bien, même très
bien. J’avais été accepté dans un grand conservatoire de musique. Mais je ne peux
plus le faire. J’ai tellement mal. Savoir que je ne pourrai plus jamais sentir la douceur
de ses lèvres quand elles se baladaient sur mon corps, savoir que je n’aurai plus droit
au voluptueux de son baiser, me rend folle. J’ai tellement besoin de lui.
Je m’allongeai sur ce lit qui demain ne serait plus le mien et je me perdis dans mes
souvenirs.
Je ne faisais pas partie de ces filles toutes faîtes sur le même modèle, qui écoutent la
même musique, ces poupées-Barbie vivantes recherchant leur Ken fait sur le même
modèle que le mec que je peux regarder plus loin dans la même rue. Je détestai ces
filles qui n’avaient aucune personnalité.
Je n’étais pas comme ça, j’aimai la musique seulement quand elle avait de la
personnalité, quand elle réussissait à me faire pleurer ou sourire, en fait je l’aimai
quand elle arrivait à me faire ressentir quelque chose. Je n’aimai pas les poupées-
Barbie, je préférais les gens avec de la personnalité, des gens pas fait sur le même
modèle que ma voisine de classe.
Si je repensais à ça, c’est parce que lui, il n’était pas comme ça. Il n’étais pas un Ken.
Au contraire, il aimait les jeans troués, les tee-shirt avec classe. Il était un rockeur et
comme un grand rockeur l’a dit un jour « le rock, c’est vivre en étant soi-même, c’est
un feeling. C’est n’avoir rien avoir à cacher ». Ce sont des gens avec de la
personnalité quoi. Ils ne sont pas tous fait sur le même modèle et j’aimai ça en lui, sa
façon d’être et il me manque d’autant plus.
Pour moi, il ne sera jamais vraiment mort. Je le ferai vivre toute ma vie à travers mes
souvenirs. Il vivra toujours en moi car il fait partie de moi comme je faisais partie de
lui et cette partie est morte avec lui. Maintenant, je vis à travers cette partie de lui
encore en moi. Comme un chanteur, un jour, a chanté « My life is break ».
Le soleil commence à disparaître peu à peu derrière les nuages, c’est le temps que
j’aille voir mon psy. C’est l’heure que je déteste. L’heure où je dois répondre à des
questions stupides. Je soupire avant de sortir de ma chambre. Je me dirige vers le
grand bureau sobre et froid qui me répugne encore plus que mes quatre murs blancs
qui me servent de chambre. Je frappe doucement. On me dit d’entrez. Je m’assois sur
le siège en face du bureau du docteur. J’ai toujours détesté, cet espèce de canapé où
l’on peut s’allonger.
-Bonjour Lois. Comment vas-tu aujourd’hui?
-Pareil qu’hier et qu’avant-hier, et avant avant-hier.
-Tu réponds toujours ça. J’aimerai que tu me dises ce que tu ressens. Tu sors demain
de cet hôpital et tu ne m’as jamais vraiment dit ce que tu ressentais. J’ai besoin de
savoir si tu vas t’en sortir.
-A quoi ça va me servir?
-Peut-être que si tu me dis tout ce que tu as sur le cœur, tu ne t’en sentiras que mieux.
Peut-être que cela t’aidera à revivre.
-Je ne sais pas par où commencer, ni quoi dire d’ailleurs.
-Disons que je vais poser des questions et que tu vas y répondre, d’accord?
Je pris une grande inspiration avant de répondre:
-Oui.
-Je sais que tu souffres, c’est évident, ça se lit sur ton visage torturé. Mais tu ne m’as
jamais dit pourquoi? Tu as survécu à cet accident…
-Mais pas lui.
-Qui lui? Le garçon qui était avec toi?
-Oui.
-Ce n’est pas de ta faute s’il est mort, j’espère que tu ne t’en veux pas.
-Je sais.
-Tu t’en veux?
-J’aurai juste préféré mourir avec lui pour ne jamais plus avoir à souffrir.
-Ca fait partie de la vie de souffrir.
-Je sais mais pas comme ça. Je crois que vous ne vous rendez pas compte. Ca me
ronge de l’intérieur, ça me rend malade. Il m’a sauvé la vie au dépend de la sienne.
-C’est un très bel acte. C’est à cause qu’il t’as sauvé la vie que tu te sens mal?
-Si seulement il ne pouvait y avoir que ça. Je n’ai jamais cru au conte de fée, à
l’amour éternel, à l’engagement mais tout à changé quand je l’ai rencontré. Il a
changé ma vision des choses et du monde. Je l’aimai.
-Tes parents ne m’ont jamais parlé d’un petit copain.
-Ils ne le savaient pas. Je ne leur avais pas dit. Je nourrissais une haine trop intense
envers eux pour leur en parler.
-Pourquoi tu en voulais à tes parents?
-Leur divorce pas comme les autres.
-Qu’est-ce que tu entends par « pas comme les autres » ?
-Je pensais pas que je pouvais en souffrir autant. Ils ont tant changé, comme s’ils
étaient devenus des autres personnes, je ne les reconnaissais plus. Ce n’étaient plus
mes parents mais des intrus.
-Tu leur en veux seulement pour ça?
-Et pour tellement d’autres choses encore.
-Tu pourrais m’en dire plus?
Je soupirai et comme à chaque fois depuis l’accident ma poitrine se montrait
douloureuse comme si on voulait que je ne vive plus normalement.
-Mes parents se sont battus pour rien. Au départ, ils se sont battus pour moi et ma
sœur mais après, le moindre prétexte était valable pour déclencher une querelle
stupide. J’avais l’impression qu’en quelques mois la vie paisible que j’avais eu s’était
transformé en enfer. J’avais l’impression d’étouffer entre mes parents. Je ne trouvai
plus ma place, j’étais totalement perdue, je ne comprenais pas que des êtres qui
avaient partagés leur vie pouvaient se faire autant de mal. Je ne savais plus qui étaient
mes parents, je les détestaient tellement, je ne comprenais pas comment ils pouvaient
se faire autant de mal à eux-mêmes sans oublier leur enfants mais le pire ce fut moi.
Je perdis vite pied, je me perdis dans un monde de silence où le bonheur ne pouvait
existé comme si j’avais décidé de vivre dans un monde parallèle. Je ne supportai plus
ma vie et c’est là que j’ai commencé à penser à la mort mais tout ça c’était avant de le
connaitre.
-Qu’est-ce que ce garçon a fait pour toi?
-Tout. Mais ça, il ne le saura jamais. Il m’a sauvé des griffes de la mort bien avant
l’accident. Il m’a sortis de ma torpeur, de mon monde parallèle. Il m’a ramené à la
vie et m’a fait oublié cette histoire de suicide. Il a réussi à ramener le bonheur dans
ma vie. Il avait le pouvoir de tout rendre beau, il suffisait qu’il le touche.
-Pourquoi personne ne m’a alerté de ton état?
-Parce que personne n’était au courant. Le plus dure c’était de jouer la fille comme
les autres…
-Mais pourquoi faire semblant? Il existe des solutions pour les gens comme toi.
-A cause du regard des autres, bien sur.
-Le regard des autres?
-Comment aurai-je pu encore mettre les pieds dans un lycée où tout le monde
m’aurait dévisagé parce qu’on aurait su que j’étais une fille suicidaire. Ma vie serait
encore devenue plus insupportable qu’elle ne l’était déjà. J’ai préféré le silence et je
ne le regrette pas.
-Tu aurai pu changer de lycée.
-Vous ne pouvez pas comprendre. Ni vous, ni personne. Dans ce monde de silence et
de souffrance seule une personne qui vous ressemble peut comprendre. Les personnes
heureuses ne peuvent concevoir le malheur. Je ne pouvais plus vivre, j’étouffai dans
ma propre vie. Je me mourrai. Et je croyais que personne ne pourrait me sauver mais
lui, il est arrivé et tout à changer. J’ai compris ce que voulais dire « voir la vie en
rose ». Parce que vous êtes spécialiste, vous croyez tout savoir mais vous ne savez
rien parce que vous ne l’avez pas vécu. J’entend encore mon cœur murmuré son
prénom. Il le murmura toute ma vie car un amour comme celui-là, ne se présente
qu’une fois. Mais moi, il m’a filé entre les doigts. Peut-être qu’il était né juste pour
me porter secours…
-Tu crois, donc, au destin?
-Je crois en beaucoup de choses mais je ne préfère pas le dire. En fait, je crois que
j’aimerai y croire. J’aimerai croire qu’il vit encore quelque part dans un monde
différent, qu’il veille sur moi. Je suis sur qu’il vit parce que je ne peux pas vivre sans
ma vie et ma vie, c’est lui.
-Bien sur qu’il veille sur toi d’où il est.
-Je l’espère, j’espère aussi qu’il est heureux et qu’il ne m’en veut pas.
-Je crois qu’il ne t’en a jamais voulu. Comme tu le décris il te vouait un amour sans
faille. Je crois qu’il est partit en paix mais son plus grand regret, c’est de t’avoir
laisser seule affronter tes démons.
-Vous ne pouvez pas le savoir. Personne ne peut le savoir. Mais je l’espère du plus
profond de mon cœur.
-Tu as l’air de croire que personne ne peux t’aider à surmonter cette douleur, comme
si tu étais condamné à souffrir toute ta vie. L’amour n’est pas éternel au contraire de
ce que tu crois. La plupart des gens ne passent pas toute leur vie avec la même
personne. Tu es jeune, tu rencontreras quelqu’un qui pourrait effacer ce garçon de ta
mémoire.
-Je ne peux pas l’oublier et je ne veux pas. Il fait partie de moi, il ancré dans mon
âme. Je sais que je suis encore jeune et je sais qu’avant lui, j’étais comme vous et je
ne croyais pas à l’amour éternel. Je savais que je ne resterai jamais avec le même
homme toute ma vie.
-Tu es jolie, tu es intelligente et agréable quand tu daignes sortir de ton chagrin, ce
qui arrive rarement. Tu te rends compte que tu as passé toute cette année à pleurer.
-Vous ne pouvez pas comprendre.
-Tu es revenu d’entre les morts, peut-être qu’il y a une raison à ça. Peut-être que tu es
née pour faire de grandes choses.
-Peut-être ou peut-être pas.
-Tes parents m’ont dit que tu jouais très bien du piano.
-C’est vrai mais je ne peux plus jouer.
-Tu te sens coupable, je sais, mais pourquoi gâcher ton talent? N’aimait-il pas
t’entendre jouer?
-Si.
-Alors joue pour lui encore et toujours. Joue pour ne jamais l’oublier. Je sais que c’est
dur mais continue de vivre. Tu ne pourras pas toute ta vie vivre dans le passé, tu ne
pourras pas toute ta vie vivre à travers ses souvenirs.
-Vous avez une femme?
Ma question le décontenança mais il répondit quand même prudemment:
-Oui.
-Vous l’aimez?
-Plus comme au premier jour mais je l’aime encore.
-L’amour s’estompe avec le temps, je le sais, je l’ai compris. J’ai regardé mes parents
et tellement d’autres personne avant eux et après eux. Je sais, l’amour n’est pas
éternel. Il meurt avec le temps. Mais je sais que mon amour à moi, il sera éternel et je
ne pourrai plus jamais aimé comme j’ai aimé, j’en suis persuadée.
-Il faut que tu vives ta vie pour le savoir mais tu t’enfermes dans ce silence si bruyant
que cela en devient insupportable.
-J’essaierai de crier moins fort, alors. Mais bientôt, mes cris ne seront plus qu’un
souvenir pour vous, un horrible souvenir que vous vous forcerez à écarter de votre
mémoire pour retrouver cette vie normale que vous aimez tant.
-Je n’aime pas laisser une patiente partir dans un état pareil.
-Et dans quel état je suis?
-Tu es malheureuse, incertaine vis-à-vis du futur. Tu ferais peur à n’importe qui et
cela même s’il n’y connais rien en psychologie.
-Oh, et bien, j’en suis désolé.
Je fis un sourire forcée.
-C’est mieux comme ça?
-Tu te voiles sous les apparences, ce n’est pas mieux.
-Je vais essayer de survivre sans lui car jamais plus, je ne pourrai vivre mais je ne
peux pas promettre un bonheur merveilleux dans ma vie. Je ne serai plus jamais
heureuse comme je l’ai été. Je ne serai plus jamais la Lois d’avant.
-Survivre? Qu’est-ce que tu entends par survivre?
-Je vais rassurer mes parents, je vais passer mon Bac avec un an de retard, je vais
vivre comme une autre personne sauf que je ne le ferai pas pour moi mais pour les
gens que j’aime. Vivre m’est devenu insupportable, je devrais être avec lui. Et oui, je
sais ce que vous pensez, je ne suis qu’une adolescente de plus qui pleurniche pour
rien mais je sais que ça ne passera pas, que je souffrirai à chaque fois que je prendrai
une bouffée d’air.
-La vie est une chance, un cadeau merveilleux. Pourquoi tu passerais ta vie à te
gâcher pour une histoire d’amour. Un jour quelqu’un a chanté que les histoires
d’amour se finissent toujours mal en général et je crois qu’elle avait raison.
-Mon histoire ne se finit par une séparation. Enfin si… Mais une séparation éternel,
irrémédiable.
-C’est parfois ce qu’il se produit.
Les larmes commencèrent à couler.
-Je vis un enfer. Mes poumons hurlent de douleur chaque fois que je respire. Mon
cœur se contracte à chaque battement car la seule chose qu’il sait faire, c’est susurrer
son prénom. Tout en moi n’est que douleur. C’est comme si je brulais, que je devais
payer sa mort, comme si j’en étais responsable. Mon corps n’est que braise.
-Pourquoi tu ne l’as pas dit avant? Tu pourrai commencer une thérapie, rencontrer des
gens comme toi, essayer de renaître.
-C’est trop tard. Je me suis enterrée toute seule. Je ne suis plus et rien ni personne ne
me fera renaître sauf lui mais il ne reviendra pas donc je suis perdue. Je n’ai pas envie
d’entamer une thérapie avec des médicaments, je ne le supporterai pas. Ni mon corps,
ni mon âme et ni mon cœur.
-C’est que tu ne veux pas vraiment t’en sortir.
-Peut-être… Je crois que souffrir est ma seule façon d’exister encore.
-Tu ne te rends pas compte du mal que tu te fais.
-Je me rend compte de ce que je fais et de qui je suis et de la personne que je vais
laisser paraître sur mon visage.
-Lois, personne ne t’obliges à être une martyre de la vie.
-Je ne suis pas une martyre de la vie, je me contenterai d’être son souvenir, de vivre à
travers ça.
-Ce n’est pas une vie. Tu condamnes à la souffrance alors que rien n’est irrémédiable.
On peut tout changer si on en la volonté.
-Je n’ai plus la volonté. La volonté de rien. Je ne veux que dormir sur son visage qui
sourit. Je veux le faire vivre car sa partie qui est en moi n’est pas morte et elle ne le
sera jamais.
Il soupira.
-Lois, dit-moi, qu’est-ce que tu vas faire en rentrant chez toi?
-Je vais travailler pour avoir mon Bac. Je vais rassurer ma sœur car je sais qu’elle a
beaucoup souffert à cause de moi et je ne veux plus qu’elle souffre, je me le suis
promis après le divorce de nos parents.
-Comment s’appelle-t-elle?
-Lana. C’est une merveilleuse petite fille de huit ans. Si le bonheur pouvait encore
avoir lieu d’être dans ma maison, c’était grâce à elle. Elle amenait ce souffle que je
n’arrivai plus à apporter. Ses yeux qui brillaient et ses éclats de rire faisaient parties
des raisons qui me donnaient encore la force de lutter et même encore aujourd’hui.
Elle est mon rayon de soleil qui chasse les nuages de ma vie quand elle est près de
moi. Pour elle, je crois que je serai capable de tout.
-Même d’essayer de vivre à nouveaux?
Je soupirai avant de me plonger dans mes souvenirs:
« On est à la maternité, j’ai dix ans et ma mère vient d’accoucher de ce bébé qu’elle a
eu tant de mal à avoir. Je vois des mains, des toutes petites mains, dépasser du
berceau. Je m’approche, elle plonge ses petits yeux bleu-gris dans les miens et elle
agrippe mon doigt. »
« Elle a un mois et demi. Elle est dans mes bras. Elle gazouille avant de me donner
son premier sourire. Je ne sais pas ce qui s’est passé, ce jour là, entre moi et elle, mais
je suis promis de toujours veiller sur elle. »
« Je me rappelle du jour où mon père a quitté la maison définitivement. J’entend son
rire, ses murs son emprunt de lui, comment pourrai-je oublier? Elle vient et monte sur
mes genoux. Elle noue ses bras autour de mon cou et elle me serre autant que ses
petits bras en ont la force. Je lui frotte le dos et je me dis que je ne dois pas oublier la
promesse que je me suis faite et que je lui ais faite. Je lui murmure de ne pas
s’inquiéter. »
Là, assise sur cette chaise, en face de mon psy, je commence à m’interroger. Je sais
que je fatiguée de lutter contre moi-même. Je sais que, dans cet accident, j’ai perdu
une partie de moi-même, une partie de mon cœur et de mon âme. Je sais que je ne
serai plus jamais la même mais je dois essayer. Essayer de vivre. Je n’ai pas le droit
de me laisser mourir, je ne peux pas. A la maison, un petit ange aux boucles blondes
m’attend et je suis presque sur qu’elle m’aura préparer un grosse surprise et qu’elle
aura casser sa tirelire pour m’offrir un cadeau. Et si j’étais revenu de l’au-delà pour
elle? Et si, Il m’avait sauvé pour elle? Et si, même dans les dernières secondes de sa
vie, il avait pensé à moi et pas à lui? J’ai pensé très fort à lui à ce moment-là. Je
m’imaginai le voir sourire parce que j’avais enfin compris. Il est mort pour moi et je
promets que je chaque jour de ma vie, j’honorerai ce sacrifice. Chaque jour de ma
vie, je lui dédierai. Car tout est à grâce à lui. Je vais recommencer le piano et chaque
note, chaque son, chaque morceau que mes doigts joueront seront une preuve de mon
amour envers lui. Chaque paroles sera un remerciement. Chaque faits et gestes sera
pour lui. Je lui dédirai ma vie.
Je sentis les larmes prendre leur chemin habituel le long de mes joues. Elles étaient
brulantes mais elle me réchauffaient le cœur.
Un jour, un grand cinéaste a dit que la seule façon d’être heureux, c’était d’aimer
souffrir. Et jamais plus qu’aujourd’hui, je pourrai dire qu’il avait raison. Jamais.
Je levai mes yeux encore brulant de larmes mais déterminés et les plantai dans ceux
du psy, ahuri de ma réaction.
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