Le Tocsin des filles d’amour
4 pages
Français

Le Tocsin des filles d’amour

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
4 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Variétés historiques et littéraires, Tome IILe Tocsin des filles d’amour.1618Le Tocsin des filles d’amour.À Paris, chez Joseph Bouïllerot, ruë de la Calandre,près le Palais.M.D.C.XVIII.In-8.Messieurs,1Autant de frais comme de salé, autant de bond comme de volée disposé de toutsens, ainsi qu’un compteur de fagots à la douzaine, de vous reciter de quoysatisfaire à vos curiositez plus curieuses, et sçachant bien qu’il estoit permis dementir à ceux-là qui viennent de loing, j’ay tracé ces plaisantes nouvelles qui vousserviront de cure-dent (si bon vous semble) et à telle heure qu’il vous plaira.In primo loco, dans l’université de Vaugirar, quatre sophistes de haut appareil,disputant sur la misère du monde, dont ils estoient grandement entachez, par leursconclusions m’ont appris que quiconque est à son aise, à gogo, et qui est dans lapaille jusques au ventre, ne doibt estre estimé pour partisan de la necessité, automnino regula fallit.Secundo, vous tiendrez pour article de foy, en forme probante, et passé parl’alambic de mes plus fertiles curiositez, qu’il est arrivé un grand miracle dans3Monceaux lorsque j’estois à la suitte de la cour. Les uns vous diront que c’est ungrand bien que la multiplication ; les autres soutiendront que non, et, faisant desargumens à boisseaux sur la pointe d’un esguille, diront, avec le bonnet sur le coinde l’aureille : Vel est, vel non est ; aut est verum, aut est falsum. Ainsi ce sera unplaisant passe-temps d’Antimèmes, ...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 93
Langue Français

Extrait

Variétés historiques et littéraires, Tome II Le Tocsin des filles d’amour. 1618
Le Tocsin des filles d’amour. À Paris, chez Joseph Bouïllerot, ruë de la Calandre, près le Palais. M.D.C.XVIII. In-8.
Messieurs, 1 Autant de frais comme de salé, autant de bond comme de voléedisposé de tout sens, ainsi qu’un compteur de fagots à la douzaine, de vous reciter de quoy satisfaire à vos curiositez plus curieuses, et sçachant bien qu’il estoit permis de mentir à ceux-là qui viennent de loing, j’ay tracé ces plaisantes nouvelles qui vous serviront de cure-dent (si bon vous semble) et à telle heure qu’il vous plaira. In primo loco, dans l’université de Vaugirar, quatre sophistes de haut appareil, disputant sur la misère du monde, dont ils estoient grandement entachez, par leurs conclusions m’ont appris que quiconque est à son aise, à gogo, et qui est dans la paille jusques au ventre, ne doibt estre estimé pour partisan de la necessité,aut omnino regula fallit. Secundo, vous tiendrez pour article de foy, en forme probante, et passé par l’alambic de mes plus fertiles curiositez, qu’il est arrivé un grand miracle dans 3 Monceaux lorsquej’estois à la suitte de la cour. Les uns vous diront que c’est un grand bien que la multiplication ; les autres soutiendront que non, et, faisant des argumens à boisseaux sur la pointe d’un esguille, diront, avec le bonnet sur le coin de l’aureille :Vel est, vel non est ; aut est verum, aut est falsum. Ainsice sera un plaisant passe-temps d’Antimèmes, qui eschauferont plus la teste que l’estomach. Revenons à nostre matière (je ne dis pas à celle qui vous pourroit bien brider le nez), mais à ce miracle extraordinaire de nature. Vous apprendrez donc, Messieurs, qu’un jeune homme ne fut pas si tost marié qu’il eut une femme, et bien davantage, car, deux jours après ses nopces, il trouva, revenant de quelque visite, deux plaisans resveil-matin au chevet de son lict, qui, luy rompant la teste plus que de coustume, attendu que c’estoit de la façon de sa chaste femme, il en voulut avoir raison par la justice. Donc grand debat entre les parties ; mais, sur toutes leurs contestations, à cause de la grande diligence et du grand mesnage de la dite femme (dont le juge mesme en pouvoit discourir pertinement), et veu l’orgueil du compagnon, l’on mit les parties hors de cour et de procez, sauf au pauvre badin de se pourvoir par devers les rentrayeurs pour retressir sa dite femme. Tertio, estant à Soissons, j’allay loger en une hostellerie qui ne se nomme point, où l’on estoit fort bien traicté pour son argent et où l’on n’engendroit point de melancolie ; mais au reste une grande question estoit agitée à chaque quart d’heure entre la maistresse du logis, sa fille et sa servante. Si vous estes bons coursiers, je vous baille de bonne avoyne ; si vous n’estes que des asnes, vous 4 n’aurez qu’une bayeen forme de chardons. Donc disposez de vos qualitez, aages, noms et demeurances. Pour moy, je suis resolu de cotter dans ces croniques boufonnesques que ces trois espèces de foureaux estoient fort avides et desireuses de pistolets. Je ne sçay si c’estoit à cause que le vuide en bonne philosophie est un vice en la nature, ou si leur contentement estoit limité à tirer plus tost au noir qu’au blanc. Quoy que ce soit, la dite maistresse, authorisée de ses propres volontez au reffus de son mary, se rendit tellement diligente à conduire en haut ceux qui abordoient chez elle, que la fille en avoit mal au cœur et à la teste ; si bien que, feignant la vouloir soulager de cette peine, elle luy faisoit maintes remonstrances familières pour parvenir à ses desseings, ausquels la servante s’opposant formellement, et d’autant qu’elle ne pouvoit esteindre le feu de sa cheminée ue arl’a deet le secours des bons ramoneurselle ne fut honteuse de
dire en bonne compagnie qu’elle ne s’estoit point loüée à si bon marché, si ce n’estoit soubs l’esperance des profits. Sur quoy, grand desordre dans le dit logis, l’une prenant le pot à pisser à la main, l’autre la marmite, l’autre la clef de la cave ; et en effet querelle qui eust esté de durée sije ne fusse arrivé avec mes compagnons, qui faisions en nombre douze ou treize escuyers, sans le regiment de nos goujats, laquelle nous fismes cesser en moins de rien, ce pendant que le maistre du logis nous faisoit à chacun un boüillon pour nous sallarier de nos peines, et de cecyexperto crede Roberto.
Quarto, pour ne rien oublier que ce qui est mis hors de mon souvenir, suivant mon mesme stille, ma mesme intention, mes semblables inventions, mensonges et consors, vous apprendrez que je n’eus pas plustost recogneu que les Picardes avoient le cul plus chaud que la teste, que je leur fis promesse de les servir le jour du jugement si j’avois le loisir. Si bien que, sortant par la porte de derrière et n’oubliant rien qu’à dire à Dieu, je fus contrainct de louer un viel asne galeux pour aller en poste jusques à Reims, où je ne fus pas sitost arrivé qu’une jeune bourgeoise, me prenant pour un marchand d’huille, me conjura d’affection de lui bailler trois ou quatre dragmes de la mienne. Ma courtoisie fut cause que je la pris au mot, de sorte qu’elle tendit sa lampe, où j’en fis distiller à bon escient : à quoi je fus employé près de huict jours entiers sans recevoir aucun argent pour parachever mon voyage ; et d’avantage j’eusse demeuré en ce bel exercice sans que messire Jean Cornette, propre mary de ceste affetée, revint de vendange, qui, me trouvant mettre le feu au lumignon, me fit prendre en diligence très humble congé de la compagnie. Ainsije partis de cette fameuse cité pour revenir en cette ville, d’où estant proche environ de sept ou huict lieües, je rencontray un courier assez mal monté qui venoit au devant de moy affin de m’apprendre les stratagèmes qui 5 s’estoient passez au marché aux pourceaux; sur quoy, l’interrogeant particulierement, il me dict qu’un frippon d’advocat, voyant que sa practique n’estoit bonne que pour enveloper des andoüilles ou des cervelas, s’en estoit allé audit marché avec un charlatan, et que là ils avoient affronté un marchand, mais toutes fois que le retour avoit esté pire que les matines, d’autant qu’au bout de trois sepmaines son logis fut descouvert, où l’on chanta de terriblesGaudeamus.
Quinto, si je croyois que l’on me deubt croire, je reciterois un faict estrange arrivé pendant ces vendanges dernières, proche du village de Fontenay sur Baigneux. Qu’on me croye ou qu’on ne me croye pas, puisque j’ay entrepris de reciter tant en gros qu’en destail les nouvelles de ce temps, je vous diray qu’une fille aagée de vingt-deux à vingt-trois ans, ayant les vazes plus secrets de la nature bouchez et obtuperez, en sorte qu’elle ne pouvoit faire la lescive au declin de la lune, ainsi qu’elle avoit accoustumé, trouva un remède très souverain pour sa douleur : c’est qu’elle fist accroire à sa mère qu’elle estoit subjecte à un mal pour le remède duquel son confesseur luy avoit conseillé de faire un voyage en Brie, tellement que le bon naturel de ceste mère permist à nostre petite effrontée d’y aller descharger son pacquet, où elle accreut le nombre des veaux ; toutes fois c’estoit un veau retourné, car il portoit la queüe devant, et les autres la portent derrière.
Si je passe plus outre et que l’humeur me prenne de vous faire rire à gueule bée, je ne sçay si vous dirés que je suis un drolle et que j’en sçais de bonnes. Je l’espère ainsi : voilà pourquoy,messiores drolissimi, galandissimi et curiosissimi, sachez in globoqu’estant retourné de par deçà je n’estois plus par les chemins, et que j’ay 6 trouvé aux faux-bourgs S.-Germain, en une fameuse academieoù l’on ne court jamais en lice que l’on ne rompe, une certaine damoiselle natifve de Paris, des mieux equipées et caparasonnées, gouluë au possible, qui, s’estant delectée dans les jardinages du père d’Amour, et qui, pour avoir mis trop souvent le cul contre terre, le ventre luy en est tellement enflé pendant l’absence de son mary, que quelque dix ou onze mois après elle a remis le paradis terrestre au monde en produisant le fruict de vie, que l’on dit pourtant avoir esté planté aux despens d’une abbaye :Et hoc plusquam verum.
Item, si le loisir me permettoit de faire deduction de la force, de l’honneur et de l’utilité des cornes d’un jeune Gascon de la paroisse S.-Paul, je vous dirois que pour avoir rembouré le bas d’une vieille mule, qu’il avoit fait une assez jolie fortune, mais que son indiscretion l’ayant conduit aveuglement au bordel, qu’il y trouva une jeune Bourguignote, à qui il fit franchement cession et transport de ses bonnes volontez ; mesmes, pour la faire damoiselle, qu’il vendit l’office dont il estoit assez honoré. Ainsile drolle est tombé de fièvre en chaud mal, qui neantmoins n’apporte pas grand dommage en sa maison : car la saincte Escriture y est fort enseignée. Devinez si bon vous semble.
Pour conclusion de la presente histoire, vous remarquerez une grande justice et une grande debonnaireté en la personne d’un gros prebendé de cette ville, lequel donne en faveur de mariae à sa monture la somme de douze mille livres arent content
sans comprendre les menus suffrages, et sans specifier comme il a promis et promet de faire eslever, nourir et entretenir jusques en aage de maturité le fruict qui 7 est prevenu des hantesqu’il a faites plus en fante qu’en escusson avec la dite monture.
Toutes lesquelles choses cy-dessus je vous certifie estre vrayes et avoir esté faites de la façon, vous promettant que, si vous les croyez, de vous en descouvrir dans peu de jours des plus nouvelles et des mieux couzues : car ainsi a esté accordé et stipulé entre mes plus joyeuses fantaisies les an et jour que dessus.
8 9 Signé :TurlupinetPierre Dupuis.
1. Terme du jeu de paume. On disoità bond et à voléepour à tort et à travers. V. notre édition desCaquets de l’Accouchée, p. 164.
2. Dans une facétie de la même époque,la Querelle deJean Pousse et de Jeanneton sa cousine, qui n’est que la reproduction de celle qui a pour titrela Querelle de Gautier Garguille et de Perine sa femme, nous trouvons cette locution : « Tu me comptes des fagots pour des cotterets. » Or, ce qui est dit ici et l’expression encore employéeconter des fagotstrouvent là leur origine et leur explication. Il est facile de voir que, pour arriver à la phrase encore en cours, il a suffi d’abréger la première, d’où elle dérive, et, par une équivoque naturelle en pareil cas, de changer l’orthographe et en même temps le sens du motcompter. M. Quitard, qui avoit lula Querelle de Gautier Garguille…, est tout à fait de notre avis. (Dict. des proverbes, p. 367.)
3. Château situé dans le département de Seine-et-Oise, près de Corbeil, et qu’il faut bien se garder de confondre, comme on le fait souvent, avec celui dont le parc existe encore au bas de la butte Montmartre, près de Batignolles. De Henri II à Louis XIII, la cour y fit de fréquents séjours. C’est là qu’en 1567, les huguenots, commandés par le prince de Condé, faillirent enlever Charles IX. Gabrielle d’Estrées avoit été faite par Henri IV marquise de Monceaux.
4. Équivoque sur le double sens du motbaye, qui signifie une sorte de fruit, et qui s’entendoit aussi alors pourmoquerie,tromperie. Corneille a dit dansle Menteur (acte er 1 ,scène 6) :
. . . . . . . . . . . . . . . On les étonne, On leur fait admirer lesbaiesqu’on leur donne.
5. On sait qu’il se tenoit au bas de la butte S.-Roch, et que c’étoit une sorte de foire e permanente. V. notreParis démoli, 2édit., p. 177, 366–367.
6. Le faubourg S.-Germain étoit rempli d’académies de toutes sortes : académies er d’armes, de jeu, etc., et plus encore de celles dont il est parlé ici. V. notre tome 1, p. 207–208 et 219, note.
7.Entes, terme de jardinage, comme ceux qui suivent.
8. Son nom de famille étoitHenri Legrand, son sobriquetBelleville, et son nom de théâtre Turlupin. Il jouoit les valets fourbes et intrigants, et étoit ainsi à l’hôtel de Bourgogne ce qu’étoitle Briguellaau théâtre italien du Petit-Bourbon. « Ils portoient un même masque, dit Boucher d’Argis, et on ne voyoit d’autre différence entre eux que celle qu’on remarque er en un tableau, entre un original et une excellente copie. »Var. histor., phys. et litt., t. 1, e 2 partie,p. 505. — Un faiseur de pasquils de ce temps-là l’a appelé
Grand maistre Alliboron, ennemi de tristesse.
« Quoiqu’il fût roussâtre, dit Robinet, il étoit bel homme, bien fait, et avoit bonne mine. Il étoit adroit, fin, dissimulé et agréable dans la conversation. » C’est ce qui mit à la mode ce genre de plaisanteries équivoquées dont Boileau a gémi, dont s’est moqué Molière. Sorel, avant eux, avoit ainsi parlé de ce genre d’esprit à propos d’un livre bourré de turlupinades« Il n’y avoit rien là dedans à apprendre que des pointes qui avoient : beaucoup d’air de celles de Turlupin, lesquelles estoient mêlées hors de propos parmy
les choses sérieuses. »Histoire comique de Francion, Paris, 1663, in-8, p. 584.
9. V. sur ce fou, qui couroit alors les rues de Paris, une longue note de notre édition des e Caquets de l’Accouchéevers, p. 278. Nous ajouterons ici que Regnier le nomme au 72 e de la 6satire ; que Bruscambille, dans sesParadoxes (Paris,1622, p. 45), l’appelle maistre Pierre Dupuy, archifol en robe longue, et que, selon Desmarais, il couroit les rues, portant un vieux chapeau à son pié en guise de soulier (Défense du poème épique, p. 73).
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents