Les Rois par Jules Lemaître
108 pages
Français

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Les Rois par Jules Lemaître

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Publié le 01 décembre 2010
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Langue Français

Extrait

The Project Gutenberg EBook of Les Rois, by Jules Lemaître This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net Title: Les Rois Author: Jules Lemaître Release Date: December 21, 2004 [EBook #14404] Language: French *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES ROIS *** Produced by Mireille Harmelin and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) LES ROIS par JULES LEMAÎTRE CINQUIÈME ÉDITION CALMANN LÉVY, ÉDITEUR ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES 3, RUE AUBER, PARIS. 1893 Droits de reproduction, de traduction et de représentations réservés pour tous les pays, y compris la Suède et la Norvège. LES ROIS En 1900. I Quand la cour se fut rangée des deux côtés du trône, le roi Christian, très vieux, d'une pâleur de cire, sa barbe blanche étalée sur sa tunique militaire et cachant à moitié le grand cordon de l'Aigle-Bleu, dit, d'une voix forte de commandement, chevrotante à peine: —Monsieur le grand chancelier, quand il vous plaira. Le grand chancelier, comte de Moellnitz, debout au pied de l'estrade, devant une table carrée couverte d'un tapis de pourpre à crépines d'or—la table royale des mélodrames historiques—déroula un parchemin d'où pendait un sceau rouge plus large qu'une hostie, et, scandant les phrases d'un hochement de sa petite tête d'oiseau déplumé, il lut avec une lenteur et des intonations d'archevêque officiant: «Nous, Christian XVI, par la grâce de Dieu roi d'Alfanie, à tous présents et à venir salut. »Considérant que l'âge et la maladie, sans diminuer notre zèle pour le bien de notre peuple, ne nous permettent plus d'y travailler selon notre désir et nous rendent désormais difficile le gouvernement de nos États; »Déléguons généralement tous nos pouvoirs à notre fils aîné et héritier présomptif, Hermann, prince de Marbourg, duc de Fridagne, et ce pour une année à dater du présent jour; »Ordonnons à tous nos sujets, à tous les officiers des armées de terre et de mer, à tous les magistrats, administrateurs et fonctionnaires constitués d'obéir au prince de Marbourg comme à nous-même; »Appelons les bénédictions de Dieu sur le prince Hermann, afin qu'il exerce avec sagesse et prudence et pour le plus grand avantage de nos sujets la puissance que nous lui déléguons. »Fait et revêtu de notre sceau royal, en notre palais de Marbourg, ce 20 mai de l'an de grâce 1900.» —Messieurs, dit le roi, nous vous invitons à présenter votre hommage au prince de Marbourg. Il était là, debout à la droite du trône, le prince Hermann, fils aîné du roi. Trente-six ans, taille médiocre, la barbe châtaine et clairsemée, le front dégarni, les traits fins, portant assez mal son uniforme de général de division, il avait bien plutôt l'air d'un professeur d'université que d'un prince de maison guerrière. Le défilé commença. D'abord, la princesse royale Wilhelmine, sa beauté paisible et un peu froide un instant échauffée par une expression de joie et de triomphe. Arrêtée devant le prince son mari, elle le salua d'une de ces révérences autrefois apprises dans la petite cour cérémonieuse de l'archiduc son père et dont elle avait scrupuleusement gardé les rites parmi la très sobre étiquette d'Alfanie. A cette longue révérence, encore amplifiée par le déroulement du manteau de cour qui traînait derrière elle, le prince répondit par un sourire triste. Puis il prit la main de sa femme et la baisa. Comme la princesse allait regagner sa place, le roi lui fit signe d'approcher. —Comment va mon petit-fils? demanda tout bas le vieillard. —Mais, très bien, sire. —Je l'ai trouvé un peu pâle hier, et on m'a dit ce matin qu'il n'avait pas passé une bonne nuit. Wilhelmine haussa la voix: —Je ne sais où ceux qui vous l'ont dit prennent leurs renseignements. Wilhelm est, il est vrai, un peu impressionnable et nerveux, comme le sont d'ordinaire les enfants d'une intelligence très précoce. Mais sa santé ne m'inspire aucune inquiétude sérieuse, il faut qu'on le sache. —Allons, tant mieux, ma fille, tant mieux, dit le roi en l'apaisant du geste. Cependant, le prince Hermann recevait les félicitations du prince Otto, son frère cadet. Otto inclinait avec affectation sa haute taille, sa barbe rousse en pointe et son long nez sensuel et répétait, imperceptiblement gouailleur: —Tous mes compliments, mon cher frère, tous mes compliments. Hermann répondait: —Je les reçois avec reconnaissance, Otto. Je les crois sincères, et je suis sûr que vous ne ferez rien pour augmenter la difficulté de ma tâche. —… Sais pas du tout ce que vous voulez dire, murmurait Otto. Mais déjà, d'un mouvement affectueux, Hermann tendait la main au prince Renaud, un grand garçon dégingandé, au front vaste et aux yeux très beaux, qui, balbutiant un peu, semblait chercher une phrase et finit par dire doucement: —Je te plains, mon pauvre Hermann. —Merci, mon cher cousin, fit simplement le prince héritier. Et merci d'être venu: cela a dû te coûter un véritable effort. Renaud s'éloigna, l'allure à la fois dédaigneuse et inquiète, comme un homme déshabitué de ces cérémonies. Au lieu de l'uniforme de gala auquel il avait droit, il portait un habit de cour tout uni et très sec et paraissait un peu gêné maintenant d'une simplicité de costume qui faisait tache parmi toutes ces chamarrures. Au moment où Renaud passait devant la double rangée des demoiselles d'honneur de la princesse royale: —Vous n'avez pas l'air de vous amuser beaucoup, monseigneur, chuchota derrière lui une voix de femme. Renaud se retourna. Celle qui l'interpellait avec cette familiarité gentille était une frêle personne; de figure délicate, avec des yeux pâles et de lourds cheveux d'un roux doré. —Et vous, mademoiselle Frida? dit le prince, très cordial et comme se retrouvant en connaissance. —Oh! moi, j'ai l'habitude… Vous arrivez de France, monseigneur? —J'étais à Paris le mois dernier, mademoiselle. —Qu'y avez-vous vu de nouveau? —Pas grand'chose. Paris a maintenant son métropolitain. Ça lui donne l'air moins petite ville, mais ça gâte bien ses paysages, qui étaient si jolis! Et on ne s'en écrase pas moins au carrefour Montmartre. —Et qu'est-ce qu'on fait, à Paris? —Des choses assez curieuses. La vogue y est au socialisme et aux sciences occultes, comme elle était, il y a cent vingt ans, à la Révolution et au baquet de Mesmer. On tolstoïse et on s'attendrit sur le quatrième État. Il y a eu, coup sur coup, deux ou trois grèves on ne peut plus gaies et qui ont été à la mode même dans les salons. Cela a amené, un peu partout, d'énormes désastres financiers. Joignez à cela une série de mauvaises récoltes, un climat profondément bouleversé: pas un printemps depuis quinze années. L'argent manque. On ne s'en amuse, je crois, que plus furieusement. Chacun semble dire: «Après moi, la fin du monde.» —Oui… la fin du vieux monde… Frida dit ces mots d'un accent presque solennel, comme se parlant à elle-même et poursuivant un rêve intérieur. Renaud répondit: —Peut-être. El, après un instant de silence: —Si je ne me trompe, vous
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