Marguerite Duras: écriture et politique
262 pages
Français

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Marguerite Duras: écriture et politique , livre ebook

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Description

Lire Duras dans la vaste perspective que trace un demi-siècle de création fait apparaître qu'elle procède par retard sur l'événement et par ambiguïté, ce qui la conduit d'une part au désengagement politique et à la perte du réel, et d'autre part, à un engagement poétique et à la poétisation du réel. Fondamentalement hostile à toutes les formes du pouvoir, Marguerite Duras s'en prend aussi à la coercition du langage et du style: de cet affranchissement généralisé naît le progrès de la pensée et de la forme durassiennes vers l'indifférence et l'indifférencié.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2005
Nombre de lectures 79
EAN13 9782336261348
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Critiques Littéraires
Collection dirigée par Maguy Albet

Déjà parus
BOUSTA Rachida Saïgh, Romancières marocaines, 2005.
VALLIN Marjolaine, Louis Aragon, la théâtralité dans l’œuvre dernière, 2005.
LAROQUE-TEXIER S., Lecture de Mandiargues, 2005.
HARDI F., Le roman algérien de langue française de l’entre-deux-guerres, 2005.
CORNILLE J.L., Bataille conservateur. Emprunts intimes d’un bibliothécaire, 2004.
ROCCA A., Assia Djebar, le corps invisible. Voir sans être vue, 2004.
BERTOLINO N., Rimbaud ou la poésie objective, 2004.
RIGAL Florence, Butor : la pensée-musique, 2004.
CHERNI Amor, Le Moi assiégé, 2004.
EL-KHOURY Barbara, L ’ image de la femme chez les romancières francophones libanaises, 2004.
MARCAURELLE Roger, René Daumal. Vers l’éveil définitif, 2004.
EMONT Bernard, Les muses de la Nouvelle-France de Marc LESCARBOT, 2004.
KADIVAR Pedro, Marcel Proust ou esthétique de l’entre-deux, 2004.
LAMBERT-CHARBONNIER Martine, Walter Pater et les « portraits imaginaires », 2004.
B. CASSIRAME, La représentation de l’espace par Marguerite Duras dans le cycle romanesque asiatique : les lieux du ravissement, 2004.
MOUNIC Anne, Psyché et le secret de Perséphone. Prose en métamorphose, mémoire et création (Katherine Mansfield, Catherine Pozzi, Anna Kavan, Djuna Barnes), 2004.
DULA-MANOURY Manoury, Queneau, Perec, Blanchot, Eminences du rêve en fiction, 2004.
ANOUN Abdelhaq, Abdelfattah Kilito : les origines culturelles d’un roman maghrébin, 2004.
GITENET Jean Antonin, Le no man’s land de l’image dans « Elle » de Jean Genet. L’homme disloqué, 2004.
Marguerite Duras: écriture et politique

Dominique Denes
Sommaire
Critiques Littéraires Page de titre Page de Copyright Introduction Chapitre I - LES CONDITIONS DE L’ÉCRITURE ET DE L’ÉCRITURE POLITIQUE Chapitre II - EXPRESSION DES POSITIONS POLITIQUES CHAPITRE III - VERS L’ ÉTHIQUE DU TOUT DU MONDE ET L’ ESTHÉTIQUE DE LA GLOBALITÉ Conclusion NOTES BIBLIOGRAPHIE INDEX DES ŒUVRES INDEX DES NOMS PROPRES
© L’Harmattan, 2005
9782747581509
EAN : 9782747581509
Introduction

Je suis très connue, mais pas de l’intérieur. Je suis connue autour, voyez, pour de mauvaises raisons, souvent. [...] Ça se fera naturellement après ma mort, ça, je pense, très naturellement. Mais j’attire la misogynie d’une façon particulière. 1
Marguerite Duras est un des écrivains qui aura le mieux servi l’écriture, la sienne et celle des autres. Non seulement elle aura, en un demi-siècle de création multiforme, imposé son nom dans la littérature du XX e siècle, mais elle aura déclenché des réactions passionnées qui ne se sont pas éteintes avec elle : il y a bel et bien un « effet-Duras » 2 .
Poussée par le principe vital de la création continue qui lui fait dire que quand elle écrit, elle ne meurt pas, et en dépit des ombres portées par les trous noirs de la mort dans les dix dernières années de sa vie, elle aura créé au total quarante récits, quinze pièces, dix-huit films et deux scénarios, sans compter les innombrables articles de presse et les entretiens accordés à la presse et à des amis écrivains. Mais autant sa production littéraire et artistique lui a acquis un statut d’écrivain reconnu, autant ses déclarations abruptes et ses prises de position politiques ont fait d’elle une intellectuelle extrêmement contestée. Son seul nom déclenche la dialectique de la fascination et du rejet. Duras a ses lecteurs et ses commentateurs, et parmi ces derniers, bon nombre ont reconnu l’emprise qu’avait l’œuvre sur eux. Avec Alain Vircondelet, Madeleine Borgomano, Madeleine Alleins, Aliette Armel, Danielle Bajomée, Julia Kristeva nous met en garde contre le travail de cette « toile d’araignée » : « malheur au lecteur complice qui succombe à son charme : il peut y rester pour de vrai » 3 .

À côté de cette adhésion de nature sensible et esthétique, se manifeste une attitude de dénigrement qui fustige en Marguerite Duras son excentricité, au sens premier du terme. Ses détracteurs voudraient la voir se cantonner dans le champ de la littérature, voire de l’art tout entier, mais ne lui pardonneraient pas de se manifester dans celui de la vie, de la société, et encore moins de la politique. Duras serait « trop ». Impression partagée qu’exprime ainsi Madeleine Chapsal : « Il y a, dans tout ce que fait Duras, cet élément de gêne ( Tu me tues, tu me fais du bien ) elle est trop proche, trop près, elle est trop » 4 . Ce que Duras elle-même, invitée à Ex Libris le 15 février 1990, traduit en ces termes : « De quoi elle se mêle, Duras ? », «Elle exagère, Duras. [...] J’ai ça inscrit sur le front ». Sont généralement considérées comme des « incartades » typiquement durassiennes, plus encore que les excès de sa vie personnelle, les prises de position tranchées qu’elle livre volontiers aux médias et d’une manière globale, sa liberté de propos et de pensée.
Duras n’a pas la force d’effacement d’un Julien Gracq ou des autres écrivains en retrait. Sa problématique d’écriture lui a fait adopter une position et une posture singulières que synthétise au mieux le concept original de « la chambre noire ». Ce concept est polysémique : chambre de l’écriture et de la lecture notamment, la chambre noire semblerait le lieu clos et imperméable par excellence, « une sorte de logement en soi, d’ombre, où tout va, où l’intégralité du vécu s’amasse, s’entasse » 5 , orienté vers l’obscurité intérieure de l’être et de la création, si elle n’était aussi chez Duras un lieu interfaciel et osmotique à partir duquel l’écrivain solitaire observe et rejoint les autres et le monde. L’idée qu’elle est « peut-être une chambre d’écho » vient à l’auteur au cours de l’entretien qu’elle a avec Xavière Gauthier pour Les Parleuses en 1973, et le concept de la chambre noire court dans son œuvre du Camion (1977) à Yann Andréa Steiner (1992). Outre son sémantisme et sa symbolique, il conviendra d’examiner son évolution. L’entrée en résonance de l’écrivain avec son siècle évoque infailliblement la mission hugolienne du poète, écho sonore de son temps, relayée au XX e siècle par la notion-phare de l’engagement sartrien de l’écrivain, embarqué quoi qu’il fasse. Mais même si elle a lu Hugo dès l’enfance et a accompagné Sartre un temps, Duras se détache d’eux par sa modernité, au sens où le signifié ne prend jamais le pas sur le signifiant et sur le mystère de l’écriture tout entier. Ce qui l’intéresse dans la réfraction du monde extérieur que permet la « chambre noire » de l’écriture, c’est aussi son caractère de laboratoire graphique scripturaire, esthétique et artistique, « la transformation que ça subit », « ce son que ça rend quand ça passe par (elle) » 6 . Il s’ensuit que l’intérêt porté à la marche du monde confère à l’œuvre un aspect politique indubitable, dont l’importance et la permanence et n’ont d’égal que ses remarquables ambiguïtés.
Quel rapport entretiennent donc dans l’œuvre durassienne l’écriture et le politique ? Ce rapport ouvre un champ exploratoire qui a été longtemps délaissé 7 , comparativement aux aspects thématiques, psychanalytiques ou métaphysiques de l’œuvre. Je me propose de montrer qu’en dépit de l’importante inscription du politique dans son oeuvre, Marguerite Duras n’est rien moins qu’un écrivain politique. Aucun de ses textes ne sert à proprement parler de doctrine et de programme, même pas durant la période de son adhésion à un parti politique. Tous expriment, à un moment ou à un autre, un mépris de la pensée et de l’analyse qui fondent pourtant les vrais engagements. La plupart ne communiquent que des cris et des silences, des désirs et des doutes. Et si l’on regarde la vaste perspective que trace un demi-siècle de créativité, il apparaît que le processus de mise en cause et de mise en doute qui anime cette œuvre l’a conduite du tout politique au tout poétique, et parallèlement, du réel à la perte du réel et à sa poétisation.
Politique et écriture sont à définir. Par « politique », on entendra, conformément au sens étymologique, tout ce qui est relatif à la cité, au gouvernement de l’État, et, conformément au sens commun, tout ce qui réfère à l’exercice du pouvoir et à l’opposition à ce pouvoir, aux idéologies, et aux affaires sociales. L’examen de l’emploi de ce terme-clé dans l’œuvre durassienne fera apparaître un sens privilégié. « Écriture » est un terme plus complexe dont on doit à Barthe

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