Venezia Santa Lucia

Cristina Diaz Abella

Description

Fuir Hagen, Allemagne, et ce mariage qui se dissout, avec, pour seul compagnon de voyage, Calypso, son chat. Attraper un train, puis un vol pour l’Italie. Destination Pesaro. Descendre au Savoy. Discuter avec Lu Chen, son éditrice, d’un projet qui, elle le sait, s’avérera insurmontable. Et entre deux portes, croiser, juste à côté du théâtre Rossini, le regard d’un homme, déjà conquis. L’oublier. Puis, étrangement, se le remémorer. Alors, malgré soi, le rechercher, forcer la rencontre. Sans toutefois capituler et se rendre à ses désirs. Parce que l’amour a encore un goût amer. Parce que toutes les blessures n’ont pas été pansées. Parce que s’éprendre n’est jamais futile, léger, anodin et que l’on risque toujours de s’y brûler l’âme. Style épuré et dépouillé pour récit fantomatique et brumeux. Suivant les déambulations sentimentales et italiennes de Julia Fernandez, héroïne-silhouette, personnage ténu, "Venezia Santa Lucia" laisse deviner, derrière son austérité apparente, les tremblements d’un cœur féminin frappé d’atonie, en quête d’un nouveau rythme et d’une réconciliation avec soi. Gagné par une atmosphère de plomb et crépusculaire, lourde de non-dits, de silences et de mots à part soi conservés, ce roman minimaliste confine à la sèche limpidité de l’écriture durassienne.

Sujets

• Allemagne
• Fiction

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 01 mars 2012
• Nombre de lectures: 55
• EAN13: 9782748349818
• Langue: Français

Extrait

Venezia Santa Lucia

Cristina Diaz Abella Venezia Santa Lucia

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0113909.000.R.P.2009.030.40000 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2009

Chapitre I : Hagen Septembre. Au loin, une allée grise se dessine, des mè- tres et des mètres de pavés de rue. Une cité maudite, jadis rasée lors de la Deuxième Guerre mondiale… Sur cette avenue déserte, une silhouette noire, dressée par deux épaules maigres, virgule dans un monde incolore, s’avance à pas lents. Ses talons aiguilles grincent sur le sol et fixent l’écho dans l’espace. Un chapeau noir dissimule un visage pâle et hâlé de poudre translucide, des joues à peine rosées, des lèvres rouges et des yeux noirs, outra- geusement maquillés. Les cheveux sont lisses, rattachés en chignon vers l’arrière. Cette femme vient d’un autre monde, cette femme n’est pas à sa place. Son élégance témoigne d’une tristesse à sa différence. Elle n’est pas allemande mais latine. Comment a-t-elle atterri en ce lieu infâme du bassin de la Ruhr qu’on appelle Hagen ? Cette femme en deuil fuit son existence. Pour quelle raison s’est-elle perdue ? Pourquoi ce regard, reflet mo- rose d’une vie mortuaire et sans motivation ? Son corps ondule sur l’horizon, le vent joue avec la fu- mée d’une cigarette qu’elle tient avec nonchalance. Elle se rapproche de la gare, se dirige vers la poste, entre dans le bâtiment. Là, une rangée infinie de coffres-forts longe le mur, di- visant la surface en une multitude de petits compartiments. Elle se colle aux parois, continue à avancer, s’arrête de-

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vant un des casiers, numéro 2327. Puis, elle écrase sa ciga- rette dans un cendrier qui se trouve non loin de sa hanche. Des doigts filiformes composent un code d’accès. La cassette semble vide. De sa main gantée de velours, elle en tire deux billets d’avion. La femme les regarde un instant, embrasse l’un, l’enferme dans son sac et remet l’autre en place. Elle verrouille le coffre derrière elle, re- garde au ciel le plafond de l’établissement. La radio passe une vieille chanson de Barbra Streisand. Son sac de voyage au sol, en fine maroquinerie de cuir brun, un modèle ancien, semble terriblement pesant. Sa chemise, entaillée sur le col, est refermée par un camée d’une dimension peu commune. Son tailleur ondule sur des courbes musclées par l’effort. La beauté possède cette femme ; cependant, elle ne paraît pas s’en soucier. Dans une petite cage, un félin noir et blanc. La chatte, seul compagnon de voyage. Quelque part entre son univers et l’allure que seule la grandeur donne aux êtres dotés de prescience, un cœur ouvert s’est déchiré. Elle reprend son bagage. Un quai, une gare. Le souvenir et l’exil. Oui, il faut par- tir. Il y a des départs qui sont des nécessités lorsqu’on a plus d’espoir, lorsqu’on crie au viol de ce qu’on est par une existence qui nous est devenue fétide. Lorsqu’on ne croit plus en rien.

* * * Le train s’avance sur la ligne, dans la prolongation de l’espace. Mais alors qui est cette femme, cet ange déchu vêtu de noir ? Sa jambe, galbée de résille, escalade l’escalier de l’inter-city express, terrible engin de luxe. Elle s’assied dans le wagon-restaurant, en sens inverse de la marche, baisse les yeux. En face d’elle, un homme peut-être soixante-dix ans, manchot, la prothèse accrochée au bras, ornée d’un gant de cuir noir. Une femme passe au

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