Voix et chroniques d une autre Egypte
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Voix et chroniques d'une autre Egypte , livre ebook

-

166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Dans cette chronique vagabonde de l'Egypte d'aujourd'hui, Patrick Longueville et Hervé Piquet portent un regard différent, forcément subjectif et même clairement engagé, sur une Egypte encore méconnue. S'aventurant dans les arrière-cours ou poussant des portes dérobées, ils ont voulu faire entendre la voix de ceux qui, d'habitude, se taisent ou que l'on n'écoute pas. Et d'abord celle des femmes égyptiennes : paroles surprenantes et inoubliables de femmes de tous âges et de toute condition, les unes voilées et les autres non.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 30
EAN13 9782336251684
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296100909
EAN : 9782296100909
Voix et chroniques d'une autre Egypte
Au fil du Nil

Patrick Longueville
Hervé Piquet
Remerciements
à Lucile, la Dame du Nil,
à Claude Bureau, le graveur de Sèvres,
à mon comité de lecture improvisé, Claire Chastrusse, Marie-Madeleine Manenti, Viviane Sidhom, Arnaud Cruiziat, Laurent Nicolas,
et aussi
à Oncle Amine, mémoire vivante de l’Égypte, le passeur, l’ami,
à Sébastien, le compagnon idéal de découvertes inoubliables,
ainsi qu’à tous ceux qui liront notre livre.
Les voix des Femmes sans voix se voilent le jour et suspendent leurs chants pour ne pas mourir à l’aube.
Patrick Longueville
Autant en emporte le Nil : des mots, des images, des impressions, des histoires. Et puis il y a le reste, tout le reste, tout ce qui dure, résiste et qui finalement compte le plus : la générosité, la dignité et aussi la beauté du peuple égyptien.
Hervé Piquet
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Remerciements Tous les matins... Eux Alexandrie s’éveille... Fulla Avec vue sur le Nil La Dame du Nil L’immeuble Nile Panorama Khaled, le seigneur des réseaux Vingt-cinq ans de bons et loyaux services La Femme du désert La résisdanse du ventre ? Siwa, si loin... La fille de la femme au qatra L’oasis des momies dorées Louxor, le temple de la lecture La muse de Louxor Le sang des roses Fleur d’hiver Une journée au Fayoum Le charme de Sharm Les forteresses de la foi Au Sinaï Deux par heure Les fantômes d’Ismaïlia Une visite nocturne de la mosquée Ibn Tulum Rien n’est impossible... La péniche du cercle des écrivains Un soir au Khan Khalili Les deux vendeuses de Minya La rédemption La langue égyptienne : mode d’emploi
Niayat Al Hayat : Fin de vie
Tous les matins...
Tous les matins, j’observe le rideau qui décompose la lumière solaire. Il restitue les couleurs dans des nuances bleutées qui progressivement s’emparent de l’appartement. Les plis du rideau se transforment en une infinité de lèvres inférieures qui semblent sourire. Le rideau, ce rideau de tous les matins, présente un visage bien incomplet, sans nez et sans yeux, seule sa bouche sourit. Le sourire, un vague souvenir qui s’est enfui de mes lèvres depuis que Samir et Rami reposent dans leur dernière demeure. Peut-être m’envoient-ils l’image de leur visage par ce messager de tissu afin que leurs sourires accompagnent ma journée.
Le grand appartement, qui symbolisait notre ascension sociale, se dégrade au rythme de mon ennui. Jadis, il résonnait de rires et de sourires, il s’emplit aujourd’hui de vides et de silences. J’ai toujours pensé que le rire résultait d’une réaction individuelle à un événement. Nous ne rions pas tous des mêmes choses, alors que le drame réunit tout le monde. Tout le monde pleure devant la mort. Dans l’immeuble, le drame fédère ses habitants unis dans la douleur de notre religion. Ici, nous sommes tous coptes, citoyens égyptiens de confession chrétienne.
Après ma contemplation matinale des inflexions du soleil à travers les méandres du rideau, j’attends que ses rayons enveloppent le fauteuil de Samir. Ce cérémonial terminé, je m’apprête pour mon évasion quotidienne loin de la pesanteur de l’appartement et de l’immeuble. Ses habitants forment inconsciemment une association de gens perdus dans leur confession. Ces égarés ne se retrouvent que dans leurs désespoirs et dans leurs peurs. Malheureusement, l’addition de deux, trois ou quatre égarés ne fait jamais un retrouvé.
Chaque jour, j’effectue un pèlerinage qui me conduit de l’église Mar Guirguis au cimetière, puis, au collège Saint-Marc et qui, pour finir, s’aventure dans le marché aux poissons. Parfois, mes pas m’entraînent jusqu’au pont. Là, les pêcheurs se regroupent dans ce bidonville multicolore dont la palette, malgré la pauvreté du lieu, lui confère un aspect joyeux et léger. Cependant du pont, quand je regarde les barques peintes en bleu et jaune et décorées par cet œil transpercé d’une flèche d’où s’écoulent trois larmes, je ne peux pas m’empêcher d’associer cette image symbolique au deuxième fleuve qui arrose l’Égypte : les larmes. Coptes et musulmans s’y noient comme frères pour toujours.
Je connais chaque pêcheur, leurs femmes et leurs enfants. Nous parlons, nous plaisantons et nous rions. Cette complicité récente avec eux remonte au dixième anniversaire de la mort de Samir. Ce jour-là, elle s’est confondue dans un immense bonheur et une bouffée d’air pur. Pourtant, mon statut de bourgeoise alexandrine m’a éloigné des joies simples de ces petites gens qui, malgré les difficultés quotidiennes, cultivent la dérision et l’humour. Comment ai-je pu passer à côté de cela ? Tout intérieurement, j’ai souri en repensant au titre de cette pièce qui malgré nous a déchaîné la haine entre coptes et musulmans : J’étais aveugle et maintenant je vois . Malgré la forte connivence et le respect mutuel qui s’étaient établis entre nous, les pêcheurs m’ont incité, pour me protéger, à éviter le marché et le bidonville après les violences qui avaient opposé nos deux communautés. J’ai laissé passer une semaine et puis, je suis revenue. Leurs sourires ont de nouveau accompagné mes pas. Mais, jusqu’à quand serai-je la bienvenue, moi la copte, dans ce quartier musulman ?
Lors de ces dernières violences, quinze mille musulmans ont voulu prendre d’assaut notre église. A l’origine de cette nouvelle croisade, il y a eu, en prétexte, le refus du Patriarche d’Alexandrie, Chénouda III, de présenter ses excuses aux musulmans pour avoir laissé jouer, par des amateurs, cette pièce de théâtre deux ans auparavant. J’ai assisté à cette représentation caricaturale et incitative à la haine. Je me suis empressée d’oublier cette pièce au titre racoleur. Jugée humiliante, à juste titre, par les musulmans, elle racontait maladroitement l’histoire d’un chrétien qui se convertissait à l’Islam. Il était poussé par un cheikh à tuer des prêtres et à détruire des églises. Déçu par sa nouvelle religion, il y renonçait. A l’époque, le Patriarche Chénouda III avait immédiatement suspendu ses représentations sine die .
Deux ans après, prenant prétexte de ce pastiche, quatre coptes furent tués et plus d’une centaine blessés. Les nouveaux croisés et leurs cohortes d’islamistes répondirent à la stupidité par leur barbarie sanglante. Le quartier de Moharem Bek, qui abrite l’église Saint-Georges, fut mis à feu et à sang. Les commerces et les immeubles furent pillés. Qu’avions-nous fait pour subir tant de violences ? Combien, parmi ces apprentis barbares, avaient assisté à cette représentation, négation de toute tolérance ?
Bien évidemment, le gouvernement égyptien s’est abstenu de condamner ces pogromes dont les victimes furent toutes des citoyens égyptiens de confession chrétienne. Par la suite, en coulisse, j’ai appris qu’une enquête diligentée par la sécurité d’État avait révélé qu’une manipulation d’un courant islamiste extrémiste, pendant la période du Ramadan, en avait été à l’origine.
L’intolérance, car il s’agit bien de l’intolérance, nous enserre de tous côtés. A l’intolérance de certains musulmans, une minorité d’entre nous, coptes, répond par une radicalisation stérile. Quand je pense à mon immeuble et à ses habitants, j’y vois une maison de retraite pour coptes, totalement hermétique à la vraie vie alexandrine. Comment en sommes-nous arrivés là ? Toutefois, j’attends avec impatience la fin de 2007 car, cette année-là, les fêtes musulmanes, chrétiennes et juives concorderont. Les fêtes de toutes les religions seront célébrées au même moment. Nous serons tous unis dans la fête des fêtes et non dans le malheur et les larmes. Je rêve que cette onde vertueuse de tolérance submerge mon pays à la vitesse de la lumière. Cependant, je n’ose trop y croire car, malgré l’action d’intellectuels musulmans, ces Luther de l’Islam , je doute qu’ils parviennent à immuniser l’Égypte contre la contagion islamiste.
Tous unis dans quatr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents