Marie-France l orpailleuse
162 pages
Français

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Marie-France l'orpailleuse , livre ebook

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Description

Marie-France l'Orpailleuse est un captivant récit, riche en péripéties, d'une sans-papiers, qui débarque en France la tête pleine de rêves. L' héroïne au coeur de poétesse relate avec une profonde émotion et une lucidité pathétique son parcours jonché de pépites existentielles d'une autre nature, à commencer par l'accueil qui lui est fait par sa cousine, qui la traite comme une esclave. Mise au pied du mur face à son destin, elle doit choisir entre la mort lente à Paris dans l'anonymat ou affronter la honte vitriolique du retour.ŠA travers le parcours de Marie-France, ce roman pose le problème de l'immigration et surtout celui du retour au pays natal.ŠŠŠŠ

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 100
EAN13 9782296488489
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie-France l’orpailleuse
Écrire l’Afrique Collection dirigée par Denis Pryen Romans, récits, témoignages littéraires et sociologiques, cette collection reflète les multiples aspects du quotidien des Africains.Dernières parutions Jules C. AGBOTON,Ma belle-sœur (et quatre autres nouvelles), 2012. Joseph NGATCHOU-WANDJI,Le Vent du Printemps, 2012. Faustin KEOUA LETURMY,Dans le couloir du campus, 2012. Abdou DIAGNE,Les Larmes d’une martyre, 2012. René GRAUWET,Au service du Katanga. Mémoires, 2012.Antoine MANSON VIGOU, Journal d’un demandeur d’asile, 2012. Brigitte KEHRER, Poudre d’Afrique, 2012. Patrick Serge Boutsindi,Bal des Sapeurs à Bacongo, 2011. Alice Toulaye SOW,Une illusion généreuse, 2011 Kapashika DIKUYI,Le Camouflet, 2011. André-Hubert ONANA MFEGE,Le cimetière des immigrants subsahariens, 2011. José MAMBWINI KIVUILA KIAKU,Le Combat d’un Congolais en exil, 2011.Aboubacar Eros SISSOKO,Mais qui a tué Sambala ?, 2011.Gilbert GBESSAYA,La danse du changer-changer au pays des pieds déformés, 2011. Blommaert KEMPS,Confidences d’un mari désabusé, 2011. Nacrita LEP-BIBOM,Tourbillons d’émotions, 2011.Eric DIBAS-FRANCK,Destins maudits, 2011. Zounga BONGOLO,L’arbre aux mille feuilles, 2011. Otitié KIRI,Comme il était au commencement, 2011. Mamadou SY TOUNKARA,Trouble à l'ordre public,2011. Liss KIHINDOU,L’expression du métissage dans la littérature africaine. Cheikh Hamidou Kane, Henri Lopes et Ahmadou Kourouma, 2011. Jacques ATANGANA ATANGANA,Les fourberies d'Essomba, 2011.
Angeline Solange Bonono Marie-France l’orpailleuseRoman L’HARMATTAN
Du même auteur
Soif Azur(poésie), Les éditions de la Ronde, Yaoundé, 2002. Déesse Phalloga(théâtre), éditions SOPECAM, Yaoundé, 2004 Bouillons de vie(roman), éditions les presses universitaires, Yaoundé, 2005 Le journal intime d’une épouse(roman), éditions SOPECAM Yaoundé 2007 © L'HARM ATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96359-7 EAN : 9782296963597
1 Cette nuit, j’ai vieilli de dix ans. Je suis comme brusquement et durement frappée par une traîtresse maladie dégénérative. Ne me demandez pas comment, je le sais. Je le sens. Maintenant, je suis effondrée sur une marche d’escalier. Je somnole et je remâche mon errance. J’ai regretté ma pauvre sécurité du pays. J’ai hurlé à ma situation d’immigrée et gémi à mon travail sacrifié. J’ai pleuré mon pays greffé dans mon cœur et dont l’indifférence à la misère de ses enfants, jette ceux-ci dans l’océan du désespoir. Si vous vous mettiez à ma place – oh, rien qu’une petite seconde, je sais que la vôtre est plus confortable devant votre petit-déjeuner - vous comprendriez. Imaginez donc un pays, le mien, bien sûr, un pays rugueux qui a parfois oublié de décliner sa magique psyché, l’oxygène de sa terre bénie des Dieux, de son char de feu, de ses savoureuses gambas. Quand je me perds dans la poésie à deux balles – vous pouvez quand même aimer, je ne vous en empêche pas -, c’est que ça va mal. Ma condition est pénible, et dire que ça va mal c’est le plus plat des euphémismes qu’il m’ait jamais été donné d’émettre. Pardonnez-moi, parfois je fais mieux, mais en ce moment, je manque totalement d’inspiration. Ce pays âpre qui a souvent omis de faire rayonner sa belle histoire. Ce pays acide qui a refusé de dérouler ses parures et ses subtilités. Ce pays suave, encore nommé « Demeure de Dieu » par mon Grand-père, qui a négligé de moduler les tendres tonalités de ses bambous et de la froidure de son béton, ses paysages survitaminés et ardents, le souvenir opulent de sa table enchantée, l’enthousiasme moribond de ses humains qui, chaque jour, essayent de draguer les abîmes de la médiocrité. J’ai pensé à mon pays encore appelé « Triangle National » - des esprits malins ou peut-être tout simplement inspirés, le surnomment Triangle des Bermudes - comme ailleurs on parle d’Hexagone et chaque fois que j’ai une montée d’adrénaline, la magnificence de mon pays m’envahit et me hante.
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Le ciel a couiné avec moi, il a fait la gueule et moi avec lui. Souvent, je suis au diapason du ciel et pas seulement les nuits de pleine lune. C’était très désagréable. Le mot « désagréable » est faible et vous pouvez le remplacer. C’était franchement et sans exagération, terrible et terrifiant. Moi qui ordinairement aime la pluie. Mais il y a pluie et pluie : pluie à trente degrés sous l’équateur et pluie à dix degrés sur Paname. Je me souviens que quand j’étais petite, j’adorais la pluie qui venait nous soulager de la canicule, apaisant les brûlures de soleil. Je jouais avec mes amis sous la pluie en chantant plus fort que les éclairs et le tonnerre. Nous enlevions nos chaussures, au grand désespoir de nos mères, et barbotions dans la boue qui caressait nos pieds nus. Quand une sangsue en goguette choisissait le pied de l’un ou de l’autre, il n’y avait pas de jaloux. Chacun allait avoir son tour. Plus dur était le palu. Mais après quelques jours de délirion très mince - évidemment, ce n’était pas l’expression exacte, mais c’est ce que nous entendions – tout revenait dans l’ordre, mort ou vif. La pluie nous excitait et les tièdes gouttes sur nos corps frêles nous faisaient crier de joie. Cette fois, ce n’était pas le cas ! Ce n’était pas la même pluie. Celle-ci était mal intentionnée. Elle était glacée, furieuse et si acharnée que j’ai ressenti toutes les sensations d’un tambour qui reçoit une pluie de coups. Elle a craché sur mes vicissitudes et mes malheurs qui dotés du talent d’Alain Bernard que vous connaissez tous, ne se sont pas noyés. Je n’ai réussi qu’à avoir une tête délavée, dégoulinante d’eau et le corps traversé de frissons. Pendant un long moment, j’ai subi la folle sarabande de gouttes de plomb sur mes rages, mes espoirs, mes larmes et mon âme déprimée. Hier soir, lorsque Sarah et Dominique Duchemin m’ont jetée dans l’ouragan, mon délire a affaibli mon instinct de protection. Au fond de moi j’ai supplié la flotte de m’euthanasier. Puis abêtie par les gifles du vent et les cascades d’eau glacée en colère, j’ai repéré un auvent et je m’y suis réfugiée. Trempée jusqu’aux os, j’ai grelotté de froid. Mes dents tourmentées se sont entrechoquées comme des voyous en rixe, puis, je n’ai plus eu froid. Le froid s’est fatigué de me supplicier. J’ai saigné de mes névroses et du reste, si vous voyez ce que je veux dire. C’était horrible ! Et cette garniture qui suintait d’eau et de
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sang ! Je me suis déshabillée et toute nue avec l’indifférence d’un cadavre qui n’a plus peur du cercueil comme lorsqu’il était vivant, j’ai machinalement essoré mes fringues et la serviette hygiénique qui s’est d’ailleurs émiettée. J’ai alors eu la géniale idée de plier mon foulard et de me garnir. Un clodo réveillé par ma présence insolite a lancé après m’avoir examinée : « Blanche-Neige, on a besoin d’être réchauffé, approche ! » J’ai été prise d’une peur inutile car ce type titubant ne serait pas capable de tuer une mouche. J’ai quand même éloigné mon anatomie congestionnée, tout en me rhabillant à la va-vite. J’ai marché au hasard, dans la grande ville froide, inhumaine, en frottant mes doigts gourds et calleux. Avisant une véranda hospitalière, j’y suis allée finir de me revêtir, et attendre le trépas par le froid. La vie est un film dont le réalisateur est invisible et les êtres humains ne sont que des acteurs qui font ou subisse l’action. A chacun son film. Mon film à moi, s’étale devant mes yeux. Voici la partie du film où j’étais agent de l’Etat. Ce n’était pas le Pérou, certes, mais, je suis à deux doigts de penser que la sécurité d’une vie médiocre vaut mieux que l’insécurité permanente des chimères sur une vie meilleure. Je gagnais une poignée de monnaie de singe. Et je dis cela convaincu que le singe savant d’un cirque réputé, se vexerait s’il avait vu mon salaire. Mais les expressions sont tenaces et l’on ne peut pas toujours les adapter aux circonstances. Surtout, je sais qu’un singe assez savant pour lire mon récit, me comprendrait et ne m’en voudrait pas. Ce salaire était une blessure qui, depuis un an, m’a exilé de mon pays. Après des études et une licence, je gagnais moins qu’un instituteur des années 60. À vingt-neuf ans, j’étais encore jeune, je devais me battre pour m’en sortir. Je ne supportais pas l’idée de vivre ainsi logée à la même enseigne miséreuse que ceux qui avaient choisi l’école buissonnière et qui se gaussaient ouvertement des déboires des Longs Crayons. Il n’était pas rare d’entendre une voix goguenarde ricaner : « Ceux qui sont allés à l’école et nous qui sommes passés à côté de l’école, c’est pareil ! Où est la différence ? Va dire ! » Il est vrai qu’on ne va pas à l’école pour s’enrichir, mais on doit normalement espérer en vivre décemment. Ce n’est pas
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trop demander ! Dans mes profonds moments d’abattement, je pensais que l’école ne servait qu’à mourir de faim lucidement, en toute conscience. Car, au contraire de l'ignorant, vous ne cessez d’analyser votre situation. L’analyse a sans doute une fonction de démultiplication, d’hyperbolisation. Le plus dramatique, c’est qu’au pays, le mérite n’est pas reconnu. Si le mérite était reconnu, il y aurait une chance pour les démunis intelligents et travailleurs, sinon de se hisser au sommet, du moins d’améliorer leur quotidien. La seule boisson du pauvre, c’est la hargne du riche à le narguer. Révoltée, je m’étais jurée de me battre pour changer de couloir. J’avais décidé de refuser l'héritage de la misère et de briser la malédiction sociale selon laquelle, un fils de pauvre ressemble à ses parents. L’immigration offrait un créneau. Je voyais les effets inestimables de l’Internet. Toutes les filles de mon quartier même celles qui ne savaient ni lire et écrire, avaient trouvé des vieux Blancs sur Internet, aidées par des moniteurs des Cyber Café. Il faut dire que chez nous, un Blanc sur Internet est toujours vieux, même s’il est jeune. Les filles les femmes de tous âges, disent : « Je vais surfer sur Le Net et trouver mon vieux blanc » Elles construisaient des luxueuses demeures à leurs parents. Moi aussi, je portais le noble rêve de sortir ma famille de la vie merdique qu’elle avait toujours subie. Cependant, je trouvais répugnant et humiliant de prendre le même chemin que ces filles de rien, alors, j'avais dû écrire à ma cousine Messina Sarah Duchemin installée en France depuis belle lurette. C’est grâce à elle que je suis arrivée à Paris.
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