Si peu d humanité
328 pages
Français

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Si peu d'humanité , livre ebook

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328 pages
Français

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Description

L'auteur partage dans ce livre les expériences de terrain qu'il a vécues comme acteur humanitaire, au cours de cinq missions en Afrique au service de différentes ONG internationales. Ses prises de position, ses émotions, ses réflexions directes renvoient l'image d'un monde trop souvent secoué par la brutalité et la cruauté d'une terre déshumanisée. Un carnet vivant, révélateur d'une actualité souvent ignorée de ceux qui ont la chance de vivre dans un contexte démocratique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 260
EAN13 9782336279114
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296104150
EAN : 9782296104150
Si peu d'humanité

Patrick Kelders
A Vivien, fidèle et discret ami du bout du monde, puisque, ensemble, nous avons partagé une épreuve hors du commun.
A Elsa, dont j’ai croisé le chemin, pour sa foi en l’humanisme.
Et bien sûr, à Sophie, et mes enfants, Nathan et Sébastien, qui m’ont permis de vivre ces moments intenses, que j’espère utiles pour d’autres que moi.
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace Où commence une aventure humanitaire… Changement de cap Palabres nocturnes Urgence humanitaire Terre africaine Un parfum de réconciliation Une mission pour (presque) rien Séjour au néolithique C’est l’histoire d’un type… Urgence humanitaire (suite) Voyage au bout de l’horreur Break à Zanzibar “On behalf of captain, welcome on board for the UN flight WFP Whisky”… Ce n’était qu’une plaisanterie Les aventuriers de l’âme perdue Le jardin pentu de Diane Fossey Cauchemar diurne Croisière sur le Haut Nil Ouverture de mission Incident Sauf que… Fêtes de fin d’année au Rwanda Implosion Au rythme d’ici Surimpression de misère Les versants du monde Un projet à l’eau Rencontre avec un éléphant sur la lagune Pèlerinage Réflexion L’Afrique silencieuse L’anniversire d’un petit garçon Comme un sentiment de bonheur Jouer à se faire peur Au cœur de la détresse Lettre à mon fils Une fête sans moi… Plaidoyer pour plus d’humanité Elsa Carte du Rwanda Carte du Burundi Carte de la Centrafrique Carte du Bénin Carte du Soudan Carte de l’Afrique Photos
Où commence une aventure humanitaire…
Lyon – Nairobi – Lokichokkio, Kenya
C’est l’heure où tous les chats sont gris…
Je regarde par les vitres du taxi les rues désertes de Lyon, les lumières sur le Rhône. Des panneaux familiers, des lieux connus - Genève, Grenoble, Chambéry, Annecy -, je suis presque chez moi, mes montagnes ne sont pas loin.
Loin, j’y retourne.
Le type qui conduit, affable, m’interroge : - Terminal 1 ou 2, Monsieur ? - Vol Bruxelles, lignes internationales. - Dans quel pays allez-vous ?
Je me surprends à répondre : « Au Soudan, pour une mission humanitaire de protection et d’assistance aux réfugiés. »
Le Soudan !
Il y a un mois encore, je n’aurais pu dire trois mots sur ce pays et son histoire, si ce n’est des banalités d’usage, stéréotypes idiots en décalage absolu avec la réalité que je vais vivre.
Etrange de m’entendre raconter à ce chauffeur de taxi – cinq heures du matin
– une réalité qui, il y a peu encore, m’était totalement inconnue.
Etrange de réaliser que c’est moi qui, ce 3 janvier à l’aube, m’en vais vers une aventure humaine et professionnelle de forte intensité sur mon échelle émotionnelle.
Depuis, quelques heures.
Depuis, des univers se succèdent.
Une soirée à la terrasse de l’hôtel, Nairobi, Kenya, des blagues, ‘ a sense of humour ’ en anglais ; on apprend à se connaître.
Un repas très intime, entre cinq ‘expats’ d’horizons éclatés. La discussion, très vite, va à l’essentiel : la religion, le sens de la vie, les valeurs humaines. Y a-t-il un fonds de commerce éthique universel ?
Privilège de rencontres fragilisées, directes, tellement humaines entre ceux qui ont fait un choix que l’on imagine identique.
Quelles sont les motivations de chacun ?
Où vont tous ces chemins ?
On repart, il est minuit passé, riches d’un échange et d’une écoute sincère. Plus unis. Plus conscients aussi que demain chacun repartira, l’une au Somaliland, l’autre au Soudan, le troisième en Casamance, vivre des réalités fortes, engagées sans doute, face au danger, face aux difficultés d’intégration culturelle, face aux alchimies relationnelles parfois brouillonnes, parfois brouillées ; les mines ou les obus partout dispersés, la peur des rebelles, les femmes voilées ou battues ou ignorées, mutilées… ; les mines et les obus, les femmes voilées et battues et ignorées, et toujours mutilées… car l’équation est gourmande et tous les ensembles malheureusement, trop souvent, s’additionnent.
Ainsi est la vie : une succession infinie de scénarios imprévus, imprévisibles, dans lesquels on apparaît, parfois volontairement, passager le plus souvent du vent et du hasard…

L’avion encore.
Combien de fois suis-je monté dans cet engin ? Vers quelles destinations suis-je parti ?
Au nord du Capricorne, au sud de l’équateur, à l’est du Pacifique, derrière ces horizons mouvants ?
Je rêve, léger, porté et bercé par les turbulences, ces bulles thermiques invisibles, bombées de chaleur.
Ça secoue, ça remue, c’est angoissant et grisant.
Je suis le vol sur ma carte : nous longeons le mont Kenya, ses crêtes rocheuses, anguleuses, fière citadelle défiant le Kilimandjaro repu et bossu, non loin. Voici le mont Elgon dont la cime marque les confins du Kenya : derrière c’est l’Ouganda, le lac Victoria, les sources du Nil, les premières cataractes. Kitale, Samburu, Turkana.
Je repense à cette histoire de la femme blanche qui s’était mariée à un Masaï, contrainte de boire à l’encolure d’une vache le sang chaud giclant du ruminant… Peuple masaï dont les femmes portent encore de larges colliers de perles multicolores, les oreilles percées d’invraisemblables breloques.
Tout est ici comme ça. Vraiment comme ça.
Plus rien que la terre brune, ravinée, sèche, brûlée.
Plus à l’est, l’immense lac Turkana, la ‘ Rift Valley ’, sauvage.
Les origines du monde. Notre histoire à tous débute là.
Des sentes parcourent les fossés.
C’est si bas, c’est si loin. C’est pourtant là que je vais.
Plus de trace humaine.
Où sont les hommes ?
Qu’y aura-t-il plus loin ?
Et là, les montagnes frontières Kenya, Ouganda, Soudan, Ethiopie.
Je ne suis encore qu’au début du bout de rien…

Après une semaine de « briefing départ mission » au siège de Lyon d’Atlas Logistique/Handicap International, l’ONG qui m’emploie, me voici seul, à l’aube d’une expérience nouvelle.
J’ai quitté ma petite famille, Sophie ma femme, Nathan et Sébastien mes enfants de sept et neuf ans, il y a quelques jours. J’ai fait le choix – forcément difficile – de repartir en mission humanitaire : trois mois. Trois mois et davantage si affinités. On verra. Trois mois c’est tellement long.
Un ami m’avait dit avant de partir : « Es-tu sûr de tes motivations au moins ? » Ça m’a secoué.
Honnêtement non, je ne suis sûr de rien… Quitter mon petit monde, ce que j’ai de plus cher, mes habitudes et mon confort, pour un pas de conduite dans ces bas-fonds aventureux. Je me refuse à scruter ma conscience : l’acte gratuit n’existe pas, ce n’est qu’une illusion, un vernis d’héroïsme. Une patine hypocrite ? Non, pas toujours, pas ici. Qu’est-ce qui m’appelle là-bas alors ? La même attirance secrète qui m’entraîne dans les hauteurs alpines chevaucher des arêtes de glace, des couloirs neigeux, des piliers rocheux, aux limites, parfois, du raisonnable ?
Un besoin de sens ; comme si on ne pouvait pleinement trouver et donner de sens à son quotidien ! Un petit supplément d’âme ?
Fuite en avant.Certains diront que, le plus souvent, ces limites sont depuis longtemps dépassées…
Décidément, il y a des forces cachées, innombrables, inconnues de la science, sirènes d’Ulysse que seuls les poètes ou les psys décèlent et croient comprendre.

L’avion, entre-temps, se pose.
Le bout de rien commence ici : le monde est plein de bouts de rien, de bout en bout.
Celui-ci n’a rien à envier aux autres.
Par le hublot, des avions par dizaines, des petits blancs à hélices, UN 1 , CICR 2 , HCR 3 , WFP 4 , UNDP 5 , un balai humanitaire.
Impressionné, presque ému, comme la conscience d’être au cœur de l’action, comme un sentiment qui dirait : « ah c’est ici qu’ils sont », je descends la passerelle étroite

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