Une famille de Harkis
238 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Récit d'une Française fille de harkis qui témoigne de l'impact que les événements d'Algérie ont eu sur sa famille, du quotidien de petits paysans kabyles au long isolement dans les camps forestiers et au désir d'intégration et d'assimilation. Dans le cadre de ce qu'elle a vécu, l'auteur relève les erreurs commises et désigne sans détours ceux qu'elle juge responsables. Elle démontre également que l'on peut retrouver la lumière en combattant et en témoignant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2012
Nombre de lectures 46
EAN13 9782296498907
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une famille de Harkis

Des oliviers de Kabylie
aux camps français de forestage
Graveurs de Mémoire


Cette collection, consacrée essentiellement
aux récits de vie et textes autobiographiques,
s’ouvre également aux études historiques

*


La liste des parutions, avec une courte présentation
du contenu des ouvrages, peut être consultée
sur le site www.harmattan.fr
Malika Meddah


Une famille de Harkis

Des oliviers de Kabylie
aux camps français de forestage
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96749-6
EAN : 9782296967496

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A ma mère Fathma,
A mon Père Mohamed,
Avec tout mon amour
« La vie doit être vécue en regardant vers l’avenir, mais elle ne peut être comprise qu’en se retournant vers le passé. »
Søren Kierkegaard


« Nous avons eu l’impression d’être trahis, ce qui explique notre révolte ».
Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc


« La seule défaite irréparable c’est l’oubli »
Jean Brune
PREAMBULE
Je suis fille de Harki, et j’ai parfois l’impression qu’avant d’être Malika je suis marquée par ce mot : Harki. Non, il ne m’empêche pas de vivre. Non, ce n’est pas un handicap comme une maladie ou un membre en moins. C’est une histoire inachevée alors qu’elle aurait pu être réglée dignement si les autorités de l’état avaient voulu, mais ont-elles seulement souhaité le faire à tous les échelons et au bon moment ?
Je n’ai aucun sentiment de honte. Je n’ai pas à chercher au fond de moi-même la moindre faute. Je suis Française parce que mes parents étaient Français et ont choisi de le rester dans des circonstances douloureuses et difficiles, et qu’à leur suite, sans hésitation aucune j’ai aussi, de mon plein gré, opté pour ce pays qui m’avait accueillie quand des échecs politiques accumulés m’ont obligée à quitter la terre où je suis née. N’en déplaise à certains, cette terre, c’était aussi la France.
Je souhaite simplement tenter de faire ressortir comment : nous, enfants de Harkis, avons ressenti une forme d’abandon de la part de ce pays élu. Malgré ce que nos pères avaient fait pour lui, il nous est apparu de nombreuses fois que nous n’étions pas de vrais enfants de la France. Nous ne sommes pas et n’avons jamais voulu être des immigrés. Nos parents, pour des raisons, et plus souvent des contraintes vitales qui seront évoquées, avaient choisi de tout abandonner de ce qui était leur vie pour tenter un nouveau départ. Nous aurions pu être pour le gouvernement d’alors un magnifique défi. C’était sans doute, pour lui, compte tenu des circonstances, une mission peu aisée, puisqu’il qu’il faisait face alors à des problèmes de politique tant intérieure qu’étrangère. Mais il avait le choix et même le devoir, de prendre des mesures différentes de celles qu’il a choisies. Nous avons été isolés, je pourrais même dire parqués, mis de côté et le plus souvent oubliés. Pour la grande majorité d’entre nous débarquant du « bled », notre degré d’évolution n’était pas celui qu’avaient la majeure partie des Français d’Algérie ! Serait-il acceptable de nous en attribuer l’entière responsabilité ? La France avait-elle veillé en tout temps et en tout lieu à cette évolution ? C’est peut-être cela qui nous rendait le plus dérangeants.
Quelques actions individuelles ont été menées avec succès par ceux qui nous connaissaient et se sentaient impliqués. Mais pour la quasi totalité des Harkis, nos parents d’abord, les enfants en grandissant, nous ne comprenions pas. Personne ou presque n’a fait l’effort de nous expliquer cet inconnu où nous étions plongés avec franchise et clarté. Il nous fallait subir. Espérait-on que par enchantement nous allions apprendre et intégrer en un temps record ce que les européens d’Algérie ou les musulmans des villes avaient acquis pendant plus d’un siècle ? Cela aurait nécessité à la fois un lourd investissement financier et une action d’information à mener auprès de la population métropolitaine qui ne savait pas, ne nous connaissait pas et pour qui nous devenions une charge supplémentaire. Au lieu de mesures franches et massives, on a pris au jour le jour, une « mesurette » par ci, une autre par là. Certes, c’est vrai, on ne nous a jamais totalement abandonnés. On a simplement mis le couvercle sur la marmite et on l’a laissée mijoter dans un coin en veillant à ce qu’elle ne déborde pas trop. Avec le recul, il m’apparaît que nous constituions une sorte de plaie au flanc du gouvernement d’alors, ainsi que pour ceux qui l’ont suivi. Les mesures appliquées nous ont tenus dans une certaine forme d’apartheid.
Nous avons été différents au milieu des autres et ce malgré tous nos désirs d’intégration et d’assimilation. Nous avons ressenti, peut-être à tort me direz-vous, le sentiment d’être suivant le terme consacré : entièrement à part. Notre perception et notre doute n’ont fait que croître quand nous avons fait la comparaison avec la façon dont ont été accueillis les immigrés d’Algérie et de pays d’Afrique nouvellement indépendants venant chercher en France ce que ne leur avait pas apporté cette liberté acquise depuis peu. Ces mêmes Algériens nous qualifiaient de : « traitres » et leur Président, Bouteflika, a même traité nos pères de : « collaborateurs », et ce, sur le sol français, sans que cela ne crée de réactions qui auraient dû être violentes. Nous aurions pu, si nous avions su, proclamer que nous étions des « résistants » car nous avions adhéré à la cause de la France, qui nous demandait de la servir quand d’autres arabo-berbères s’en éloignaient. Est-ce notre faute si la France à fait un demi-tour sans préavis ? Les politiques de quelque bord qu’ils soient n’avaient-ils pas affirmé que l’Algérie, c’était la France et que nous serions des « Français à part entière » ? Alors nous, les enfants de ces Harkis, un grand nombre d’entre tout au moins nous nous sommes battus pour acquérir les connaissances que nous n’avions pas, pour trouver un travail décent et correctement rémunéré et nous avons en partie comblé le fossé. D’autres malheureusement ont peut être moins bien franchi l’obstacle : paresse, atavisme, mode de vie dérangeant, les raisons peuvent se révéler multiples, mais la solitude dans laquelle on les a laissés y est aussi pour beaucoup. Nos enfants arriveront sans doute à faire définitivement cette soudure qui les rendra totalement Français, nombreux sont ceux qui s’y emploient. Mais nos doutes, nos galères les ont marqués. Cependant ils avancent. Mon souhait le plus ardent se résume à une intégration sans partage de nos petits enfants à qui sera reconnu le droit de dire que leurs arrières grands parents étaient des « soldats de la France ». Quatre générations, ce sera le temps nécessaire pour rattraper le monde qui évolue. Si c’est le cas, je ne peux que m’en réjouir, mais cela ne rayera pas d’un coup de baguette magique les souffrances de nos parents.
Je ne me sens pas, pour la forme, différente de mes concitoyens français dans ma vie quotidienne. Je ne suis pas limitée par des règles religieuses, je travaille comme tout un chacun, je respecte les lois de mon pays. Mais sur le fond j’ai parfois l’impression d’appartenir à une espèce de communauté particulière, mais pas de ce communautarisme dont les médias font leur miel. Il s’agit plutôt d’un groupe de quelques milliers de Français qui attend simplement que la Nation atteste enfin qu’ils ont bien fait et au bon moment ce qu’elle leur a demandé de faire et que pour cela ils méritent sa reconnaissance. Que soit reconnu et condamné sans réserve cet horrible massacre perpétré lâchement contre eux après le cessez le feu et l’indépendance de l’Algérie parce que la France les avaient abandonnés malgré les promesses faites auparavant. Pour les Harkis encore survivants ce sera enfin l’occasion de se voir restituer l’Honneur qu’ils ont toujours eu à servir. Moi, je suis toujours « fille de Harki ». C’est à la fois une sorte d’étendard et parfois une cicatrice, maintenant refermée, mais encore sensible. J’en suis certes très fière, mais je souffre d’un défaut de reconnaissance. J’aimerais que soit prise enfin au plus haut niveau de la République cette décision de concéder que les Harkis ont été massacrés ignominieusement du fait de l’abandon de la France. Cette promesse

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