Faux amis

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• Publié par: motorevue
• Publié le: 04 octobre 2012
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• Langue: Français

Extrait

Faux amis

Aujourd'hui, il n'y a pas que les amis virtuels, il y a aussi les amis de la publicité. Est-ce que vous gle en avez ? Mais si, vous savez, ces gens très normaux, très comme nous, qui nous rassurent et nous déculpabilisent de consommer, en nous assurant que c'est ce yaourt qu'il est indispensable d'acheter ou ce contrat d'assurance auquel il faut souscrire. Les amis de la publicité sont un argument massif et massivement utilisé à toutes fins utiles. Quand il s'agit d'instruire, on sort la gardienne de musée à grandes lunettes qui explique que son yaourt est le meilleur pour ce qui est de fixer le calcium sur les os. Et quand il s'agit de redorer le blason des vilains banquiers pilleurs du monde, on sort la pub des conseillers bancaires qui sont des gens bien normaux, bien rassurants, et surtout pas cyniquement commissionnés pour nous vendre de nouveaux produits d'investissements. Alors, qui sont ces amis de la publicité ? C'est Cerise, qui porte une robe à pois couleur pomme pour nous vendre de gentils contrats d'assurance avec une voix fruitée ; c'est aussi Philippe (mais si, vous savez : « ­ J'te dérange Philippe ? ­ Je bosse Régis... ») qui a toujours l'air guilleret de passer sa vie au supermarché à se faire refourguer toutes les promos en bois de la quinzaine. Des amis dans la publicité, il y en a plein : il y a aussi Miss Maaf qui a réponse à tout, ou encore les sympathiques réparateurs de pare-brise qui viennent jusque chez vous, sans parler des gens normaux qui vendent du jambon ou se mitonnent des bons petits plats pré-cuisinés, prémâchés et prédigérés. Et si cette norme à laquelle la publicité cherche à faire correspondre le consommateur demeure une notion vague, ce qui est certain, c'est que le motard institutionnel la rejette à toute force. Historiquement, la moto est une pratique qui génère par nature sa dose d'anticonformisme. Les gens roulent en voiture, le motard roule à moto. Socialement, rouler à moto, c'est déjà se distinguer des « gens normaux ». Mais que reste-t-il de cette définition de nos jours ? Ça vous a peut-être échappé, mais depuis peu, les amis de la publicité ont fait leur entrée dans le monde moto. Ils sont deux, ils sont roux, ils portent des vêtements étriqués trop petits pour eux, ce sont les deux roux qui font du deux-roues. Outre le jeu de mots un peu vaseux, il faut noter dans l'apparition de nos petits amis vendeurs d'assurance un changement radical dans la manière de communiquer dans la moto. Auparavant, la publicité motarde en était restée à l'image du cowboy qui fumait sa cigarette à cheval. Mais on a suffisamment parlé de l'évolution du motard pour le considérer désormais comme un consommateur comme les autres. Motard et mangeuse de yaourt nature, même combat ? Ce qui est certain en tout cas, c'est que s'il fut un temps où la publicité cherchait à nous vendre du rêve, aujourd'hui le mot d'ordre est la proximité. Décomplexer le consommateur potentiellement candide ou gauche, en lui montrant son quotidien sur écran, tel est le message dans lequel un produit de consommation assimile la chair humaine. Le motard conservera-t-il son indépendance d'esprit ou rentrera-t-il dans la norme édictée par l'écran publicitaire ? Lourde lutte. Alors n'oublions surtout pas que « le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'homme ».* *Arthur Rimbaud dans Une saison en enfer

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