L’Exposition de la galerie Martinet en 1861 (Curiosités esthétiques)
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Le temps n’est pas...Le temps n’est pas éloigné où l’on déclarait impossibles les expositionspermanentes de peinture. M. Martinet a démontré que cet impossible était chosefacile. Tous les jours, l’exposition du boulevard des Italiens reçoit des visiteurs,artistes, littérateurs, gens du monde, dont le nombre va s’accroissant. Il estmaintenant permis de prédire à cet établissement une sérieuse prospérité. Maisune des conditions indispensables de cette faveur publique était évidemment unchoix très sévère des sujets à exposer. Cette condition a été accomplierigoureusement, et c’est à cette rigueur que le public doit de promener ses yeux surune série d’oeuvres dont pas une seule, à quelque école qu’elle appartienne, nepeut être classée dans l’ordre du mauvais ou même du médiocre. Le comité quipréside au choix des tableaux a prouvé qu’on pouvait aimer tous les genres et neprendre de chacun que la meilleure part; unir l’impartialité la plus large à la sévéritéla plus minutieuse. Bonne leçon pour les jurys de nos grandes expositions qui onttoujours trouvé le moyen d’être à la fois scandaleusement indulgents et inutilementinjustes.Un excellent petit journal est annexé à l’Exposition, qui rend compte du mouvementrégulier des tableaux entrants et sortants, comme ces feuilles maritimes quiinstruisent les intéressés de tout le mouvement quotidien d’un port de mer.Dans cette gazette, où quelquefois des articles traitant de matières générales serencontrent à côté ...

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Le temps n’est pas...
Le temps n’est pas éloigné où l’on déclarait impossibles les expositions permanentes de peinture. M. Martinet a démontré que cet impossible était chose facile. Tous les jours, l’exposition du boulevard des Italiens reçoit des visiteurs, artistes, littérateurs, gens du monde, dont le nombre va s’accroissant. Il est maintenant permis de prédire à cet établissement une sérieuse prospérité. Mais une des conditions indispensables de cette faveur publique était évidemment un choix très sévère des sujets à exposer. Cette condition a été accomplie rigoureusement, et c’est à cette rigueur que le public doit de promener ses yeux sur une série d’oeuvres dont pas une seule, à quelque école qu’elle appartienne, ne peut être classée dans l’ordre du mauvais ou même du médiocre. Le comité qui préside au choix des tableaux a prouvé qu’on pouvait aimer tous les genres et ne prendre de chacun que la meilleure part; unir l’impartialité la plus large à la sévérité la plus minutieuse. Bonne leçon pour les jurys de nos grandes expositions qui ont toujours trouvé le moyen d’être à la fois scandaleusement indulgents et inutilement injustes.
Un excellent petit journal est annexé à l’Exposition, qui rend compte du mouvement régulier des tableaux entrants et sortants, comme ces feuilles maritimes qui instruisent les intéressés de tout le mouvement quotidien d’un port de mer.
Dans cette gazette, où quelquefois des articles traitant de matières générales se rencontrent à côté des articles de circonstance, nous avons remarqué de curieuses pages signées de M. Saint-François, qui est l’auteur de quelques dessins saisissants au crayon noir. M. Saint-François a un style embrouillé et compliqué comme celui d’un homme qui change son outil habituel contre un qui lui est moins familier; mais il a des idées, de vraies idées. Chose rare chez un artiste, il sait penser.
M. Legros, toujours épris des voluptés âpres de la religion, a fourni deux magnifiques tableaux, l’un, qu’on a pu admirer, à l’Exposition dernière, aux Champs-Elysées (les femmes agenouillées devant une croix dans un paysage concentré et lumineux); l’autre, une production plus récente, représentant des moines d’ages différents, prosternés devant un livre saint dont ils s’appliquent humblement à interpréter certains passages. Ces deux tableaux, dont le dernier fait penser aux plus solides compositions espagnoles, sont tout voisins d’une célèbre toile de Delacroix, et cependant, là même, dans ce lieu dangereux, ils vivent de leur vie propre. C’est tout dire.
Nous avons également observé une Inondation, de M. Eugène Lavieille, qui témoigne, chez cet artiste, d’un progrès assidu, même après ses excellents paysages d’hiver. M. Lavieille a accompli une tâche difficile et qui effrayerait même un poète; il a su exprimer le charme infini, inconscient, et l’immortelle gaîté de la nature dans ses jeux les plus horribles. Sous le ciel plombé et gonflé d’eau comme un ventre de noyé, une lumière bizarre se joue avec délices, et les maisons, les fermes, les villas, enfoncées dans le lac jusqu’à moitié, ont l’air de se regarder complaisamment dans le miroir immobile qui les environne.
Mais la grande fête dont il faut, après M. Delacroix toutefois, remercier M. Martinet, c’est le Sardanapale. Bien des fois, mes rêves se sont remplis des formes magnifiques qui s’agitent dans ce vaste tableau, merveilleux lui-même comme un rêve. Le Sardanapale revu, c’est la jeunesse retrouvée. A quelle distance en arrière nous rejette la contemplation de cette toile! Epoque merveilleuse où régnaient en commun des artistes tels que Devéria, Gros, Delacroix, Boulanger, Bonnington, etc., la grande école romantique, le beau, le joli, le charmant, le sublime!
Une figure peinte donna-t-elle jamais une idée plus vaste du despote asiatique que ce Sardanapale à la barbe noire et tressée, qui meurt sur son bûcher, drapé dans ses mousselines, avec une attitude de femme? Et tout ce harem de beautés si éclatantes, qui pourrait le peindre aujourd’hui avec ce feu, avec cette fraîcheur, avec cet enthousiasme poétique? Et tout ce luxe sardanapalesque qui scintille dans l’ameublement, dans le vêtement, dans les harnais, dans la vaisselle et la bijouterie, qui? qui?
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