Marseille
950 pages
Français

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Marseille , livre ebook

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Description


Pour la première fois, la série des grandes villes du monde dans la collection " Bouquins " est consacrée à une métropole française.
Ce livre paraît l'année où Marseille a été choisie comme " capitale européenne de la culture ".





La deuxième ville de France est aussi la plus ancienne. Son architecture actuelle est le reflet de deux mille six cents ans d'histoire. Entre la Méditerranée d'un côté et les collines de l'autre, Marseille est une ville mais aussi un terroir. Riche d'un patrimoine exceptionnel, cité d'accueil et d'immigration du berceau méditerranéen, Marseille bénéficie d'une culture plurielle et sans cesse enrichie par des apports multiples où se mêlent influences italiennes, provençales, maghrébines et celles d'immigrés du monde entier. En dépit des controverses et de la montée de la xénophobie suscitée par la situation dans certains quartiers difficiles, beaucoup de Marseillais se souviennent que fin août 1944, ce sont les tirailleurs algériens et musulmans du 7e RTA qui ont libéré le sanctuaire culte de Marseille : celui de Notre-Dame de la Garde...


Ville de culture et grande métropole méditerranéenne, Marseille a aussi ses côtés noirs : la prostitution et le proxénétisme ; la drogue et le grand banditisme, qui en ont longtemps fait la capitale du " milieu ". Mais elle doit être aussi replacée, comme l'écrit l'auteur, " au cœur de ce qu'elle est depuis deux mille six cents ans : l'un des centres majeurs de la culture, de la richesse, des échanges – économiques, religieux et culturels – de l'Humanité ".


Le livre de Michel Vergé-Franceschi n'est pas seulement le premier dictionnaire exhaustif consacré à l'histoire de cette ville. C'est aussi, comme il le déclare dans sa préface, " une histoire d'amour, une histoire de famille ", ce qui confère à cette entreprise un ton personnel et presque affectif.



Ce volume contient
3 parties :

• Une première partie est consacrée à ceux qui font ou ont fait Marseille : personnages mythologiques, souverains ou hommes politiques, historiens ou écrivains, danseurs ou encore footballeurs.
• La deuxième partie est réservée aux lieux, notamment les quartiers, monuments, promenades et hôpitaux.
• La troisième partie s'attache à la vie quotidienne, abordant l'art de vivre, la gastronomie, la musique, le parler marseillais, mais également les grandes épidémies, les migrations, le " milieu ".





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 mars 2013
Nombre de lectures 56
EAN13 9782221135679
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couverture

BOUQUINS

Collection fondée par Guy Schoeller

et dirigée par Jean-Luc Barré

MICHEL VERGÉ-FRANCESCHI

MARSEILLE

HISTOIRE ET DICTIONNAIRE

images

À la mémoire de ma mère Odette Franceschi,
née à Marseille, au n° 103, rue de Lodi,
le 22 octobre 1918, mariée à mon père
Célestin Vergé (1919-2007) à Marseille
le 23 décembre 1948

À mes ancêtres
Jean-Baptiste Franceschi
 (Marseille, 1607-La Major, 1673)
et Jacques Franceschi
 (Marseille, v.1614-La Major, 1686),
premiers échevins de Marseille
en 1667-1668 et 1678-1679.

À mon vieil oncle Antoine de Ruffi
 (Marseille, 1607-Marseille, 1689)
auteur en 1642 de la première
Histoire de la ville de Marseille.

À son fils Louis-Antoine de Ruffi
 (Marseille, 1657-Marseille, 1724)
continuateur en 1696 de
l’Histoire de la ville de Marseille de feu son père.

À mon vieil oncle Paul-Augustin Porrata de Porrade
 (Marseille, 1696-Marseille, 1782)
un des fondateurs, en 1726, de l’académie de Marseille
et auteur, en 1757, d’une Nouvelle Histoire de Marseille.

ICI

VERS L’AN 600 AVANT J.- C.

DES MARINS GRECS ONT ABORDÉ

VENANT DE PHOCÉE CITÉ GRECQUE D’ASIE MINEURE

 

ILS FONDÈRENT MARSEILLE

D’OÙ RAYONNA EN OCCIDENT

LA CIVILISATION

 

Plaque au milieu du quai des Belges (Marseille)

« Actibus immensis urbs fulget massiliensis »

« La ville de Marseille resplendit par ses actes immenses »

Devise de Marseille

 

Marseille :

« La plus jolie ville de France. »

Stendhal

 

« Je suis convaincu que Marseille est la plus belle ville

de France. Elle est tellement différente de toutes les autres. »

Arthur Schopenhauer

 

« Marseille… Ici le soleil pense tout haut.

C’est une grande lumière qui se mêle aux conversations. »

Jules Supervielle

 

Marseille ? « Du soleil, un ciel bleu profond à souhait pour découper l’arête vive

des montagnes, et des étals de fleuristes encombrés de narcisses

et de branches d’arbousiers en fleurs » et « dans l’atmosphère,

une odeur d’aïoli, de brandade et de vanille qui s’exaspère au bon soleil. »

Jean Lorrain

 

« Marseille est une des plus grandes villes de vostre Estat.

La mer est son terroir, le commerce son aliment et sa vie. »

Les consuls de Marseille à Louis XIII, lettre du 18 janvier 1620

 

« Les astres sont beaux… dans le ciel de Marseille…

Qui, plus que Marseille peut avoir l’ambition de devenir le centre

de cette fédération [latine] ? La ville de Marseille,

avec ses quatre cent mille âmes, avec ses trois mille ans de gloire,

avec ses vastes ports où les pavillons de toutes les nations voisinent

et fraternisent, avec son golfe merveilleux

qui semble être le miroir de la voile latine,

Marseille est appelée à devenir le lien, le foyer,

la capitale de la Latinité. »

Frédéric Mistral

ARMES DE MARSEILLE

« De gueules au lion couronné d’or »

Ces armes figuraient sur le tombeau des anciens vicomtes de Marseille

(abbaye de Saint-Victor)

images

MARSEILLE, CAPITALE MÉDITERRANÉENNE

Marseille n’est pas pour nous l’histoire d’une ville mais une longue, une très longue histoire d’amour, une histoire de famille, une histoire multi-générationnelle, inscrite sur la durée depuis le règne de François Ier (1533)1 et jusqu’aux cours de notre bon maître Pierre Guiral, professeur à l’université de Provence, qui écrivait encore il y a à peine plus de dix ans : « La longue histoire de Marseille témoigne de sa vitalité, de son courage à entreprendre, de son attachement aux libertés, de sa capacité à sortir d’elle-même. Maintes fois atteinte par les coups du destin, guerres, épidémies dévastatrices, désastres économiques, on l’a vue autant de fois se redresser et repartir. On pourrait lui appliquer ce qu’Anatole France disait des Provençaux : “Elle marche en désordre, mais elle avance et, ce qui est admirable, elle se retrouve toujours au but2.” »

En ces temps où l’on parle volontiers d’« identité nationale », d’intégration et d’immigration, il me plaît de rappeler que mes ancêtres Franceschi, venus à Marseille depuis leur cap Corse natal3, ont eu besoin – eux aussi – de lettres de naturalité données par Marie de Médicis en 16104 et Louis XIII son fils en 16135 afin de devenir « régnicoles », c’est-à-dire « Français ». Corses, nous étions « étrangers » et nous avions besoin de ces lettres de naturalité pour ne plus être à Marseille ni des étrangers totaux ni des « aubains » – étrangers installés ici ou là dans le royaume – et dont le roi était de facto l’héritier, ce qui était pour lui « une bonne aubaine », d’où la fortune de cette expression demeurée populaire jusqu’à aujourd’hui.

Marseille, première ville corse de Méditerranée, devançant de peu Livourne, autre grand port corse de l’espace méditerranéen, est avant tout une ville cosmopolite et les étrangers que nous y étions y devenaient en une ou deux générations non seulement des notables mais encore des édiles. C’est en faisant le grand commerce du Levant que Jean-Baptiste Franceschi (Marseille, 1607-Marseille, 1673)6 est devenu l’un des principaux négociants du port à partir de 1640, lui, le fils d’un fameux corsaire cap corsin naturalisé par la reine régente en vertu de ses lettres patentes de 1610. D’où le riche mariage de Jean-Baptiste avec Mlle de Bricard dont le père passait pour le plus riche négociant du port, propriétaire de quatre-vingt-dix-neuf maisons à Marseille ! Jean-Baptiste, jeune homme, n’a cessé de naviguer, notamment sur le Fiumara-Salata, entre Bône, Tabarka, Tunis, Bizerte, Fiumara Salata (commerce du blé du Maghreb et de Sicile, trafic du corail et de la cochenille, importation de chevaux du Maghreb et exportation d’armes européennes de contrebande vers les régences berbères). Devenu l’un des « principaux » du grand port phocéen, il en sera le premier échevin en 1667-1668. Imaginons un Gaudin algérien, marocain ou tunisien !

Le 2 mars 1660, Jean-Baptiste Franceschi reçoit Louis XIV à Marseille et héberge Colbert7 en son hôtel marseillais de la place Vivaux. Dix ans plus tard, c’est son cousin germain Jacques Franceschi8, fils de son oncle Marco, naturalisé par lettres patentes de Louis XIII de 1613, qui est le premier échevin de Marseille, collaborant avec Pierre Puget à l’embellissement de la ville et du port.

Mais, même avant Colbert et Louis XIV, les Corses ont joué à Marseille un rôle essentiel. Ainsi, notre tante Claire Cipriani9, fille de Giovan Paolo Cipriani de Centuri10 a-t-elle apporté à son époux nombre d’archives marseillaises en sa qualité de petite-fille d’Orso Santo Cipriani11, consul de Marseille en 1599, et de nièce de Balthassare Ier Cipriani12, nommé par Louis XIII premier consul et gouverneur de Marseille en 1635. Et cet époux, muni de cet apport providentiel, en fit son miel. En effet, ce mari chanceux n’est autre qu’Antoine de Ruffi (Marseille, 1607-Marseille, 1689), conseiller de la sénéchaussée de Marseille, conseiller d’État, devenu grâce à elle le premier historien de Marseille sous Richelieu. Petit-fils d’un ligueur acharné, comme les Candolle, c’est un magistrat si intègre qu’il alla jusqu’à dédommager de ses deniers des plaideurs dont il n’avait pas assez étudié le dossier et qui perdirent leur procès ! Ruffi, en écrivant la première Histoire de la ville de Marseille, ajoute volontiers des anecdotes connues de sa famille grâce à son père13, à son grand-père14, à son bisaïeul. Ainsi, au sujet de la paroisse des Accoules érigée en collégiale en 1560, il écrit : « L’ordre du collège a été dressé par quatre avocats [dont] Barthélemy Ruffi mon bisaïeul. » Plus loin, parlant de l’entrée du duc de Guise à Marseille en 1618, il écrit : « Le duc de Guise, après avoir demeuré cinq ans en cour, revint en Provence puis à Marseille, où il faisait son séjour ordinaire. Il alla descendre à La Floride qui est une métairie de plaisance hors la ville où il dîna. Il entra dans Marseille sur les quatre heures du soir du 8 juillet. Cette entrée fut l’une des plus belles et des plus magnifiques qui ait jamais été, faite à un gouverneur de la province. Le viguier et les consuls accompagnés de trois cents chevaux l’allèrent recevoir jusqu’à La Floride. Les capitaines des quartiers en tête et une milice, fort nombreuse. Pierre de Ruffi mon père qui était capitaine de corps de ville avait parmi ces troupes cent piquiers armés d’armes blanches […]. Antoine de Bausset, assesseur, y harangua dignement15. » Le fait que le père et le grand-père de Ruffi aient participé à la plupart des grands moments de Marseille depuis les troubles de la Ligue donne une grande autorité à son Histoire de la ville de Marseille contenant tout ce qui s’y est passé de plus mémorable depuis sa fondation. Ruffi a écrit aussi d’autres ouvrages : Histoire et généalogie des comtes de Provence depuis 934 jusqu’en 148016 ; Vie de Gaspard de Simiane, chevalier de La Coste17 ; Histoire des généraux des galères insérée par le père Anselme dans l’Histoire des grands officiers de la Couronne. Le fils d’Antoine Ruffi et de Claire Cipriani, Louis-Antoine de Ruffi (Marseille, 1657-Marseille, 1724), fut le continuateur de l’œuvre de son défunt père. Il étudia pour commencer les antiquités et l’histoire de Provence puis, exilé à Castelnaudary (1695) sur dénonciation calomnieuse, il fut réhabilité et rentra à Marseille. Il y publia alors en 1696 la seconde édition de l’Histoire de la ville de Marseille en deux volumes, outre des Dissertations historiques et critiques sur l’origine des comtes de Provence, de Venaissin, de Forcalquier et des vicomtes de Marseille18. Il a laissé aussi une Histoire de saint Louis, évêque de Toulouse et celle de son culte19 et une Histoire des évêques de Marseille, restée manuscrite.

Depuis 1696, l’œuvre d’Antoine de Ruffi a été maintes et maintes fois citée. Il n’est pas une Histoire de Marseille jusqu’à aujourd’hui qui ne doive à cette somme magistrale des passages entiers souvent dépourvus de guillemets et de références infrapaginales. En qualité d’arrière-petit-neveu d’Antoine de Ruffi et de Claire de Cipriani, c’est volontairement que nous nous sommes posés à travers ce volume en continuateur de cette première Histoire publiée en 1642 et 1696, toujours pillée jamais prolongée…

Ruffi a réalisé en 1642 un travail considérable à partir d’une multitude de sources qu’il cite, en bon historien, à l’appui de chacune de ses affirmations. Parmi ces sources, il y a certes les Archives de l’hôtel de ville auxquelles il a eu bien évidemment un accès total. Il y a aussi les manuscrits de l’abbaye de Saint-Victor car les moines du lieu ont été parmi les premiers à faire de Marseille une véritable capitale culturelle de l’Occident chrétien. « Anciennement, écrit-il, lorsque les moines avaient rempli le devoir de leur règle [celle de saint Cassien], ils consacraient le reste de la journée à cultiver les belles lettres ; cette application à l’étude nous est assez prouvée par la bibliothèque qu’on y avait dressée qui n’était pas des moins considérables ; elle renfermait des livres sur toute sorte de science. L’abbé Mainier ordonna, dans un chapitre général de l’an 1198, que tous les livres qui étaient dispersés dans l’abbaye seraient remis incessamment dans la bibliothèque, à la réserve des missels et bréviaires qui étaient pour l’usage des abbés et de l’église. Il ne reste plus rien de tous ces beaux monuments, à peine la mémoire s’en est conservée dans ce titre de 1198, dans quelques écrits sur le vélin, et dans quelques feuilles des ouvrages des Saints Pères. La plupart des manuscrits de cette bibliothèque furent portés en France au siècle dernier. Le célèbre M. de Peiresc avait recouvré des annales qui avaient été faites dans cette maison depuis l’an 539 et continuées, de temps en temps, jusqu’en 1563. Elles avaient pour titre Fragmentum annalium Massiliensis Monastery S. Victoris. Le père Labé l’a faite imprimer dans sa bibliothèque des Auteurs manuscrits et lui a changé de nom en celui de Chronicon Sancti Victoris. Les moines qui l’avaient dressée n’avaient pas seulement remarqué ce qui s’était passé de considérable dans cette abbaye, mais encore ils y font mention de divers événements arrivés à Marseille et en Provence » (Ruffi, t. II, p. 140-141).

Ruffi par ailleurs ne s’est pas seulement montré en tant qu’historien de Marseille. Le port est ancien et les trouvailles archéologiques étaient déjà nombreuses aux XVIe et XVIIe siècles, souvent liées à des périodes de « grands travaux » tel « l’agrandissement de Marseille » sous Louis XIV ou le creusement du canal à partir de 1685. La création de l’arsenal des galères louis-quatorzien – cher à notre collègue et ami André Zysberg – a pareillement engendré beaucoup de découvertes archéologiques et Ruffi a volontiers relevé des inscriptions remontant à l’Antiquité romaine, notamment sur des sarcophages et tombeaux dont il a relevé le dessin, avec une minutie incroyable dans le tome II de son Histoire de la ville de Marseille. Cette première iconographie marseillaise fait de son ouvrage un véritable monument, dès 1642, plus d’un siècle avant les pages illustrées de l’Encyclopédie de Diderot et deux bons siècles avant que nombre d’érudits locaux ne répandent intelligemment l’usage des fac-similés. Mais, même avant Ruffi, les élites marseillaises ont eu souvent le souci de préserver les témoignages culturels de l’ancienne Phocée. Ainsi, au XVIe siècle « Henri d’Angoulême, grand-prieur de France et gouverneur de ce pays [de Provence], pour lors à Marseille » a-t-il fait enlever « une urne cannelée d’une matière transparente qui a autour de l’orifice deux festons de fleurs artistement travaillés. Ce vase qui est d’un ouvrage très curieux fut déterré au siècle dernier en fossoyant la terre aux environs de cette abbaye [Saint-Victor]… et [il le] plaça dans son cabinet parmi d’autres pièces que sa curiosité avait ramassées de diverses parts ; mais, après la mort de ce prince [1586, en duel], le lieutenant de sénéchal de cette ville qui procédait à l’inventaire de ses meubles, le fit rendre aux religieux de Saint-Victor » (Ruffi, t. II, p. 132).

Marseille, c’est pour nous la mer, l’argent tiré du grand commerce maritime, du corail20, l’histoire de cette Magnifique Compagnie du corail créée par notre parent cap corsin Tomasino Lenche (v. 1500-1568), beau-frère d’une Porrata de Morsiglia, sous le règne d’Henri II – et dont la place Lenche, à Marseille, illustre encore le nom aujourd’hui. Marseille c’est l’argent, les fortunes colossales que ces négociants tiraient des Échelles du Levant, c’est l’histoire politique du port qui illustra longtemps Georges Roux, dit « Roux de Corse » (1704-1792)21 – fils de Marie-Anne Franceschi22 –, principal armateur du port sous Louis XV, premier échevin de Marseille en 1744 (il mit le port en état de défense contre la flotte anglaise de l’amiral Matthews), puis en 1765, après avoir fait l’admiration de M. de Voltaire pour avoir déclaré « en son propre nom la guerre au roi d’Angleterre » : Georges Roux à George III ! D’où sa ruine au lendemain du désastreux traité de Paris (1763). Marseille, c’est aussi la mer dangereuse, la mer qui apporte la peste, dont celle de 1720, en partie soignée par notre parent le Dr Peyssonnel23 dont les descendants du nom ont laissé nombre d’ouvrages de même que le chef d’escadre de Barras24, officier général des galères, marié à l’une de nos cousines, Anne d’Hostager25, petite-fille d’une autre Porrata de Morsiglia (cap Corse) et sœur de cette Mme de Cipières dont l’hôtel particulier marseillais accueillit Laetitia Bonaparte et les siens aux heures chaudes de la Révolution.

Marseille, c’est aussi et surtout pour nous – universitaire – son histoire culturelle puisque c’est notre vieil oncle l’abbé Porrata de Porrade26 – lui aussi auteur d’une Histoire de Marseille – qui a fondé l’illustre académie de Marseille qui existe toujours alors que l’ancien hôtel particulier de Roux de Corse est devenu l’actuel lycée Montgrand après avoir hébergé la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le commerce étroitement lié au pouvoir politique et à la culture : au point que le directeur des Archives de Marseille fut longtemps notre cousin Joseph Billioud27 dont l’épouse, arrière-petite-fille de Mme Edmond de Borély, née Franceschi, était issue en ligne directe de Jacques Franceschi, le premier échevin de 1678-1679, ainsi que des Borély, bâtisseurs du château de ce nom.

Depuis l’arrivée de Tomasino Lenche à Marseille en 1533, depuis l’arrivée de Raffaello Franceschi à Marseille en 1569, accompagné d’Orso Santo Cipriani et de son frère Fornello28 – notre aïeul –, capitaine de milice à Marseille à la solde d’Henri IV, jusqu’au mariage de nos grands-parents Antoine Franceschi et Lucie .Baldacci à Marseille, le 5 mai 1917, suivi de la naissance de notre mère Odette Franceschi, le 22 octobre 1918 au n° 103, rue de Lodi, Marseille est pour nous plus qu’une ville, plus qu’un port, plus qu’une architecture qui s’étend des Arcenaulx et du Vieux-Port jusqu’à la place Castellane, en passant par la place Lenche, la place Vivaux, la Canebière, c’est un souvenir : celui d’une enfance heureuse nourrie des souvenirs de quatre générations présentes, établies au n° 2, boulevard Baille, face à la magnifique fontaine de Cantini, dressée là dans le goût italien ; un souvenir : celui d’une adolescence à l’écoute des films de Pagnol et de Fernandel, celui d’un monde de parents, de cousins et d’amis établis au Prado, au n° 57, cours Julien (les Tulli), au n° 40, boulevard Michelet (les Valery), lesquels amenaient régulièrement le dimanche les enfants que nous étions à la Plaine ou à Notre-Dame de la Garde. Là : des ex-voto. La mer encore. Mais sans argent. La foi. La crainte. La peur. La reconnaissance. La piété. Dieu au sommet des marches comme jadis Neptune parmi les dieux de l’Olympe. Une enfance heureuse dans un immeuble de 1870, typiquement marseillais, typiquement second Empire, avec sa salle à manger et son balcon serti de fer forgé donnant sur la fontaine, son salon, son bureau, sa grand-chambre à alcôve donnant sur le boulevard Baille, son salon au calme de l’arrière, sa cuisine sur la terrasse arrière avec sa traditionnelle « caisse-à-eau » bien marseillaise, ses toilettes proches et ventilées, sa pièce noire n’ouvrant sur rien, son immense couloir desservant tout cela, tel un labyrinthe avec encore deux ou trois petites pièces où les enfants que nous étions adoraient se cacher dans les odeurs de naphtaline et de paradis chlorobenzène.

Puisse notre amour pour cette ville transparaître quelque peu dans ces pages. Puisse-t-il être communiqué à nos lecteurs.

*

Marseille est la plus ancienne ville de France. Son architecture actuelle est le reflet de deux mille six cents ans d’histoire. Entre la Méditerranée d’un côté, au bord, au large, au loin, à l’infini et les collines de l’autre, proches, parfumées, plantées, cultivées, Marseille est une ville mais aussi un terroir qui, longtemps, occupa moins de soixante-dix hectares sur le bord nord de la calanque originelle. Ce n’est qu’à partir de 1660 que « l’agrandissement » dit « de Louis XIV » se mit à tripler la superficie initiale du Vieux-Marseille. Les richesses de son patrimoine assurent la pérennité du lien qui existe avec ce passé. Ville d’accueil et d’immigration du berceau méditerranéen, Marseille constitue une identité forte bénéficiant d’une culture plurielle : tout au long des premiers siècles de son existence, grâce à son commerce florissant, la ville a été très fortement marquée par la culture grecque au point que le docteur H. Mireur se plaisait à rappeler en 1882 que Marseille était comparée aux origines à une « Nouvelle Athènes ». Au cours des périodes glorieuses et prospères comme des phases de crises, la ville et ses habitants ont fait preuve de résistance et de réactivité. Souvent caricaturée, Marseille a toujours suscité un intérêt particulier et stimulé l’imaginaire des Français. La ville est fière de sa différence et de son appartenance identitaire forte, résultats de son histoire. Aujourd’hui, la cité phocéenne revendique sa place de deuxième ville de France et de métropole de Méditerranée.

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