Sodome et Gomorrhe - Première partie
313 pages
Français

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Sodome et Gomorrhe - Première partie , livre ebook

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Description

Sodome et Gomorrhe est le quatri?me volet d?? la recherche du temps perdu de Marcel Proust publi? en 2 tomes entre 1922 et 1923 chez Gallimard.Sodome et Gomorrhe est le quatri?me volet d?? la recherche du temps perdu de Marcel Proust publi? en 2 tomes entre 1922 et 1923 chez Gallimard.Sodome et Gomorrhe est le quatri?me volet d?? la recherche du temps perdu de Marcel Proust publi? en 2 tomes entre 1922 et 1923 chez Gallimard.Sodome et Gomorrhe est le quatri?me volet d?? la recherche du temps perdu de Marcel Proust publi? en 2 tomes entre 1922 et 1923 chez Gallimard.

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 293
EAN13 9782820607409
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sodome et Gomorrhe - Premi re partie
Marcel Proust
1922
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0740-9
Partie 1 Première apparition des hommes-femmes, descendants de ceux deshabitants de Sodome qui furent épargnés par le feu du ciel.
« La femme aura Gomorrhe
et l’homme aura Sodome. »
Alfred de Vigny.
On sait que bien avant d’aller ce jour-là (le jour où avait lieula soirée de la princesse de Guermantes) rendre au duc et à laduchesse la visite que je viens de raconter, j’avais épié leurretour et fait, pendant la durée de mon guet, une découverte,concernant particulièrement M. de Charlus, mais si importante enelle-même que j’ai jusqu’ici, jusqu’au moment de pouvoir lui donnerla place et l’étendue voulues, différé de la rapporter. J’avais,comme je l’ai dit, délaissé le point de vue merveilleux, siconfortablement aménagé au haut de la maison, d’où l’on embrasseles pentes accidentées par où l’on monte jusqu’à l’hôtel deBréquigny, et qui sont gaiement décorées à l’italienne par le rosecampanile de la remise appartenant au marquis de Frécourt. J’avaistrouvé plus pratique, quand j’avais pensé que le duc et la duchesseétaient sur le point de revenir, de me poster sur l’escalier. Jeregrettais un peu mon séjour d’altitude. Mais à cette heure-là, quiétait celle d’après le déjeuner, j’avais moins à regretter, car jen’aurais pas vu, comme le matin, les minuscules personnages detableaux, que devenaient à distance les valets de pied de l’hôtelde Bréquigny et de Tresmes, faire la lente ascension de la côteabrupte, un plumeau à la main, entre les larges feuilles de micatransparentes qui se détachaient si plaisamment sur les contrefortsrouges. À défaut de la contemplation du géologue, j’avais du moinscelle du botaniste et regardais par les volets de l’escalier lepetit arbuste de la duchesse et la plante précieuse exposés dans lacour avec cette insistance qu’on met à faire sortir les jeunes gensà marier, et je me demandais si l’insecte improbable viendrait, parun hasard providentiel, visiter le pistil offert et délaissé. Lacuriosité m’enhardissant peu à peu, je descendis jusqu’à la fenêtredu rez-de-chaussée, ouverte elle aussi, et dont les voletsn’étaient qu’à moitié clos. J’entendais distinctement, se préparantà partir, Jupien qui ne pouvait me découvrir derrière mon store oùje restai immobile jusqu’au moment où je me rejetai brusquement decôté par peur d’être vu de M. de Charlus, lequel, allant chezM me de Villeparisis, traversait lentement la cour,bedonnant, vieilli par le plein jour, grisonnant. Il avait falluune indisposition de M me de Villeparisis (conséquence dela maladie du marquis de Fierbois avec lequel il étaitpersonnellement brouillé à mort) pour que M. de Charlus fît unevisite, peut-être la première fois de son existence, à cetteheure-là. Car avec cette singularité des Guermantes qui, au lieu dese conformer à la vie mondaine, la modifiaient d’après leurshabitudes personnelles (non mondaines, croyaient-ils, et dignes parconséquent qu’on humiliât devant elles cette chose sans valeur, lamondanité – c’est ainsi que M me de Marsantes n’avait pasde jour, mais recevait tous les matins ses amies, de 10 heures àmidi) – le baron, gardant ce temps pour la lecture, la recherchedes vieux bibelots, etc… ne faisait jamais une visite qu’entre 4 et6 heures du soir. À 6 heures il allait au Jockey ou se promener auBois. Au bout d’un instant je fis un nouveau mouvement de reculpour ne pas être vu par Jupien ; c’était bientôt son heure departir au bureau, d’où il ne revenait que pour le dîner, et mêmepas toujours depuis une semaine que sa nièce était allée avec sesapprenties à la campagne chez une cliente finir une robe. Puis merendant compte que personne ne pouvait me voir, je résolus de neplus me déranger de peur de manquer, si le miracle devait seproduire, l’arrivée presque impossible à espérer (à travers tantd’obstacles, de distance, de risques contraires, de dangers) del’insecte envoyé de si loin en ambassadeur à la vierge qui depuislongtemps prolongeait son attente. Je savais que cette attenten’était pas plus passive que chez la fleur mâle, dont les étaminess’étaient spontanément tournées pour que l’insecte pût plusfacilement la recevoir ; de même la fleur-femme qui était ici,si l’insecte venait, arquerait coquettement ses« styles », et pour être mieux pénétrée par lui feraitimperceptiblement, comme une jouvencelle hypocrite mais ardente, lamoitié du chemin. Les lois du monde végétal sont gouvernéeselles-mêmes par des lois de plus en plus hautes. Si la visite d’uninsecte, c’est-à-dire l’apport de la semence d’une autre fleur, esthabituellement nécessaire pour féconder une fleur, c’est quel’autofécondation, la fécondation de la fleur par elle-même, commeles mariages répétés dans une même famille, amènerait ladégénérescence et la stérilité, tandis que le croisement opéré parles insectes donne aux générations suivantes de la même espèce unevigueur inconnue de leurs aînées. Cependant cet essor peut êtreexcessif, l’espèce se développer démesurément ; alors, commeune antitoxine défend contre la maladie, comme le corps thyroïderègle notre embonpoint, comme la défaite vient punir l’orgueil, lafatigue le plaisir, et comme le sommeil repose à son tour de lafatigue, ainsi un acte exceptionnel d’autofécondation vient à pointnommé donner son tour de vis, son coup de frein, fait rentrer dansla norme la fleur qui en était exagérément sortie. Mes réflexionsavaient suivi une pente que je décrirai plus tard et j’avais déjàtiré de la ruse apparente des fleurs une conséquence sur toute unepartie inconsciente de l’œuvre littéraire, quand je vis M. deCharlus qui ressortait de chez la marquise. Il ne s’était passé quequelques minutes depuis son entrée. Peut-être avait-il appris de savieille parente elle-même, ou seulement par un domestique, le grandmieux ou plutôt la guérison complète de ce qui n’avait été chezM me de Villeparisis qu’un malaise. À ce moment, où il nese croyait regardé par personne, les paupières baissées contre lesoleil, M. de Charlus avait relâché dans son visage cette tension,amorti cette vitalité factice, qu’entretenaient chez luil’animation de la causerie et la force de la volonté. Pâle comme unmarbre, il avait le nez fort, ses traits fins ne recevaient plusd’un regard volontaire une signification différente qui altérât labeauté de leur modelé ; plus rien qu’un Guermantes, ilsemblait déjà sculpté, lui Palamède XV, dans la chapelle deCombray. Mais ces traits généraux de toute une famille prenaientpourtant, dans le visage de M. de Charlus, une finesse plusspiritualisée, plus douce surtout. Je regrettais pour lui qu’iladultérât habituellement de tant de violences, d’étrangetésdéplaisantes, de potinages, de dureté, de susceptibilité etd’arrogance, qu’il cachât sous une brutalité postiche l’aménité, labonté qu’au moment où il sortait de chez M me deVilleparisis, je voyais s’étaler si naïvement sur son visage.Clignant des yeux contre le soleil, il semblait presque sourire, jetrouvai à sa figure vue ainsi au repos et comme au naturel quelquechose de si affectueux, de si désarmé, que je ne pus m’empêcher depenser combien M. de Charlus eût été fâché s’il avait pu se savoirregardé ; car ce à quoi me faisait penser cet homme, qui étaitsi épris, qui se piquait si fort de virilité, à qui tout le mondesemblait odieusement efféminé, ce à quoi il me faisait penser toutd’un coup, tant il en avait passagèrement les traits, l’expression,le sourire, c’était à une femme.
J’allais me déranger de nouveau pour qu’il ne pûtm’apercevoir ; je n’en eus ni le temps, ni le besoin. Quevis-je ! Face à face, dans cette cour où ils ne s’étaientcertainement jamais rencontrés (M. de Charlus ne venant à l’hôtelGuermantes que dans l’après-midi, aux heures où Jupien était à sonbureau), le baron, ayant soudain largement ouvert ses yeux mi-clos,regardait avec une attention extraordinaire l’ancien giletier surle seuil de sa boutique, cependant que celui-ci, cloué subitementsur place devant M. de Charlus, enraciné comme une plante,contemplait d’un air émerveillé l’embonpoint du baron vieillissant.Mais, chose plus étonnante encore, l’attitude de M. de Charlusayant changé, celle de Jupien se mit aussitôt, comme selon les loisd’un art secret, en harmonie avec elle. Le baron, qui cherchaitmaintenant à dissimuler l’impression qu’il avait ressentie, maisqui, malgré son indifférence

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