Lettres choisies
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Lettres choisiesMadame de SévignéDe 1648 à 1696164816521664166816711672167316741675167616771678167916801684168516871688168916901693169416951696Lettres choisies : 1648À Bussy-RabutinDes Rochers, le dimanche 15ème de mars 1648.Je vous trouve un plaisant mignon de ne m’avoir pas écrit depuis deux mois.Avez-vous oublié qui je suis, et le rang que je tiens dans la famille ? Ah !vraiment, petit cadet, je vous en ferai bien ressouvenir ; si vous me fâchez, jevous réduirai au lambel. Vous savez que je suis sur la fin d’une grossesse, etje ne trouve en vous non plus d’inquiétude de ma santé que si j’étais encorefille. Eh bien, je vous apprends, quand vous en devriez enrager, que je suisaccouchée d’un garçon, à qui je vais faire sucer la haine contre vous avec lelait, et que j’en ferai encore bien d’autres, seulement pour vous faire desennemis. Vous n’avez pas eu l’esprit d’en faire autant, le beau faiseur defilles.Mais c’est assez vous cacher ma tendresse, mon cher cousin ; le naturell’emporte sur la politique. J’avais envie de vous gronder de votre paressedepuis le commencement de ma lettre jusqu’à la fin ; mais je me fais trop deviolence, et il en faut revenir à vous dire que M. de Sévigné et moi vousaimons fort, et que nous parlons souvent du plaisir qu’il y a d’être avec vous.Lettres choisies : 1652À MénageÀ Paris, juin-juillet 1652Je vous dis encore une fois que nous ne nous entendons point, et vous êtesbien heureux d’être ...

Informations

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Nombre de lectures 179
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Extrait

Lettres choisies
Madame de Sévigné
De 1648 à 1696
1648
1652
1664
1668
1671
1672
1673
1674
1675
1676
1677
1678
1679
1680
1684
1685
1687
1688
1689
1690
1693
1694
1695
1696
Lettres choisies : 1648
À Bussy-Rabutin
Des Rochers, le dimanche 15ème de mars 1648.
Je vous trouve un plaisant mignon de ne m’avoir pas écrit depuis deux mois.
Avez-vous oublié qui je suis, et le rang que je tiens dans la famille ? Ah !
vraiment, petit cadet, je vous en ferai bien ressouvenir ; si vous me fâchez, je
vous réduirai au lambel. Vous savez que je suis sur la fin d’une grossesse, et
je ne trouve en vous non plus d’inquiétude de ma santé que si j’étais encore
fille. Eh bien, je vous apprends, quand vous en devriez enrager, que je suis
accouchée d’un garçon, à qui je vais faire sucer la haine contre vous avec le
lait, et que j’en ferai encore bien d’autres, seulement pour vous faire des
ennemis. Vous n’avez pas eu l’esprit d’en faire autant, le beau faiseur de
filles.
Mais c’est assez vous cacher ma tendresse, mon cher cousin ; le naturel
l’emporte sur la politique. J’avais envie de vous gronder de votre paresse
depuis le commencement de ma lettre jusqu’à la fin ; mais je me fais trop de
violence, et il en faut revenir à vous dire que M. de Sévigné et moi vous
aimons fort, et que nous parlons souvent du plaisir qu’il y a d’être avec vous.
Lettres choisies : 1652
À Ménage
À Paris, juin-juillet 1652Je vous dis encore une fois que nous ne nous entendons point, et vous êtes
bien heureux d’être éloquent, car sans cela tout ce que vous m’avez mandé
ne vaudrait guère. Quoique cela soit merveilleusement bien arrangé, je n’en
suis pourtant pas effrayée, et je sens ma conscience si nette de ce que vous
me dites que je ne perds pas espérance de vous faire connaître sa pureté.
C’est pourtant une chose impossible, si vous ne m’accordez une visite d’une
demi-heure ; et je ne comprends pas par quel motif vous me la refusez si
opiniâtrement. Je vous conjure encore une fois de venir ici, et puisque vous ne
voulez pas que ce soit aujourd’hui, je vous supplie que ce soit demain. Si
vous n’y venez, peut-être ne me fermerez-vous pas votre porte, et je vous
poursuivrai de si près que vous serez contraint d’avouer que vous avez un peu
de tort. Vous me voulez cependant faire passer pour ridicule, en me disant
que vous n’êtes brouillé avec moi qu’à cause que vous êtes fâché de mon
départ.
Si cela était ainsi, je mériterais les Petites-Maisons et non pas votre haine.
Mais il y a toute différence, et j’ai seulement peine à comprendre que, quand
on aime une personne et qu’on la regrette, il faille, à cause de cela, lui faire
froid au dernier point, les dernières fois que l’on la voit. Cela est une façon
d’agir tout extraordinaire, et comme je n’y étais pas accoutumée, vous devez
excuser ma surprise. Cependant je vous conjure de croire qu’il n’y a pas un
de ces anciens et nouveaux amis dont vous me parlez, que j’estime ni que
j’aime tant que vous. C’est pourquoi, devant que de vous perdre, donnez-moi
la consolation de vous mettre dans votre tort, et de dire que c’est vous qui ne
m’aimez plus.
Chantal
Monsieur, Monsieur Ménage.
Lettres choisies : 1664
À Pomponne
À Paris, le lundi 1er de décembre 1664
Il y a deux jours que tout le monde croyait que l’on voulait tirer l’affaire de M.
Foucquet en longueur ; présentement, ce n’est plus la même chose. C’est tout
le contraire : on presse extraordinairement les interrogations. Ce matin
Monsieur le Chancelier a pris son papier, et a lu, comme une liste, dix chefs
d’accusation, sur quoi il ne donnait pas le loisir de répondre. M. Foucquet a
dit : « Monsieur, je ne prétends point tirer les choses en longueur, mais je
vous supplie de me donner loisir de répondre. Vous m’interrogez, et il semble
que vous ne vouliez pas écouter ma réponse ; il m’est important que je parle. Il
y a plusieurs articles qu’il faut que j’éclaircisse, et il est juste que je réponde
sur tous ceux qui sont dans mon procès. » Il a donc fallu l’entendre, contre le
gré des malintentionnés ; car il est certain qu’ils ne sauraient souffrir qu’il se
défende si bien. Il a fort bien répondu sur tous les chefs. On continuera de
suite, et la chose ira si vite que je crois que les interrogations finiront cette
semaine.
Je viens de souper à l’hôtel de Nevers ; nous avons bien causé, la maîtresse
du logis et moi, sur ce chapitre. Nous sommes dans des inquiétudes qu’il n’y
a que vous qui puissiez comprendre, car pour toute la famille du malheureux,
la tranquillité et l’espérance y règnent. On dit que M. de Nesmond a témoigné
en mourant que son plus grand déplaisir était de n’avoir pas été d’avis de la
récusation de ces deux juges, que s’il eût été à la fin du procès, il aurait
réparé cette faute, qu’il priait Dieu qu’il lui pardonnât celle qu’il avait faite.
Je viens de recevoir votre lettre ; elle vaut mieux que tout ce que je puis
jamais écrire. Vous mettez ma modestie à une trop grande épreuve en me
mandant de quelle manière je suis avec vous et avec notre cher solitaire. Il me
semble que je le vois et que je l’entends dire ce que vous me mandez. Je suis
au désespoir que ce ne soit pas moi qui ai dit la Métamorphose de Pierrot en
Tartuffe. Cela est si naturellement dit que, si j’avais autant d’esprit que vous
m’en croyez, je l’aurais trouvé au bout de ma plume.
Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très vraie et qui vous
divertira. Le Roi se mêle depuis peu de faire des vers ; MM. de Saint-Aignanet Dangeau lui apprennent comme il s’y faut prendre. Il fit l’autre jour un petit
madrigal, que lui-même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal de
Gramont : « Monsieur le maréchal, je vous prie lisez ce petit madrigal, et
voyez si vous en avez jamais vu un si impertinent. Parce qu’on sait que depuis
peu j’aime les vers, on m’en apporte de toutes les façons. » Le maréchal,
après avoir lu, dit au Roi : « Sire, Votre Majesté juge divinement bien de
toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que
j’aie jamais lu. » Le Roi se mit à rire, et lui dit : « N’est-il pas vrai que celui qui
l’a fait est bien fat ? - Sire, il n’y a pas moyen de lui donner un autre nom. - Oh
bien ! dit le Roi, je suis ravi que vous m’en ayez parlé si bonnement ; c’est moi
qui l’ai fait. - Ah ! Sire, quelle trahison ! Que Votre Majesté me le rende ; je l’ai
lu brusquement. - Non, monsieur le maréchal ; les premiers sentiments sont
toujours les plus naturels. » Le Roi a fort ri de cette folie, et tout le monde
trouve que voilà la plus cruelle petite chose que l’on puisse faire à un vieux
courtisan. Pour moi, qui aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que
le Roi en fît là-dessus, et qu’il jugeât par là combien il est loin de connaître
jamais la vérité.
Nous sommes sur le point d’en voir une bien cruelle, qui est le rachat de nos
rentes sur un pied qui nous envoie droit à l’hôpital. L’émotion est grande,
mais la dureté l’est encore plus. Ne trouvez-vous point que c’est entreprendre
bien des choses à la fois ? Celle qui me touche le plus n’est pas celle qui me
fait perdre une partie de mon bien.
À Pomponne
À Paris, le mardi 2 décembre de 1664
M. Foucquet a parlé aujourd’hui deux heures entières sur les six millions ; il
s’est fait donner audience. Il a dit des merveilles ; tout le monde en était
touché, chacun selon son sentiment. Pussort faisait des mines d’improbation
et de négative, qui scandalisaient les gens de bien. Quand M. Foucquet a eu
cessé de parler, Pussort s’est levé impétueusement, et a dit : « Dieu merci,
on ne se plaindra pas qu’on ne l’ait laissé parler tout son soûl. » Que dites-
vous de ces belles paroles ? Ne sont-elles pas d’un fort bon juge ?
On dit que le Chancelier est fort effrayé de l’érysipèle de M. de Nesmond, qui
l’a fait mourir ; il craint que ce ne soit une répétition pour lui. Si cela pouvait lui
donner les sentiments d’un homme qui va paraître devant Dieu, encore

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