Né en 37

Jean Dupouy

Description

Au gré de sa mémoire, au fil des souvenirs et des réminiscences, J. Dupouy compose, en mosaïque, le portrait de son enfance et de sa jeunesse. Et, dans le même temps, ce sont les figures liées à cette période qui reprennent vie: une mère aux étranges obsessions, un père marqué par la guerre, un oncle avec qui observer les trains, les instituteurs et les hommes de Dieu... Des bêtises et autres aventures commises à l'âge de l'insouciance aux événements de l'Algérie se développe ainsi, avec le plaisir de retrouver et d'écrire le passé, la formation d'un homme. En transcrivant, sur le mode du fragment, sa jeunesse, J. Dupouy livre une autobiographie-puzzle, une oeuvre-kaléidoscope, qui se soucie moins de l'ordonnancement chronologique des faits et événements que de l'impact qu'ils ont eu sur l'auteur et son caractère. Texte non conventionnel, qui échappe aux règles du genre et à sa linéarité, "Né en 1937" fait encore comprendre ce pouvoir mystérieux de l'écriture, tout autant moyen de préserver le passé que de le ramener, avec joie et plaisir, à la surface du présent.

Sujets

• Guerre d'Algérie
• Mémoire

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 25 octobre 2012
• Nombre de lectures: 27
• EAN13: 9782748394993
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Né en 37

Jean Dupouy Né en 37

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN. FR.010.0114423.000.R.P.2009.030.40000 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2012

Je suis né au printemps 1937 dans un petit village des bords de la Garonne, près de Bordeaux. Les souvenirs s’éloignent et s’effacent inexorablement et je voudrais les relater avant qu’ils ne disparaissent à jamais de ma mémoire. Ils appartiennent à un monde révo- lu qui ne reviendra plus ; c’était avant le grand chamboulement de mai 1968.

Comme tu es velu ! Ma grand-mère paternelle me demande : — Quel âge as-tu ? — 7 ans ½ — Ah ! Et demi ? À son sourire, à son interrogation amusée je comprends que cet « et demi » s’il a une grande importance pour moi, n’en a qu’une relative pour les grandes personnes. Enfant, on veut vite vieillir, on a presque honte de son âge, si jeu- nesse savait… J’ai douze ans, j’essaie un pantalon que cette grand- mère couturière confectionne pour moi. Tandis que j’enlève celui que je porte, elle découvre que j’ai déjà des poils aux jambes et s’exclame : — Que tu es velu ! Ce mot velu au lieu de poilu me fait me considérer bru- talement comme une bête. Je suis donc velu, velu comme un chien, comme un singe, cette constatation vraie va être difficile à supporter dorénavant ; me voilà complexé à vie.

9

Mon premier complexe et il y en aura beaucoup d’autres…

Maladie du foie

Je ne sais si c’est à cause de la guerre, mais j’ai été ma- lade durant toute ma petite enfance. J’ai attrapé successivement toutes les maladies infantiles : l’horrible scarlatine avec la peau des mains que s’en allait en lam- beaux. Je tirais dessus pour les arracher et déchirais le derme qui saignait ; la gale et l’affreux sarcopte qui creuse des galeries sous la peau, entre les doigts. Ma mère les ouvrait à l’aide d’une brosse dure pour les badigeonner ensuite de je ne sais quoi pour tuer les larves ; la rougeole, les oreillons et de multiples angines blanches douloureu- ses. C’était des maladies « occasionnelles », celle du foie dura des années, jusqu’à la puberté. Voici ce qui la dé- clencha : Depuis un banc de bois, sous un figuier, où venaient tricoter les femmes, je m’élançais pour saisir une branche basse, horizontale, et m’y balancer. Un jour je ratai la branche et tombai à plat ventre dans la poussière. Le choc déclencha des vomissements qui revinrent régulièrement au cours des ans. Cela arrivait la nuit. Un malaise me réveillait mais il était trop tard, je souillais draps et couvertures. Ma mère réveillée par mes gémissements et les convulsions accou- rait, me rassurait et changeait la literie. Une heure après ça recommençait. Je terminais les vomissements au-dessus du saut hygiénique, secoué de spasmes qui me laissaient épuisé avec un affreux goût de bile et de vomissure.

10