Les différends territoriaux en Afrique
484 pages
Français

Les différends territoriaux en Afrique , livre ebook

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484 pages
Français

Description

Cet ouvrage examine des affaires entendues par des tribunaux internationaux en matière territoriale, aussi bien celles concernant l'occupation d'un territoire par une puissance étrangère que celles portant sur des conflits frontaliers. L'auteur procède à l'étude jurisprudentielle de treize décisions et examine les règles en matière d'acquisition territoriale, de protectorat, de mandat, de tutelle et même d'autodétermination, telles qu'elles avaient été convenues par et pour les puissances coloniales. Il s'interroge sur l'efficacité réelle du mode juridictionnel de règlement pacifique des conflits en le comparant avec la négociation, la médiation, la conciliation, le recours aux organisations internationales.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2006
Nombre de lectures 340
EAN13 9782296423190
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À la mémoire de Blanche Blais et Benoît Labrecque, mes parents.
INTRODUCTION  Depuis que l’Afrique a retrouvé confiance dans le mode juridictionnel de règlement des différends territoriaux, elle a, par la même occasion, ajouté un record, celuici honorable, à la liste de ceux qu’elle détient déjà pour son plus grand malheur : elle est désormais le continent où l’on dénombre le plus d’affaires contentieuses réglées devant la Cour internationale de Justice ou un tribunal d’arbitrage en matière territoriale (plus précisément en matière de délimitation maritime et terrestre), et entendues dans la foulée d’affaires consultatives concernant l’occupation de territoires par des puissances jugées étrangères dans le contexte du droit des peuples à disposer d’euxmêmes (figure 1). Le continent des superlatifs  L’Afrique, pour qui s’intéresse au règlement des conflits, constitue un région d’étude du plus grand intérêt, et ce pour une multitude de raisons : ce continent compte le plus grand nombre d’États, y compris le plus grand nombre sans façade maritime et parmi lesquels s’en trouvent plusieurs au bas de la liste des pays les plus pauvres du monde ; ces États sont jeunes, affranchis qu’ils sont de la puissance coloniale depuis peu, et ils sont fragiles ; leurs frontières sont héritées et souvent non démarquées ; les territoires divisés par ces fron tières regorgent de ressources qui sont objets de convoitises, non seulement des voisins immédiats mais aussi de ceux venus d’outremer, à la recherche de pois son, de bois précieux, de minerai, de pétrole, toutes choses qui ne sont pas sans évoquer un autre triste record détenu par l’Afrique, où sévissent le plus grand nombre de conflits actuels ou récents, toutes catégories confondues et souvent enchevêtrées (notamment frontalières, ethniques, claniques, annexionnistes, sécessionnistes). La confiance rétablie  La doctrine reconnaît au règlement juridictionnel une place importante dans l’ensemble des modes pacifiques que sont l’enquête, la médiation, la
8 LES DIFFÉRENDS TERRITORIAUX ENAFRIQUEconciliation, les bons offices et, bien sûr, le mode bilatéral, qui permet à deux États de conclure directement un acte par lequel une frontière est formellement délimitée. À défaut d’accord bilatéral, la solution de sagesse qui consiste à se déclarer lié par la décision d’une tierce partie réputée impartiale est tout à l’honneur de l’Afrique, d’autant que plusieurs règles du droit international applicables en matière territoriale, plus précisément en ce qui concerne les modes d’acquisition territoriale, sont essentiellement conçues par d’autres et e pour d’autres (les puissances européennes de la fin du XIX siècle). Cette confiance accordée à la voie juridictionnelle, elle se manifeste tout particuliè rement, dans le cas de l’Afrique, par le mode de saisine des tribunaux, puisque, des dix affaires de délimitation (maritime et terrestre confondues), toutes ont été introduites par compromis des Parties, sauf deux affaires :Guinée Bissau/Sénégal,stade de l’appel de la sentence d’un tribunal d’arbitrage au devant la Cour internationale de Justice (C.I.J.) ;Cameroun/Nigeria, dans laquelle des exceptions préliminaires relatives à la compétence de cette même Cour, rejetées du reste, avaient été soulevées par le Nigeria.  Mais cette confiance dans l’impartialité des juges aura d’abord été mise à rude épreuve avec l’arrêt de 1966 de la C.I.J. dans les affaires introduites par le Liberia et l’Éthiopie au sujet de l’exécution du mandat accordé à l’Afrique du Sud dans ce qui était alors appelé le SudOuest africain – la Namibie actuelle. La Cour, qui avait d’abord rejeté, en 1962, les exceptions soulevées par l’Afrique du Sud relatives à sa compétence, décida ensuite sur le fond que les deux requérants n’avaient pas d’intérêt juridique suffisant dans ces affaires et elle rejeta en conséquence les demandes. Cet arrêt heurta les États en dévelop pement à un point tel qu’une majorité des Membres de l’Assemblée générale des Nations Unies refusa, lors de sa Quatrième Commission, l’apport financier à 1 la Cour . Cette confiance sera par ailleurs en partie rétablie par la décision de la Cour dans l’affaireNicaragua/ÉtatsUnisde 1986 dans laquelle les juges décla reront que les ÉtatsUnis,« en entraînant, armant, équipant, finançant et appro visionnant les forcescontras,et en encourageant, appuyant et assistant de toute autre manière des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celuici, ont, à l’encontre de la République du Nicaragua, violé l’obligation que leur impose le droit international coutumier de ne pas intervenir dans les affaires 2 d’un autre État ».  Un élément additionnel contribuera à rétablir cette confiance lorsque sera répartie plus équitablement l’origine géographique des 15 juges de la C.I.J., qui proviennent désormais des différentes régions de la planète afin d’assurer
1 e  Harris, D.J. (1998)Cases and Materials on International Lawédition, p. 988989., 5 2 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celuici (Nicaragua c. États Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, dispositif. Le texte intégral de l’arrêt, de même qu’un résumé, sont disponibles sur le site Internet de la C.I.J. : www.icjcij.org.
INTRODUCTION
Figure 1TERRITOIRES ET FRONTIÈRES EN AFRIQUE
9
10 LES DIFFÉRENDS TERRITORIAUX ENAFRIQUEune meilleure représentation des diversités culturelles et des systèmes de droit à travers le monde. C’est ainsi que la Cour comptait, à la fin de l’année 2004, 3 trois juges d’origine africaine dont les opinions individuelles ou dissidentes jointes aux arrêts sont du plus grand intérêt dans la mesure où elles comportent souvent des critiques d’un droit fondé trop souvent sur des valeurs exclusive ment occidentales.  Ainsi, la confiance rétablie, plusieurs États africains ontils confié à la sagesse des tribunaux le soin de statuer sur un aspect fondamental de leur exis tence même, en l’occurrence les limites de leurs territoires respectifs (maritimes aussi bien que terrestres). Le territoire a en effet été souvent défini comme étant, avec la population et le gouvernement, l’une des conditions de l’existence d’un État et, partant, de la reconnaissance internationale sans laquelle il ne saurait fonctionner, à moins de constituer l’exception qui confirme la règle. Aussi, toute atteinte, réelle ou présumée, à l’intégrité de ce territoire est susceptible de dégénérer en conflit ouvert ou latent, qui sera réglé par des moyens non pacifi ques ou pacifiques. Les frontières sont réputées inviolables et leur intangibilité a été formellement reconnue par la presque totalité des États africains, alors même qu’elles avaient été héritées de puissances coloniales qui les avaient tra cées à l’insu ou même au mépris des populations locales. Si l’État a l’épiderme sensible, si le franchissement illégal de ses frontières constitue souvent uncasus belli, à plus forte raison tout l’organisme est atteint si, par delà les limites exté rieures, c’est l’intégralité même de ce territoire qui est touchée, considérée alors par un voisin comme faisant partie de son propre territoire. Que le conflit porte exclusivement sur la détermination d’une frontière (terrestre ou maritime), ou que, plus fondamentalement encore, ce soit la négation même de cet État qui pose problème, ce conflit pourra être réglé, à défaut d’accord bilatéral et si les acteurs ont eu la sagesse d’exclure le moyen de la guerre, par une voie juridic tionnelle (judiciaire ou arbitrale). Le recours juridictionnel : un mode éminent de règlement pacifique des conflits  Éminent en effet parce qu’il porte le sceau de l’impartialité, le recours juridictionnel est souvent ultime, en Afrique peutêtre plus qu’ailleurs, quand il intervient en aval des négociations qui ont échoué et en amont du conflit armé qui risque d’éclater. Pourtant ce mode de règlement a été très peu étudié, hors 3  Il s’agit des juges Raymond Ranjeva (Madagascar), Abdul G. Koroma (Sierra Leone) et Nabil Elaraby (Égypte). Les autres juges sont Shi Jiuyong (Chine), Hisashi Owada (Japon), Awn Shawkat AlKhasawneh (Jordanie), Gilbert Guillaume (France),Vladlen S. Vereshchetin (Fédération de Russie), Rosalyn Higgins (RoyaumeUni), Bruno Simma (Allemagne), Peter Tomka (Slovaquie), Pieter H. Kooijmans (PaysBas), Gonzalo Parra Aranguren (Venezuela), Francisco Rezek (Brésil),Thomas Buergenthal (ÉtatsUnis).
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