Alain et Freinet
306 pages
Français

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Alain et Freinet , livre ebook

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Description

On présente souvent les propositions d'Alain et celles de Freinet, en matière scolaire, comme deux pôles opposés. Alain dénonce la pédagogie de façon générale, ou un pédagogisme dont Freinet serait une figure emblématique. La confrontation détaillée des œuvres permet de se libérer du filtre polémique à travers lequel on les lit. Ce dialogue entre le philosophe et le pédagogue permet d'éclairer certaines tensions qui continuent de hanter la controverse française sur l'école.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 43
EAN13 9782296454668
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alain et Freinet


Une école contre l’autre ?
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13977-0
EAN : 9782296139770

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Baptiste Jacomino


Alain et Freinet


Une école contre l’autre ?


L’Harmattan
Merci à Michel Fabre et à Pierre Kahn
1. Introduction générale
Je souhaite ébranler les certitudes schématiques et dénouer les simplifications hâtives. C’est, me semble-t-il, un point de départ obligé, si l’on veut réfléchir. (PROST, 1985 p.11).
1.1. Alain aujourd’hui
Voilà longtemps que la controverse française sur l’école patine, et nous ne prétendons pas y mettre un terme ici. On a coutume de dire qu’elle oppose deux camps, celui des « pédagogues » et celui des « néo-républicains ». Cette description masque en partie la complexité du débat. Mais elle permet de situer certains discours sur l’école qui se présentent comme républicains et qui dénoncent tantôt la « pédagogie », tantôt le « pédagogisme ».
Le clivage apparaît pleinement dans les années 1980, au sein de la gauche, qui est alors aux affaires. L’école au sujet de laquelle on débat est avant tout le récent « collège unique ». Dans un camp se trouvent les « pédagogues » réformistes. Ils sont généralement favorables à l’individualisation de l’enseignement, à l’instauration d’un « tutorat », à la décentralisation des établissements et à l’ouverture de l’école sur son environnement.
L’autre camp est souvent appelé « républicain » ou « néo-républicain ». Il est composé des nostalgiques d’une certaine « école républicaine », assez largement mythique. De l’école de Jean-Claude Milner (1984) est un des ouvrages qui marquent l’avènement d’une dénonciation « néo-républicaine » de la pédagogie. Le débat sur le port du voile islamique en classe puis la controverse sur la violence à l’école ont conduit à replacer au premier plan le conflit entre « pédagogues » et « néo-républicains ».
C’est dans le cadre de cette controverse qu’une ample littérature récente sur l’école trouve sa place. Quelques noms d’auteurs sont devenus emblématiques. Régis Debray, Jacques Muglioni, Jean-Claude Milner, Henri Pena-Ruiz, Alain Finkielkraut, en particulier, sont souvent classés et se classent parfois eux-mêmes dans le camp « républicain » ou « néorépublicain », tandis que Philippe Meirieu ou Antoine Prost, par exemple, se présentent comme les défenseurs des « pédagogues ».
Les « néo-républicains » s’opposent souvent radicalement à l’idée d’une école « ouverte », où les enfants seraient « éduqués » par une « communauté éducative », soucieuse de « pédagogie » générale plutôt que de contenus disciplinaires particuliers. Parmi les références philosophiques dont se réclament les « néo-républicains », trois noms principaux apparaissent : Condorcet, Arendt et Alain.
L’héritage d’Alain est ainsi revendiqué par Henri Pena-Ruiz (2005), par Régis Debray (2000), par Yves Lorvellec (2001) et par Jacques Muglioni (1993 ; 1996). C’est qu’Alain a proposé un éloge appuyé de la clôture scolaire et qu’il a critiqué avec virulence les positions de celui qu’il appelle « le pédagogue » (ALAIN, 1986). Alain semble dès lors annoncer certains discours « néo-républicains » (FABRE, 2002 ; DENIS et KAHN, 2006 ; CADY, 2006).
Les débats actuels apparaissent donc comme une invitation à relire Alain en même temps qu’ils troublent cette lecture. On s’appuie sur Alain pour intervenir dans un débat bien postérieur à l’œuvre du philosophe.
Une certaine conception de la pensée d’Alain s’impose. On oppose souvent sa philosophie de l’éducation à un ensemble mal défini : le « discours pédagogique ». Par exemple, en 2001, Yves Lorvellec a consacré un ouvrage à la philosophie de l’éducation d’Alain dont le sous-titre est Eléments pour une critique de la pédagogie (LORVELLEC, 2001).
Yves Lorvellec ne définit jamais clairement par la suite ce qu’il entend par « pédagogie ». C’est une entité vague qu’il accuse de bien des maux. Il écrit dès la première phrase du livre que « les pédagogues commencent bien mal quand ils s’interrogent sur ce qui convient à l’enfant. » (LORVELLEC, 2001, p.7). L’axe polémique de l’ouvrage est ainsi posé. La pensée d’Alain doit servir à répondre aux « pédagogues ». Le dialogue est cependant toujours biaisé parce qu’Yves Lorvellec ne donne aucun interlocuteur précis à Alain. Il suppose que la « pédagogie » est un ensemble théorique très homogène et que la philosophie d’Alain nous conduit à en prendre le contre-pied.
La posture d’Yves Lorvellec n’est pas isolée. Jacques Muglioni (1996) et Michelle Noisilier-Ogor (1996), par exemple, s’appuient sur leur lecture des Propos sur l’éducation (ALAIN, 1986) pour condamner les « pédagogues » ou les « nouvelles philosophies de l’éducation » {1} .
A quelle pédagogie ces « néo-républicains » songent-ils ? Même si la référence est rarement précise et explicite, il semble que la pédagogie Freinet soit considérée comme une forme emblématique de ce grand repoussoir protéiforme appelé « pédagogie » ou « pédagogisme ». Le nom de Freinet apparaît parfois parmi ceux des rares pédagogues nommément condamnés. Même quand elle n’est pas désignée explicitement, la pédagogie Freinet semble correspondre vaguement au repoussoir que pointent certains « néo-républicains » quand ils dénoncent les pédagogies nouvelles de l’entre-deux-guerres ou l’idée d’école ouverte {2} .
A lire ces « néo-républicains », on croirait que deux modèles cohérents et unifiés s’opposent irrémédiablement. Il y aurait l’école « républicaine », dont Alain serait un des grands défenseurs, et l’école adverse, celle de Freinet et de tous les « pédagogues ».
Aurait-on affaire à la lutte d’une école contre l’autre {3} ? Les propos sur l’éducation d’Alain ont-ils pour fonction de défendre une certaine idée de l’école face aux attaques de cette « pédagogie » dont les techniques Freinet seraient une figure emblématique ?
Aucune confrontation détaillée et approfondie n’a été proposée pour appuyer l’idée d’une opposition radicale entre l’école défendue par Alain et celle que proposent les « pédagogues » comme Freinet. Si Yves Lorvellec ou Jacques Muglioni ne prennent pas soin de fonder leurs condamnations sur une analyse approfondie, sans doute est-ce parce qu’ils n’accordent aucun intérêt aux œuvres des « pédagogues ».
Nous proposons de construire ici la confrontation détaillée entre la pensée de Freinet et celle d’Alain qui est si souvent présupposée, si souvent considérée comme évidente et vaine. Il s’agit de problématiser l’opposition dessinée par de nombreux « néo-républicains ». Cette comparaison, qui relève de l’histoire des idées, doit permettre de clarifier certaines conceptions qui hantent les débats actuels sur l’école.
1.2. De Freinet à Alain et d’Alain à Freinet
Se contenter d’opposer la réflexion d’Alain sur l’école à celle de Freinet reviendrait à masquer, en particulier, l’intérêt de Freinet pour les propos sur l’éducation d’Alain (1986). Certes, Freinet est loin d’approuver toutes les conceptions d’Alain qu’il connaît. Mais il n’en parle pas toujours pour les condamner. Il s’appuie parfois sur la pensée du philosophe pour construire sa propre réflexion pédagogique.
Quand nous explorons la vie et l’œuvre de Freinet, il apparaît que le pédagogue a lu le philosophe et qu’il a accordé de l’intérêt à ses propos. Ce lien entre l’héritage d’Alain et la pensée de Freinet a rarement été souligné. C’est Jean Vial qui nous met sur la piste. En 1966, à l’Institut Pédagogique National, il prononce un discours en hommage à Freinet, mort quelques mois avant (VIAL, 2000). Jean Vial dit alors que Freinet citait souvent Alain. Ce n’est qu’une remarque rapide.
Faut-il comprendre que Freinet faisait souvent référence à Alain dans les conversations ? Jean Vial fait-il plutôt allusion à des citations qui apparaîtraient dans le

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