La professionnalisation mise en objet
284 pages
Français

La professionnalisation mise en objet , livre ebook

284 pages
Français

Description


Collection : Action et savoir

La nécéssité de "professionnaliser" et de "se professionnaliser" renvoie à un usage social plus en plus répandu. La relation formation/emploi est interrogée dans de nouveaux contextes éducatifs, formatifs et professionnels. Ce livre aborde la question de la professionnalisation : entre perspectives théoriques et approches méthodologiques, au croisement des institutions et des sujets, et au travers de dispositifs de développement et de pratiques d'accompagnement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 91
EAN13 9782296481541
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA PROFESSIONNALISATION MISE EN OBJET
ACTION ET SAVOIR - Série RENCONTRES Dirigée par Jean-Marie Barbier. ACTION ET SAVOIR - Série RENCONTRES est une collection d’ouvrages collectifs s’adressant à des professionnels et à des chercheurs intéressés par la théorisation de l’action dans différents champs de pratiques, et par les rapports entre construction des activités et construction des sujets. Dernières parutions Gaëlle LE MEUR, Maude HATANO (dir.),Approches pour l’analyse des activités, 2011. Patrick OBERTELLI (Sous la dir.)Penser « entreprise-société »,2011. Claudie SOLAR et Pierre HEBRARD (dir.),Professionnalisation et formation des adultes : une perspective universitaire France-Québec, 2008. Richard WITTORSKI,Comment les enseignants apprennent-ils leur métier, 2008. Denis LEMAITRE et Maude HATANO (Coord.),Usages de la notion de compétence en éducation et formation, 2007. Marie-José AVENIER et Christophe SCHMITT (Sous la dir.),La construction de savoirs pour l’action, 2007. Richard WITTORSKI (Coord.),Formation, travail et professionnalisation, 2005. M. TOZZI et R. ETIENNE (Sous la dir.),La discussion en éducation et en formation, 2004.
Coordonné par Didier Demazière, Pascal Roquet et Richard WittorskiLAPROFESSIONNALISATION MISE EN OBJET
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56881-5 EAN : 9782296568815
%  &'   
La professionnalisation est un curieux phénomène pour les sciences humaines et sociales qui désigne nombre de mutations des mondes du travail et de la formation, et devient une véritable antienne et, par contrecoup, une question incontournable pour qui cherche à décrire, analyser, comprendre et interpréter ces transformations. Les chercheurs héritent en quelque sorte d’une formule  le terme professionnalisation dont ils peuvent, en fonction de leur épistémologie de référence, faire des usages variés : la critiquer voire la rejeter au nom de la mise à distance des prénotions ou d’une posture de dévoilement ; la mobiliser et la reprendre au nom d’une perspective compréhensive ou d’une posture de porteparole ; l’interroger et la théoriser au nom d’une exigence analytique ou d’une posture interprétative, etc. C’est dans le cadre de cette dernière option que s’inscrit cet ouvrage : la professionnalisation y est considérée comme un  (Becker, 1962), dont il convient à la fois de saisir la variété des significations de sens commun et des usages sociaux, et de proposer des théorisations cohérentes inscrites dans des paradigmes pluriels et explicites. Pour nourrir cet objectif, le parti adopté est celui de la multiplication des éclairages et de la pluridisciplinarité. Avant de livrer quelques repères analytiques qui orientent les éclairages proposés, il importe de pointer quelques traits saillants de la professionnalisation en tant que catégorie et question sociales.
(   ))
Les enjeux sousjacents au terme contemporain de professionnalisation sont anciens et s’insèrent dans deux filiations différenciées sinon indépendantes. D’un côté, ils concernent le procès de division du travail dans ses aspects les plus structurants : spécialisation des activités productives, reconnaissance de métiers, différenciation de statuts, autonomisation de groupes professionnels, etc. En ce sens, la constitution de professions établies et autorégulées représente la figure la plus aboutie de processus plus transversaux et généraux qui concernent l’organisation des places dans l’espace économique et social. De l'autre côté, la professionnalisation est installée dans le champ de la formation dont elle
pointe des dimensions d’importance : articulation des formations et des emplois, objectifs des cursus formatifs, explicitation des requis à l’exercice d’un métier, définition des savoirs, etc. En ce sens, le renforcement des prescriptions institutionnelles (aux plans national et européen) concernant le rapprochement entre formation et travail, est le révélateur de questions récurrentes portant sur le rôle des dispositifs de formation dans la préparation à un exercice professionnel. On voit bien que les significations investies dans les deux cas ne sont pas identiques. De plus, en circulant dans l’espace social le terme professionnalisation s’est chargé de nouvelles significations, dont il est d’ailleurs impossible de dresser l’inventaire tant elles se démultiplient. Ainsi, nombre de dispositifs internes aux entreprises et reposant sur une logique de compétences dites « transversales » ont été étiquetés comme relevant d’une démarche de professionnalisation. De même, nombre de réformes managériales appuyées sur l’introduction d’outils de gestion des activités et orientées vers une rationalisation de la production sont promues au nom de la professionnalisation. Celleci devient également une étiquette accueillante pour justifier et légitimer les mutations des services, publics ou privés, conduites afin d’améliorer la satisfaction d’un usager ou d’un client qui seraient porteurs d’une demande de professionnalisation. A mesure qu’elle se diffuse la notion de professionnalisation devient fortement polysémique, et le consensus lexical n’entame pas, bien au contraire, le dissensus sémantique. Un autre signe de cette hétérogénéité des réalités ainsi désignées, réside dans la variété des phénomènes qui seraient objet d’une professionnalisation. On parle désormais de professionnalisation du sujet, de l’acteur, de l’activité, du service, de la formation, des études, de l’organisation, de l’entreprise, des travailleurs, des professionnels, etc. Cette diffusion, qui étonne et interroge, implique qu’une multiplicité d’acteurs font de la professionnalisation un objectif à atteindre, un élément de stratégie, le fairevaloir d’un point de vue, un argument de légitimation de leur action, ou un slogan rhétorique. Car le mot et ses usages relèvent avant tout d’une intention sociale, participent d’une idéologie positive (Johnson, 1972) alimentant une transformation sociale globale (Perkin, 1988). Aussi estil utile, sans écarter ce vocable si prisé, de dissiper quelque peu la confusion qui accompagne sa diffusion, en pointant quelquesunes de ses significations contrastées et en les reliant à des dimensions spécifiques du travail ou de la formation. Nous nous limiterons ici à lister quatre de ces dimensions : l’emploi ou le statut, l’activité ou le métier, les savoirs ou les compétences, le résultat ou le produit.
Tout d’abord, la professionnalisation est une catégorie politique ou administrative, qui s’est diffusée à travers les politiques publiques dans un contexte de raréfaction des emplois. Dans ce cadre, elle est définie par l’objectif de développement de nouvelles activités qui démontreraient leur utilité, s’affirmeraient comme indispensables et finalement se transformeraient en opportunités d’emplois. Cette visée normative suppose de rassembler un ensemble de tâches et de leur attribuer un nom de métier, de faire émerger une demande solvable et, audelà, un marché de services ou de produits, bref d’exploiter des gisements d’emplois pour en faire des positions répertoriées dans la division du travail. Professionnaliser c’est alors produire des formations et des formés qui alimenteront ces nouvelles positions, et en ce sens c’est créer de l’emploi. La professionnalisation est aussi une catégorie culturelle ou identitaire, qui peut à ce titre être mobilisée par tout travailleur, individuellement ou à travers des actions collectives, à propos de sa situation ou de sa carrière. Dans ce cadre, elle est presque une notion d’évidence qui désigne un effet quasimécanique de l’expérience : accumuler de l’expérience dans la réalisation d’une tâche c’est mieux la maîtriser, c’est enrichir ses savoirfaire, c’est progresser dans l’accomplissement de son travail, c’est se professionnaliser. Elle est alors un processus cumulatif et continu, qui toutefois peut être interrompu par des mobilités d’emploi ou des ruptures professionnelles. La professionnalisation peut alors désigner la réparation de ces accidents, par retour à l’emploi mais aussi par intégration dans des collectifs de travail soudés par des sentiments d’appartenance ou de fierté. La professionnalisation s’applique alors à l’activité de travail, à ses conditions de déroulement et à sa réalisation. La professionnalisation est également une catégorie pédagogique ou cognitive, qui interroge les finalités et les modalités de formation dès lors que celleci se situe en amont d’une insertion professionnelle et peu ou prou y prépare. Dans ce cadre, elle est devenue une composante incontournable de la réflexion sur les cursus de formation, de la mise au point des curricula, de l’ajustement des pratiques pédagogiques, du pilotage des dispositifs de qualification, de l’évaluation de filières éducatives. Cette composante ne fait pas consensus, et, au contraire, est l’objet de désaccords et d’interprétations divergentes entre catégories d’acteurs, mais elle devient un paramètre de plus en plus central dans la définition même de l’acte de former. La professionnalisation concerne alors la production et la transmission des savoirs et leur reconnaissance en tant que compétences négociables. La professionnalisation est encore une catégorie gestionnaire ou managériale, constituée comme vecteur des exigences adressées aux
travailleurs à propos de ce qu’ils font. Dans ce cadre,elle ne concerne ni l’emploi occupé ni l’activité conduite ni les savoirs mobilisés, mais plutôt le résultat ou le produit du travail. Elle est portée par des demandes, exigences ou injonctions adressées aux individus par ceux qui sont en position d’exercer un contrôle sur leur travail. Cela concerne un grand nombre de situations professionnelles, et en particulier l’ensemble du salariat puisque les supérieurs hiérarchiques ont par définition une action de contrôle sur leurs subordonnés : se professionnaliser est alors un mot d’ordre qui diffuse dans les organisations et accompagne généralement des changements d’ampleur menés au nom d’une inévitable modernisation (Boussard & al., 2010). Mais d’autres acteurs peuvent aussi tenter de faire valoir leurs exigences, et formuler des injonctions à la professionnalisation, comme par exemple les destinataires du service. Tantôt catégorie politique, culturelle, pédagogique ou gestionnaire, la professionnalisation désigne des dimensions différentes du travail ou de la formation, comme l’emploi, l’activité, les savoirs, le résultat. Dans chacun de ces registres, elle est investie comme un objectif légitime, souhaitable ou nécessaire, du moins pour certains acteurs : les pouvoirs publics attachés au développement de l’emploi et à la réduction des situations de privation d’emploi peuvent y voir un levier efficace ; les travailleurs valorisant leur activité et souhaitant une reconnaissance de leur métier peuvent y voir une revendication possible ; les hiérarchies managériales engagées dans une amélioration de la rentabilité productive peuvent y voir un argument mobilisateur ; les clients soucieux de la qualité des biens et services qu’ils acquièrent peuvent y voir une garantie supérieure. Et il n’y a pas de raison que ces mobilisations de la pour professionnalisation convergent et s’harmonisent en un mouvement débarrassé d’ambiguïtés et de conflits. Du moins montrentelles le caractère sensible et tangible des logiques forcément plurielles et contradictoires de professionnalisation. Puisque cette notion est chargée de significations pour de multiples acteurs, il n’y a pas de raison que les chercheurs en sciences humaines et sociales la rejettent, mais s’ils s’en emparent c’est avec un surcroît de vigilance et d’exigences, et avec l’intention de proposer des perspectives analytiques solides et maîtrisées.
(    '
Parallèlement à la multiplication de ses usages sociaux, la professionnalisation est devenue un objet d’investigation important, dans des univers disciplinaires différents, tels la sociologie du travail et des professions, les sciences de l’éducation et la formation des adultes, etc. De
fait, il est impossible de présenter la variété des focales adoptées ou la richesse des résultats produits. Mais quelques points de repères analytiques peuvent être dégagés, que l’on retrouvera tout au long des chapitres qui composent cet ouvrage : l’enjeu central des processus de professionnalisation concerne la maîtrise et la définition du travail ou de la formation ; la professionnalisation est un processus qui apparaît par définition inachevé et qui engage des temporalités complexes ; la signification de la professionnalisation n’est pas substantielle mais est le produit de rapports sociaux et de jeux d’acteurs. Les spécialités professionnelles, qu’elles soient considérées dans les organisations productives ou dans les lieux de formation, ne sont ni immuables ni étanches. Elles peuvent être plus ou moins institutionnalisées et codifiées, elles peuvent être anciennes ou émergentes, elles peuvent être délimitées de manière claire ou floue, elles sont dans tous les cas prises dans des enjeux de maîtrise, de contrôle et de configuration du travail et de la formation, des activités et des savoirs. Et ce sont précisément ces enjeux, et leurs traductions spécifiques et locales, qui soustendent les analyses de la professionnalisation : comment les attributions professionnelles sontelles délimitées et (re)distribuées, comment définir les savoirs spécifiques et comment sontils recomposés, comment les faisceaux de tâches sontils modulés et de quels glissements sontils l’objet, comment combiner des socialisations professionnelles différenciées et intégrer de nouveaux arrivants, comment agencer des définitions endogènes de l’activité et des conceptions exogènes du résultat, comment articuler la cohérence de parcours individuels et l’imprévisibilité des contextes, etc. ? Ces questions affleurent, avec une saillance variable, dans tous les mondes professionnels, entendus au sens des espaces sociaux dans lesquels interagissent des acteurs individuels, collectifs et institutionnels à propos d’une activité identifiable et identifiée (Demazière & Gadéa, 2009). Les dynamiques de professionnalisation, mais aussi de (dére) professionnalisation y sont sousjacentes, et elles peuvent être appréhendées au croisement de différents niveaux d’analyse, tels le sujet, l’activité et l’organisation (Wittorski, 2009). L’approche multidisciplinaire adoptée ici conduit à faire varier les lieux d’observation (situations de formation, entreprises, moments d’apprentissage, catégories de travailleurs, institutions éducatives, postes de travail), les entrées analytiques (le sujet en apprentissage, les collectifs de travail, l’interaction pédagogique, la relation hiérarchique, le dispositif de formation, l’outil de gestion, le projet institutionnel, le groupe professionnel), les registres de conceptualisation (fonctionnement organisationnel, identité personnelle, éthique
professionnelle, normes de travail, pilotage des activités, action située, interactions sociales). C’est donc à travers de multiples éclairages que le travail et la formation sont interrogés, dans leur identité, leur pérennité, leur devenir, leur qualité. Si la professionnalisation est étroitement liée à des enjeux de maîtrise du travail ou de la formation, elle apparaît aussi comme un processus inachevé, inabouti, incertain. La professionnalisation implique  une interrogation sur le changement, puisqu’elle désigne un mouvement dynamique. Mais la forme temporelle de ce mouvement doit être explicitée. Cela est d’autant plus nécessaire que le risque n’est pas négligeable de modéliser la temporalité de la professionnalisation en termes de sens historique, de progression dans une direction donnée, d’évolution dans une gradation. Les usages sociaux n’y échappent guère, qui incorporent, dans les registres tant politique que culturel, institutionnel ou gestionnaire, une visée téléologique : il s’agit d’avancer dans une direction considérée comme positive et désirable. La professionnalisation apparaît alors comme une marche en avant, et le chercheur risque d’être renvoyé à une activité de mesure du chemin parcouru, quitte à affirmer la dimension critique de son point de vue en montrant que les acteurs concernés surévaluent (ou sous évaluent) leur progression sur ce chemin. Or, la professionnalisation engage des temporalités plus complexes que le temps homogène et linéaire du Chronos. Parce qu’elle est composite, affectée de significations, stratégies et conduites hétérogènes, et investie par des acteurs disparates (individus, collectifs, organisations), la professionnalisation est façonnée par des temporalités multiples (Roquet, 2007). Elle renvoie à un processus complexe qui ne peut être totalement programmé et maîtrisé, par aucun des acteurs qui y sont engagés même si tous n’ont pas le même pouvoir de le façonner ou de l’infléchir. Aussi, en rester à une conception linéaire, évolutive voire chronologique de ce processus ne permettrait pas de prendre en compte la diversité des temps de la professionnalisation : temps biographique des parcours individuels, temps subjectif des anticipations d’avenir, temps discontinu de la maturation des projets professionnels, temps contingenté des situations de formation, temps réglé de l’accomplissement des tâches, temps incertain des stratégies managériales, temps rationalisé de l’organisation du travail, temps instantané des échanges et interactions, temps sédimenté de la cristallisation de collectifs de travail, etc. La professionnalisation est donc moins un accomplissement qui se stabiliserait dans un état différent de l’état initial (réussir son diplôme, accéder à une qualification codifiée, acquérir la maîtrise d’un ensemble de gestes, préserver un territoire professionnel,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents