Référence et rigidité des termes singuliers
288 pages
Français

Référence et rigidité des termes singuliers , livre ebook

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Description

La référence des termes singuliers – noms propres, descriptions définies, indexicaux – n'est pas tributaire des mêmes critères d'usages. Il en va aussi de leur rigidité. La rigidité des noms propres relève de leur usage référentiel ; la rigidité des descriptions définies est liée à la détermination du référent par une propriété qu'il est unique à satisfaire (usage référentiel unique) ; la rigidité des indexicaux, nommés aussi déictiques, réside dans leur usage référentiel (unique) situasif...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2013
Nombre de lectures 11
EAN13 9782336332130
Langue Français
Poids de l'ouvrage 25 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Référenceet rigiditédes termessinguliers
Les indexicaux autodésignatifs JeanPierre Badidike
Référence et rigidité des termes singuliers
Jean-Pierre BADIDIKE
Référence et rigidité des termes singuliers
Les indexicaux auto-désignatifs
D/2013/4910/37ISBN 13 :978-2-8061-0120-4©Academia-L’Harmattans.a.Grand’Place,29B-1348LOUVAIN-LA-NEUVETous droits dereproduction, d’adaptationou detraduction,par quelque procédéquece soit,réservéspour tous pays sansl’autorisationde l’éditeur ou de ses ayantsdroit.www.editions-academia.be
Au Cardinal Laurent Monsengwo
PRÉFACE La question de la référence singulière est particulièrement difficile. De Gottlob Frege et Bertrand Russell à Keith Donnellan, David Kaplan ou François Recanati, les philosophes e du langage du XX siècle lui ont accordé une attention toute particulière, s’efforçant de déterminer non seulement comment les expressions du langage peuvent désigner des objets du monde, mais encore comment elles peuvent désigner des objets singuliers en dépit de l’apparente généralité des mécanismes linguistiques de signification. À cet égard, ils ont mis en évidence les tensions entre dimensions descriptive et indexicale de la référence singulière.
Ainsi, les termes singuliers ont-ils, pour Frege, tout à la fois une signification (Bedeutung) – l’objet qu’ils désignent – et un sens (Sinnc’est-à-dire une certaine manière d’appréhender cet) – objet –, tant et si bien que deux expressions – par exemple « l’astre brillant du matin » et « l’astre brillant du soir » – peuvent viser un même objet sous des modes d’appréhension différents. DansMeaning and necessity, Carnap dira que ces deux expressions ont la même extension – elles désignent le même objet dans le monde actuel (Vénus) – mais pas la même intension – leur sens est différent de sorte qu’elles pourraient désigner des objets distincts dans d’autres mondes possibles (ou d’autres états possibles du monde).
De son côté, dans son fameux texte « Sur la dénotation », Bertrand Russell s’est efforcé d’opposer ce type de description définie, qui identifie un objet singulier en tant qu’il satisfait (et est le seul à satisfaire) une certaine description conceptuelle, à une autre sorte de termes singuliers, les noms propres, qui désignent directement un objet sans le décrire. Cette opposition se trouve radicalisée dans des théories ultérieures des noms propres – à commencer par celle de Kripke – qui, arguant de la référentialité directe (c’est-à-dire non descriptive) du nom propre, en feront un « désignateur rigide », par contraste avec
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les descriptions définies qui – du moins quand elles sont prises de dicto– désignent, dans chaque monde, l’individu qui les y satisfait et qui ne peut donc varier d’un monde à l’autre.
Ce tableau, cependant, se complique quand, comme c’est déjà le cas de Russell, on note qu’un certain nombre de noms propres – notamment ceux qui désignent des objets inexistants, mais aussi peut-être tous ceux qui désignent des objets dont je n’ai pas une expérience directe ou « connaissance par fréquentation » (knowledge by acquaintance) – semblent en fait être des descriptions définies déguisées qui désignent leur référent en tant qu’il satisfait une certaine description (« Sherlock Holmes » vaut pour « le détective privée qui résolut la mystérieuse affaire du chien des Baskerville », « Jacques l’éventreur » pour « l’auteur de meurtres sanglants de prostituées en 1888 à Londres », « Phosphorus » pour « l’astre brillant du matin », « Socrate » pour « le philosophe qui dérangeait la société bien-pensante athénienne et fut le maître de Platon ») ; il se peut même, suggère Russell et affirmera explicitement Quine, que ce soit là le cas de tous les noms propres du langage, de sorte que, paradoxalement, les seuls noms propres authentiques – qui désignent directement leur objet sans le décrire, même implicitement – soient les déictiques « ceci » ou « ça » utilisés pour désigner un objet directement présent dans l’expérience sensible.
Le tableau se complique aussi lorsque, avec Kripke, on constate en sens inverse que certaines descriptions définies – comme « la racine carrée positive de 4 » – désignent le même objet (2) dans tous les mondes possibles en raison du fait que les lois mathématiques sont les mêmes dans tous les mondes consistants, mais aussi et surtout lorsque, avec par exemple Donnellan, on constate que, prisede re, une description définie quelconque peut désigner l’objet qui la satisfait dans le monde actuel et continuer à le désigner même dans les mondes possibles où il ne satisfait plus cette description – comme lorsque je dis que « l’actuel Président des États-Unis aurait pu ne pas être l’actuel Président des États-Unis ».
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De l’autre côté, la référentialité directe des noms propres pose également question. Le modèle qui sous-tend cette référentialité directe est celui d’une « étiquette (tag) » – selon le terme utilisé par Ruth Barcan Marcus dès ses premiers travaux de logique modale quantifiée –, étiquette qu’on aurait associée (ou accolée) à un objet au cours d’une cérémonie baptismale initiale et qui en vient ainsi à le désigner sans qu’il soit nécessaire de passer par quelque description de cet objet que ce soit. La question se pose cependant de savoir comment l’objet ainsi désigné peut être identifié au cours de la cérémonie baptismale. À cet égard, la simple ostension ne suffit sans doute pas, dans la mesure où pointer du doigt dans une certaine direction en disant « Ceci s’appellera désormais "Don Diego de la Vega" » ne permet pas, à soi seul, d’identifier le « ceci » qui sera ainsi désigné et, par exemple, d’exclure qu’il s’agirait de désigner ainsi cette partie du corps (la tête) vers laquelle le doigt est plus particulièrement tendu ou ce petit pyjama ou encore cette portion de l’espace (ou ce volume d’air) qui sépare le doigt de l’enfant vers lequel il pointe. Dans la pratique, bien sûr, cette ambiguïté n’apparaît pas pour la raison qu’elle est levée par l’ajout d’éléments descriptifs – « ceci, c’est-à-dire ce jeune enfant,désormais s’appellera "Don Diego de la Vega" » – ou simplement, sur le plan pragmatique, par des éléments de contexte qui précisent qu’on baptise des enfants et non des parties du corps, des pyjamas ou des portions d’espace…
Un autre problème lié à la référentialité directe – et à la « rigidité » – des noms propres consiste à savoir si, pour pouvoir être réidentifié dans différents mondes possibles, c’est-à-dire reconnu comme étant le même objet en dépit du fait qu’il subit des changements et modifie certaines de ses propriétés, un objet doit disposer de traits caractéristiques stables permettant son identification, traits « essentiels » dont la formulation explicite pourrait alors constituer la description définie cachée derrière ce nom propre. Richard Nixon aurait pu porter des cheveux longs et il aurait pu ne pas être le vainqueur de l’élection présidentielle américaine de 1968, c’est-à-dire qu’il y a des mondes possibles où Richard Nixon (ce même individu) porte des cheveux longs et/ou n’est pas vainqueur de l’élection
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