c était en kabylie
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Description

J’ai retrouvé un demi-siècle après, une petite « miniature » de la Kabylie de 1956 où mon père vécut intensément, à 35 ans, le drame Algérien. Ce n’est aucunement un travail d’historien, de sociologue, mais seulement le fruit de la passion, de la jeunesse ; on y trouve des portraits de paysages ou de personnages comme il savait si bien le faire. On y trouve une humanité fascinante : la vie quotidienne d’un peuple très ancien pris dans la tourmente de l’histoire au milieu du XX° siècle.
Une oeuvre posthume éditée par Henri Dumoulin, le fils, à la mémoire de son père Henri Dumoulin.

Informations

Publié par
Publié le 13 février 2012
Nombre de lectures 431
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Extrait

Henri Dumoulin père et fils, Œuvre posthume Mon père à droite avec son chauffeur–interpr ète kabyle, le sergent Bétoui en 1956 en Kabylie. 2 L’été de mes dix ans, en 1956, mon père, H enri Dumoulin, journaliste au quotidien «La Résistance de l’Ouest » m’a dit un mati n: « Henri, tu es gra nd maintenant, je dois partir quelques mois en Algérie, on a besoin de moi là-bas, tu vas aider ta maman à s’occupe r de tes frères et de ta sœ ! ur» Il venait d’être mobilisé d’office au titre d’officier de réserve pour être envoyé en Algérie où de graves troubles de l’ordre public se multipliaient*. Il sera nommé, après une formation à Alger, capitaine de la première compagnie de propaga nde dans la Kabylie en pleine rébellion. Comme lui, ils seront bientôt à la fin de cette année-là 000 400appelés présents en Algérie : des jeunes à partir de 18 ans faisan t leur service militaire obligatoire de 18 mois et 57% de rappelés réservistes comme lui. J’étais l’ainé de six enfants, le plus jeune avait 18 mois, c’était pour m oi la fin de l’enfance insouciante ! L’été de mes soixante-cinq ans, cette année 2011, a lors que je m’efforce de mettre de l’ordre dans les « monceaux », de manuscrits et documents dive rs entassés dans son bureau par mon écrivain de père décédé depuis 4 ans, je découvre dans une che mise cartonnée rose portant le titre P«lan », des feuillets dactylographiés, jaunis par le temps, surchargés de not es manuscrites et de ratures. Après une première lec ture rapide, j’ai un choc car je découvre là, extirpé du passé, un récit plein de spontanéité et de fraîcheur vi sant manifestement à nous transmettre sous la forme d’une fiction, un peu de son aventure maghrébine , 3 une nouvelle inachevée inspirée sans aucun doute par ses deux séjours en Algérie pendant la gue rre d’indépendance . Il a imaginé très habilement une histoire où le narra teur est un jeune kabyle, un personnage fictif comme son histoire, mais évidemment inspiré par le chauf feur interprète kabyle, le Sergent Bétoui, qui s’est réelleme nt trouvé à ses côtés et dont il m’a très souvent parlé. Lui-même s’est placé en retrait, mais pour qui le conna it, on le devine aisément dans le personnage du capi taine qu’il était réellement avec sa compagnie dans les djebe ls de cette Kabylie qui l’a tellement fasciné. Les faits évoqués étaient encore à l’époque très réce nts, le sujet était brûlant, il n’a pas osé rendre public son récit. S’est-il arrêté en chemin, a-t‘il détruit le reste du manuscrit ? On ne peut le savoir, il a emporté son secret dans sa tombe ! * 1956 est l’année du grand chambardement pour les territoires immenses que la France possède à travers le monde au titre de l’Empire fr a:n çaLiess terres de la péninsule indochinoise sont lancées vers l’indépendance depuis la défaite de Dien Bien Phu en 1954, Les protectorats du Maroc et de la Tunisie viennent d’acc éder à l’indépendance, les états d’AOF (Afrique Occidentale Française) et AEF (Afrique Equatoriale Française) rentrent dans une procédure de préparation à l’indépenda ! nce Pour les 3 départements algériens considérés comme partie intégrante du te rritoire français, ça se passe très m !a l(voir dans les annexes le discours du chef du gouvernement français en 1954). Je me suis demandé comment, bien longtemps après cette « aventure », mettre en valeur ce texte. Il eut été pos sible évidemment de l’utiliser pour écrire un essai historique sur la guerre d’Algérie, je n’avais ni les compétence nis 4 surtout l’envie d’évoquer de nouveau les abominations commises de part et d’autre ! Et puis, j’ai retrouvé un gros dossier de photos que j’avais souvent regardées pendant mon enfance et port ant le titre : « C’était en Kabylie » Il s’agissait de photos prises par mon père pendant ses séjours en Algérie. Son regard s’est attardé un jour sur ces paysage s, ces scènes de marché, ces hommes et ces femmes, ses émotions étaient perceptibles sur le papier glacé. J’ai finalement décidé d’illustrer la fiction par la réalité en faisant alterner au fil des pages l’émoti on du texte et l’indicible des images Ce que j’ai retrouvé un demi-siècle après, c’est une pe tite « miniature » de la Kabylie de 1956 où il vé cut intensément, à 35 ans, le drame Algérien. Ce n’es t aucunement un travail de spécialiste de la Kabylie, de sociologue ou de linguiste, mais seulement le fruit de la passion, de la jeunesse ; on y trouve des portraits de paysages ou de personnages comme il savait si bie n le faire. On y trouve une humanité fascina nt: ela vi e quotidienne d’un peuple très ancien pris dans la tourmente de l’histoire au milieu du XX° siècle. 5 6 Chapitre 1 7 Je m’appelle Mouloud Bouberanoun, sergent de tirailleurs, originaire de Tikaatine, douar Yaskrene. Après bientôt cinq ans de voyages et d’épreuves, je s uis content de revoir mon pays, ma Kabylie ! Malgré le soir, l’air de Tizi-Ouzou brûle encore du sirocco qui souffle depuis hier. Las d’attendre un convoi improbable, je prends la route avec mon sac pesant, lourd d’un tas de choses qui feront plaisir, là-haut, chez nous. Le pont sur l’Oued Sébaou : qu’il est maigre notre fleuve en ce cœur de l’été, il est comme les hom !m Jes grimpe sur la route au bord des gorges assombries, au flanc des monts de cailloux, de bruyères et de lentisques. Tout à l’heure, je laisserai le grand chemin pour me glisse r à droite, dans la vallée de l’Oued Stita dont la lente remontée m’amènera en trois heures jusqu’au centre du Douar, à moins qu’une auto ne me rattrape avant. 8 Tiens, quand on parle du diable….. Des coups de Klacson….. Un Dodge à plein moteur, puis un GMC, et une Jeep qui s’arrête ! - Hé l’ami, ou vas –tu ? - J’suis en perm…. ! -On file vers Tigzirt. - ça me va ! C’est un sergent des chasseurs alpins -Tu vas loin ? -Tikaatine ! Tu me laisseras avant le col d’Agouni- goughrane, je couperai par le marabout de Tifilkout pour attraper la route des crêtes vers Boudjima ! L’alpin fait la moue : -Tu es tranquille dans ce bled la nuit ? -Pourquoi ? Je suis chez moi ! -Les Fellagas auss i! Une patrouille française peut mêm e te prendre pour un gars de l’A L!N Dans l’obscurité personne ne pourra voir si ton calot est !bl ePuar-dessus le marché, tu as chaussé des « Pataugas » comme eux ! - Bah ….Tu sais, en Indochine j’en ai vu d’autres ! On a traversé Makouda et ses difficiles lacets dans les plantations de figuiers. Voilà déjà le col, aussi râpé qu’une djellaba de mendiant. Une vapeur tiède monte de la mer, court sur les chênes- lièges de la forêt de Mizrana, et colle à la peau moite. Le chauffeur a oubl ié de s’arrêter, et moi je rêva i!s Tandis que l’on débarque mon sac, mon regard est attiré au sud, vers la masse trapue et mauve du djebel Djurdjura, la rude montagne de Kaby lie, horizon de mon enfance. -Bonne chance quand même et joyeuse permission ! 9 Je marche, vite, vi !te Dans le ciel bleu foncé du crépuscule, voici les premières maisons de mon vil :l age Tikaatine, enfi n! Les pierres brunes sous les tui les rondes, les chaumières basses, bien serrées, empilé es le long du sentier sur le versant au-dessous de moi, dans les oliviers et les figuiers. Est-ce l’émotion qui me coupe les jambes, ou le poids du sac ! Allons, une pose deux minutes et…. une cigarette ! Assis sur une grosse pierre, la borne du champ de notre voisin, le souvenir de mon père m’envahi, qu’Allah l e bénisse en son paradis puisqu’il y croyait. Fervent adept e de la Zaouïa de Sidi Boudekoum, il aurait souhaité m’envoyer à l’école coranique de Cheurfa, mais, grand père, autoritaire et chef incontesté de toute la karouba * ne voulut rien entendre : - Nous sommes des Berbères ! Nos traditions millénaire s résultent de la sagesse des anciens. Honorer nos pè res et 10
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