Étude de femme
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Description

1830. La Comédie humaine - Études de moeurs. Premier livre, Scènes de la vie privée - Tome I. Premier volume de l'édition Furne 1842. Extrait : La marquise de Listomère est une de ces jeunes femmes élevées dans l’esprit de la Restauration. Elle a des principes, elle fait maigre, elle communie, et va très-parée au bal, aux Bouffons, à l’Opéra 

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Publié par
Nombre de lectures 13
EAN13 9782824709710
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
ÉT U DE DE F EMME
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
ÉT U DE DE F EMME
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0971-0
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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compris à Bib eb o ok.ÉT U DE DE F EMME
DÉDI É A U MARQU IS JEAN-CHARLES DI N ÈGRO .
   Listomèr e est une de ces jeunes femmes éle vé es
dans l’ esprit de la Restauration. Elle a des princip es, elle faitL maigr e , elle communie , et va très-p aré e au bal, aux Bouffons, à
l’Op éra  ; son dir e cteur lui p er met d’allier le pr ofane et le sacré . T oujour s
en règle av e c l’église et av e c le monde , elle offr e une imag e du temps p
résent, qui semble av oir pris le mot de Légalité p our épigraphe . La conduite
de la mar quise comp orte pré cisément assez de dé v otion p our p ouv oir
arriv er sous une nouv elle Maintenon à la sombr e piété des der nier s jour s
de Louis X I V , et assez de mondanité p our adopter ég alement les mœur s
g alantes des pr emier s jour s de ce règne , s’il r e v enait. En ce moment, elle
est v ertueuse p ar calcul, ou p ar g oût p eut-êtr e . Marié e depuis sept ans au
mar quis de L istomèr e , un de ces députés qui aendent la p airie , elle cr oit
p eut-êtr e aussi ser vir p ar sa conduite l’ambition de sa famille . elques
femmes aendent p our la jug er le moment où monsieur de Listomèr e
sera p air de France , et où elle aura tr ente-six ans, ép o que de la vie où la
plup art des femmes s’ap er çoiv ent qu’ elles sont dup es des lois so ciales. Le
1Étude de femme Chapitr e
mar quis est un homme assez insignifiant  : il est bien en cour , ses
qualités sont nég ativ es comme ses défauts  ; les unes ne p euv ent p as plus lui
fair e une réputation de v ertu que les autr es ne lui donnent l’ espè ce
d’éclat jeté p ar les vices. D éputé , il ne p arle jamais, mais il v ote bien   ; il se
comp orte dans son ménag e comme à la Chambr e . A ussi p asse-t-il p our
êtr e le meilleur mari de France . S’il n’ est p as susceptible de s’ e x alter , il ne
gr onde jamais, à moins qu’ on ne le fasse aendr e . Ses amis l’ ont nommé
le temps couvert . Il ne se r encontr e en effet chez lui ni lumièr e tr op viv e , ni
obscurité complète . Il r essemble à tous les ministèr es qui se sont succé dé
en France depuis la Charte . Pour une femme à princip es, il était difficile de
tomb er en de meilleur es mains. N’ est-ce p as b e aucoup p our une femme
v ertueuse que d’av oir ép ousé un homme incap able de fair e des soises  ?
Il s’ est r encontré des dandies qui ont eu l’imp ertinence de pr esser légèr
ement la main de la mar quise en dansant av e c elle , ils n’ ont r e cueilli que
des r eg ards de mépris, et tous ont épr ouvé cee indiffér ence insultante
qui, semblable aux g elé es du printemps, détr uit le g er me des plus b elles
esp érances. Les b e aux, les spirituels, les fats, les hommes à sentiment qui
se nour rissent en tétant leur s cannes, ceux à grand nom ou à gr osse r
enommé e , les g ens de haute et p etite v olé e , auprès d’ elle tout a blanchi. Elle
a conquis le dr oit de causer aussi long-temps et aussi souv ent qu’ elle le
v eut av e c les hommes qui lui semblent spirituels sans qu’ elle soit couché e
sur l’album de la mé disance . Certaines femmes co quees sont cap ables
de suiv r e ce plan-là p endant sept ans p our satisfair e plus tard leur s
fantaisies  ; mais supp oser cee ar rièr e-p ensé e à la mar quise de Listomèr e
serait la calomnier . J’ai eu le b onheur de v oir ce phénix des mar quises  :
elle cause bien, je sais é couter , je lui ai plu, je vais à ses soiré es. T el était
le but de mon ambition. Ni laide ni jolie , madame de Listomèr e a des
dents blanches, le teint é clatant et les lè v r es très-r oug es  ; elle est grande
et bien faite  ; elle a le pie d p etit, fluet, et ne l’avance p as  ; ses y eux, loin
d’êtr e éteints, comme le sont pr esque tous les y eux p arisiens, ont un é clat
doux qui de vient magique si p ar hasard elle s’anime . On de vine une âme
à trav er s cee for me indé cise . Si elle s’intér esse à la conv er sation, elle
y déploie une grâce ense v elie sous les pré cautions d’un maintien fr oid,
et alor s elle est char mante . Elle ne v eut p as de succès et en obtient. On
tr ouv e toujour s ce qu’ on ne cher che p as. Cee phrase est tr op souv ent
2Étude de femme Chapitr e
v raie p our ne p as se chang er un jour en pr o v erb e . Ce sera la moralité de
cee av entur e , que je ne me p er merais p as de raconter , si elle ne r
etentissait en ce moment dans tous les salons de Paris.
La mar quise de Listomèr e a dansé , il y a un mois envir on, av e c un
jeune homme aussi mo deste qu’il est étourdi, plein de b onnes qualités,
et ne laissant v oir que ses défauts  ; il est p assionné et se mo que des p
assions  ; il a du talent et il le cache  ; il fait le savant av e c les aristo crates et
fait de l’aristo cratie av e c les savants. Eugène de Rastignac est un de ces
jeunes g ens très-sensés qui essaient de tout, et semblent tâter les hommes
p our sav oir ce que p orte l’av enir . En aendant l’âg e de l’ambition, il se
mo que de tout  ; il a de la grâce et de l’ originalité , deux qualités rar es p ar ce
qu’ elles s’ e x cluent l’une l’autr e . Il a causé sans prémé ditation de succès
av e c la mar quise de Listomèr e , p endant une demi-heur e envir on. En se
jouant des caprices d’une conv er sation qui, après av oir commencé à l’
op éra de Guillaume-Tell , en était v enue aux de v oir s des femmes, il avait
plus d’une fois r eg ardé la mar quise de manièr e à l’ embar rasser  ; puis il la
quia et ne lui p arla plus de toute la soiré e  ; il dansa, se mit à l’é carté , p
erdit quelque ar g ent, et s’ en alla se coucher . J’ai l’honneur de v ous affir mer
que tout se p assa ainsi. Je n’ajoute , je ne r etranche rien.
Le lendemain matin Rastignac se ré v eilla tard, r esta dans son lit, où il
se liv ra sans doute à quelques-unes de ces rê v eries matinales p endant
lesquelles un jeune homme se glisse comme un sylphe sous plus d’une
courtine de soie , de cachemir e ou de coton. En ces moments, plus le cor ps est
lourd de sommeil, plus l’ esprit est agile . Enfin Rastignac se le va sans tr op
bâiller , comme font tant de g ens mal appris, sonna son valet de chambr e ,
se fit apprêter du thé , en but immo dérément, ce qui ne p araîtra p as e
xtraordinair e aux p er sonnes qui aiment le thé  ; mais p our e xpliquer cee
cir constance aux g ens qui ne l’acceptent que comme la p anacé e des
indig estions, j’ajouterai qu’Eugène é crivait  : il était commo dément assis, et
avait les pie ds plus souv ent sur ses chenets que dans sa chancelièr e . Oh  !
av oir les pie ds sur la bar r e p olie qui réunit les deux griffons d’un g
ardecendr e , et p enser à ses amour s quand on se lè v e et qu’ on est en r ob e de
chambr e , est chose si délicieuse , que je r egr ee infiniment de n’av oir ni
maîtr esse , ni chenets, ni r ob e de chambr e . and j’aurai tout cela, je ne
raconterai p as mes obser vations, j’ en pr ofiterai.
3Étude de femme Chapitr e
La pr emièr e ler e qu’Eugène é crivit fut ache vé e en un quart d’heur e  ;

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