Années 1950 - Grandir à Toulon
122 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Années 1950 - Grandir à Toulon , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
122 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

La guerre n’était pas si loin. Parfois, au détour d’un fourré, nous découvrions un casque allemand ou une gourde laissés là par l’occupant lorsqu’il fut chassé. La France se relevait de la guerre, nos parents reprenaient leurs activités et nous allions connaître une enfance heureuse et insouciante. Même s’il nous manquait encore le beurre, nous avions déjà les tartines de pain. L’essentiel pour nous, les minots de Toulon, était de s’instruire et de jouer, ou plutôt l’inverse?! Cela nous prendrait du temps, du cours préparatoire jusqu’au certificat d’études. De quoi se construire des souvenirs ! » Jean-Charles Meyer raconte ici les années 1950 telles qu’il les a vécues à Toulon. De la discipline de l’école primaire à la liberté de la rue, ce merveilleux terrain de jeu, les petits Toulonnais profitent, sans le savoir, de ces instants de bonheur et d’insouciance propres à l’enfance. C’est le temps des baignades, du cinéma de quartier, des bals populaires et des premières amours. Du quartier Brunet jusqu’au stade Mayol, l’auteur nous entraîne avec un plaisir non dissimulé à travers les Trente Glorieuses toulonnaises. Ses souvenirs sont ceux de toute une génération…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2014
Nombre de lectures 23
EAN13 9782813815347
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0035€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PouR cOmMenceR…
« Ah, c’est vous l’écrivain ? »  Combien de fois aije entendu cette phrase, m’inter rogeant lorsque je me présentais à un salon littéraire ou à une séance de dédicace. J’ai coutume de répondre que je suis un auteur, pas un écrivain, et j’ajoute que Jean Jacques Rousseau, lui, était un écrivain. Il a écrit sur le sujet du bonheur passé mais je ne reprendrai pas sa prose que j’aime et respecte. Pourtant…  Vieillissant, il disait que plus il prenait de l’âge, plus il se souvenait de son enfance avec force détails.  En cela, et en cela seulement, je lui ressemble et je suis certain que nous sommes nombreux à ressentir ainsi les années d’un passé ma foi pas si lointain.  Qu’estce que soixante ans dans une vie ? Bien sûr, tout est relatif mais, à l’échelle du monde, on n’en peut mesurer le temps. Toutefois, au seuil de notre vie, soixante ans c’est une histoire faite de tout petits riens, ou plutôt de toutes petites choses. Car, pour chacun, chacune d’entre nous, le vécu a son importance.  Lorsque, à l’instar de JeanJacques Rousseau et de sa pervenche, je me souviens de ma petite enfance, des détails très anodins resurgissent : le décor de ma chambre à coucher, le goût des reinesclaudes du verger
5
ou de la cuillère d’huile de foie de morue matinale, le texte d’une chanson entendue « dans le poste ».  Je suis intimement persuadé qu’à la lecture de cet ouvrage, chacun retrouvera un peu de ses bonheurs passés. De ces moments personnels qui nous permettent, aujourd’hui encore, d’aller de l’avant. Certains nom ment ceci l’expérience. En tout cas, il ne s’agit nulle ment de nostalgie, puisque ce sentiment est synonyme de tristesse. Ce sont des instants de bonheursouvenir. Nous les avons tous vécus et parfois partagés, notam ment au cours des années de classe à l’école primaire.  Le but de ce livre sera atteint lorsque, le lisant, vous le poserez un instant, fermant les yeux, et vous revivrez une parcelle de cette jeunesse : « Ah oui… Je me souviens, j’ai fait la même chose ! Quel bonheur ! »
LE qUaRIeR BrunT
Le quartier Brunet, c’était notre village. Un village sans clocher mais pas sans l’esprit qui y sied. Les fron tières que nous avions déclarées étaient, à l’est l’avenue Duplessis de Grénédan, au sud le château de Font Pré, à l’ouest « la rue du dépôt des trams » et au nord l’ave nue du Colonel Picot. C’était la voie principale qui traversait Toulon d’est en ouest et inversement. La circulation y était importante, surtout aux heures des entrées et sorties de l’arsenal. Je devais, quant à moi, traverser cette route pour m’en aller deux fois par jour à l’école primaire de l’Elisa.  Cela se faisait sans difficulté, à l’exception des jours de violents orages. Les eaux boueuses et tumul tueuses qui descendaient du Coudon suivaient le trottoir en s’élargissant vers la moitié de la chaussée. Immanquablement, ces jourslà, je pataugeais pour atteindre l’autre côté. Fort heureusement, je possédais des chaussures montantes, en cuir, qui étaient étanches. Lorsque l’eau était à l’intérieur, elle ne pouvait plus en sortir. Je passais ainsi une partie de la demijournée avec les pieds trempés. Lorsque l’eau s’était évaporée, il était l’heure de rentrer à la maison et de… traver ser le boulevard dans l’autre sens. J’arrivais à la maison accompagné par le flicflac de mes souliers. Mais, nous
7
le savons bien, ces temps de pluie, s’ils sont brutaux et volumineux, ne sont pas nombreux dans le départe ment du Var.  Notre village comptait environ 500 habitants, répar tis dans de petites maisonnettes qui s’alignaient le long des rues. Elles possédaient un jardinet fleuri avec tout l’amour des propriétaires. Dans certains jardins étaient plantés des arbres fruitiers qui, le printemps venu, attiraient notre convoitise. Les rues Duplessis de Grénédan, de Font Pré et Brindejonc des Moulinais, orientées nordsud, reliaient ce fameux boulevard du Colonel Picot avec le site du château de Font Pré. Elles étaient en pente. Merveilles de la nature et des ingénieurs des Ponts et Chaussées, nous pouvions ainsi les dévaler sur toutes sortes d’engins mobiles de notre fabrication.  Particularités de notre quartier, il y avait le dépôt toulonnais des tramways puis plus tard des trolleybus et, à l’extrémité sud, la propriété du château de Font Pré, son bassin d’agrément et ses vastes plaines.  Dans le bassin, au printemps, nous pêchions des têtards que l’on enfermait dans des bouteilles afin de les « montrer » à la maîtresse. Les vastes plaines étaient nos terrains de jeu aussi divers que variés. Plus tard, modernité aidant, s’élevèrent une piscine et un stade d’évolution pour les scolaires. Nous avions ouvert la voie. De même, à l’extrémité de ces vastes plaines, où nous avions creusé un tunnel, passa un jour l’auto route de l’Est, reliant Toulon à La Valette.  La communauté de Brunet comportait, dans ses rangs, des ouvriers de l’arsenal, des marins d’Etat, des
8
employés de la RMTT (Régie mixte des transports tou lonnais) que nous avions rebaptisée « Rien Marche, Tout Traîne », des commerçants qui rendaient bien des services et quelques retraités que nous avions étiquetés « grincheux ».
Voilà notre quartier des années d’après guerre. Elle n’était pas si loin car, parfois, au détour d’un fourré, nous découvrions un casque allemand ou une gourde, laissés là par l’occupant lorsqu’il fut chassé.  La France se relevait de la guerre, nos parents repre naient leurs activités et nous allions connaître une enfance heureuse et insouciante, même si manquait encore le beurre. Mais nous avions déjà les tartines de pain. L’essentiel pour nous était alors de s’instruire et de jouer, ou plutôt l’inverse. Cela nous prendrait du temps, du cours préparatoire jusqu’au certificat d’études, et il y a de quoi se souvenir.
Toutefois, de ma naissance jusqu’à l’âge de 4 ans, j’ai vécu en pension chez un couple de personnes âgées à SaintJeanduVar qui s’appelait autrefois les Maisons Neuves.  Quatre années heureuses et sans soucis au bord de la rivière des Amoureux.
Toulon est ainsi formé de son centreville historique, avec le quartier de Besagne (Bisogno, des besogneux italiens qui travaillaient sur le port), les constructions haussmanniennes qui entourent la gare centrale, puis des quartiers périphériques qui ont chacun une identité
9
propre : SaintJeanduVar, Le PontduLas, Saint Roch, Rodheillac, Claret, SainteAnne, L’Escaillon, Bon Rencontre, les Abattoirs, Brunet, l’Elisa, Les Pomets, La Loubière…  Petits, les enfants se concentrent dans les ruelles de ces quartiers. Plus grands, ils partent à la découverte du centreville, lieu de tous les plaisirs et des grands commerces.  Nous avons suivi la tradition. Nous sommes partis aussi à la découverte de notre ville. Parfois même, très grands, nous avons quitté la capitale varoise.  Et pourtant,Qui se lève dé Touloun, se lève la raisoun(Qui quitte Toulon, s’enlève la raison).
DE out-pTit à pTit
Aussi loin que je me souvienne de ma petite enfance, je revois mes grandsparents adoptifs penchés audessus de ma couche. Mon père, marin d’Etat, est en campagne en Indochine, ma mère, victime de la tuberculose, soigne ses poumons infectés d’abord à l’Oratoire, annexe de l’hôpital SainteAnne, puis dans un sanato rium en Savoie. Ce sont ces personnes âgées qui me gar deront et me donneront les rudiments de l’éducation, en l’absence de mes parents. Ils reportaient sur moi toute l’affection dont ils avaient été frustrés à la mort de leur propre fils, douze ans plus tôt.  Ils me donnèrent beaucoup d’amour, à un point tel que lorsque ma mère, guérie, vint me chercher pour ren trer au domicile familial, je refusai catégoriquement : « C’est pas toi ma maman ! Ma maman c’est ma mémé ! Je veux pas partir ! »  Je m’agrippais de toute la force de mes petits bras de 4 ans au cou de la grandmère. Nous pleurions tous les trois à chaudes larmes.  Aujourd’hui encore, je suis conscient du mal que j’ai fait à ma mère en proférant ces terribles paroles :« C’est pas toi, ma maman… »  Des mots terribles, blessants, durs et violents. Y atil pire pour une mère qui vient d’être séparée de son fils
11
unique ? Souvent, je me suis posé la question : m’aura telle pardonné cette attitude ?  Pourquoi ne voulaisje pas quitter cette maison ? C’était celle du bonheur et je pensais très sincèrement, du haut de mes 3 ans, que je ne pourrais retrouver un foyer identique.  A force de persuasion et d’amour, Mémé sut trouver les phrases qui me rassurèrent. Je compris que ma vie était au sein de ma famille génétique. Je descendis des genoux qui m’accueillaient, séchai mes larmes et pris la main de ma mère. « Il a été gâté, tout le meilleur était pour lui », dira la grand mère comme pour s’excuser. Et d’ajouter, des sanglots dans la voix :« Jean, il faut que tu ailles avec ta maman et ton papa qui va bientôt revenir. »
Nous sommes sortis de la petite maison du bord de la rivière. Nous avons attendu le tramway qui nous a conduits à Brunet, dans notre nouvelle demeure. Je n’osais pas regarder vers la villa de Mémé, je savais qu’elle était assise dans la cuisine et qu’elle pleurait.
J’étais si bien chez mes grandsparents adoptifs. Si ce n’avait pas été le cas, je m’en souviendrais comme je me rappelle les bons moments. La vie s’écoulait dans l’insouciance de la petite enfance, entre jeux, éducation et découverte du monde. Pépé possédait un jardin que j’estimais alors très grand. Haut comme trois pommes, mon regard ne pouvait en embrasser les limites. Il était composé de quatre restanques, tout en longueur, qui faisaient face à la rivière des Amoureux. En ces lieux
12
mêmes où, aujourd’hui, l’autoroute de l’Est passe sous l’avenue Benoît Malon. Depuis la plus haute, j’avais une magnifique vue sur la rivière et ce quartier qui s’appelait, à l’origine, les Maisons Neuves. Le jardin était limité d’un côté par un grand mur de 2 mètres de haut et de l’autre par la propriété des voisins, monsieur et madame Bousquet. La maisonnette était bâtie sur un étage, avec un grand balcon sur lequel, le soir venu, je pou vais admirer l’étoile qui brillait sur les pentes du Faron : l’hôtel de l’Hermitage.
Au premier étage, les lieux de vie, au rezdechaussée la cave et ses dépendances, mon royaume.  Que restetil aujourd’hui ?  Rien, le néant. Les hommes ont détruit la maison de mes bonheurs au nom de la modernité. Elle les gênait dans la construction de l’autoroute urbaine. La
La petite maison au bord de la rivière des Amoureux.
13
rivière des Amoureux gênait aussi. Elle coule toujours mais ils l’ont emprisonnée, souterraine comme un vul gaire égout. Lorsque j’emprunte cette voie qui traverse Toulon d’est en ouest, ce n’est pas sans un serrement de cœur que je passe devant « rien » !  Je sais, moi, qu’à cet endroit précis j’ai un jour pêché une anguille. Ma canne n’était qu’un roseau grossier au bout duquel mon grandpère avait accroché un fil ter miné par un hameçon de fabrication maison. Laissant tremper cette ligne au bout de laquelle se débattait un ver de terre, je m’en allais jouer sur les berges du ruisseau. En fin d’aprèsmidi, je m’avisai d’aller véri fier le piège antique. Quelle ne fut pas ma surprise d’y voir accrochée une superbe anguille qui se débattait vivement !
« Pépé, Pépé ! J’ai pris un poisson,m’époumonaisje.Vite, vite ! »  M’ayant entendu, il vint à mon secours. Il m’apprit, ce jourlà, comment sortir un poisson de l’eau, le décro cher et l’assommer. Le soir même, nous dégustions une matelote dont je n’étais pas peu fier.
Je sais aussi qu’à cet endroit précis, sur le pont routier de l’avenue Benoît Malon, j’ai vu, en une matinée d’hiver, déborder notre rivière des Amoureux. Les flots grossis par les pluies d’orage étaient sortis de leur lit. Le ruisseau habituellement si calme roulait avec fracas ses eaux boueuses vers la mer.
14
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents