Jean des Brebis ou Le livre de la misère
144 pages
Français

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Description

Jean des Brebis ou le livre de la misère est un roman d'Émile Moselly publié en 1904. Ce livre, avec Terres lorraines du même auteur, fut récompensé en 1907 par le Prix Goncourt. Recueil de six nouvelles d'inspiration régionaliste se déroulant en Lorraine, le livre met en scène la vie des plus humbles et des miséreux dans un cadre lorrain, rural et champêtre. Les titres de ces nouvelles sont : Jean des Brebis, À la belle étoile, Le Revenant, La Mort du bouif, Le Trompion et Cri-Cri. Extrait : Ce fut une stupeur dans toute la pièce lorsqu'on apprit que l'ambition lui était venue, et que tenté sans doute par le désir d'aller en permission avec des galons sur la manche, il s'était fait inscrire chez le fourrier pour suivre le peloton des candidats, des aspirants brigadiers, des élèves martyrs, comme on disait là-bas. Il s'était mis résolument à apprendre la théorie, cognant son front avec ses poings, pour y faire entrer tant de choses à apprendre par cœur, suant à grosses gouttes, vaguement dérouté par les expressions techniques, qu'il ne comprenait guère, ne pouvant arriver à retenir tant de mots bizarres : « le frein hydraulique, et les rayures hélicoïdales, et le dégagement du talon du loquet » 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 38
EAN13 9782824711317
Langue Français

Extrait

ÉMI LE MOSELL Y
JEAN DES BREBIS OU
LE LI V RE DE LA
MISÈRE
BI BEBO O KÉMI LE MOSELL Y
JEAN DES BREBIS OU
LE LI V RE DE LA
MISÈRE
1907
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1131-7
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.C’est à toi, Jean des Brebis, que je veux dédier ces quelques pages, à
toi l’être vivant de chair et d’os que le malheur des temps et l’intensité de ta
souffrance ont élevé à la dignité d’un symbole douloureux. O mon cher pâtre
lorrain, tu ne sais pas lire, — à dire vrai, je n’ai guère eu le moyen de m’en
assurer, au cours des longues conversations que nous avons ensemble, par
les plaines de chaumes grisâtres et décolorés, pareils à des cheveux d’aïeule,
sous l’averse frissonnante des pluies d’automne. — Aussi tu prieras le maître
de chez nous de te raconter cee simple histoire, par un long soir de veillée,
alors qu’on boit le vin gris encore un peu trouble, alors que le grillon — le
cri-cri, tu sais bien — redouble sa petite musique d’argent, alors que la pierre
du manteau de la cheminée se mouille d’un suintement humide. Y a pas plus
grand signe de pluie, comme tu te plais à le dire.
1Pr emièr e p artie
JEAN DES BREBIS
2CHAP I T RE I
  ,  fête du Comice agricole de vait se célébr er à
Se x e y-aux-Gr oseilles et le p aisible villag e était en ré v olution.C C’était un grand honneur p our le p etit b our g, joliment situé au
b ord de la Meuse clair e , au bas d’un cote au planté de vignes, p ar mi les
prairies dont le v elour s tendr e s’étendait sans un pli au fond de la vallé e .
Il y avait plus de tr ente ans que le villag e ne s’était tr ouvé à p ar eille
fête  ; à p eine si les g ens avaient g ardé le souv enir des réjouissances
autr efois célébré es. A ussi tout chacun, sentant bien que c’était un moment
solennel dans la vie du p etit villag e , se pr omeait à p art soi de fair e tous
ses efforts p our r ehausser l’é clat de la cérémonie .
Sur le coup de midi, comme tous les travailleur s étaient r entrés des
champs, le tamb our communal p ar cour ut les r ues, sa caisse de cuiv r e
accr o c hé e sur le g enou, allant et v enant suivant le r ythme de sa mar che .
Il s’ar rêtait aux car r efour s, tap ant à tour de bras sur la p e au d’âne , dont
le r onflement sonor e faisait fuir les v olailles ép euré es  ; puis, pr enant la
3Je an des Br ebis ou Le liv r e de la misèr e Chapitr e I
pré caution d’assujeir ses lunees sur son nez, il tirait un p apier blanc
plié sous son baudrier de cuir , et le déplo yant lentement, il se meait à
lir e , d’une v oix forte , un p eu dér outé e p ar la splendeur insolite de certains
ter mes du style administratif.
« Le mair e de cee commune fait assav oir à ses administrés que
demain, 20 septembr e 1887, aura lieu dans cee lo calité la réunion du
Comice agricole de l’ar r ondissement de Colomb e y . Il compte sur le b on
esprit des habitants, dont il a su maintes fois appré cier l’ empr essement,
p our donner à cee solennité toute l’imp ortance qu’ elle comp orte . En
consé quence , lesdits habitants de v r ont enle v er les fumier s de vant les
maisons, p ar er , p ar tous les mo y ens qui sont à leur disp osition, les é difices
publics et privés, p av oiser leur s chaumièr es, à seule fin que les étrang er s
de p assag e dans la lo calité et les autorités comp étentes r emp ortent un
b on souv enir de l’accueil qui leur aura été fait. »
D eb out sur leur s p ortes basses, qui semblaient tr op p etites p our leur
haute statur e , les p ay sans é coutaient en ho chant la tête d’un air entendu
et connaisseur . Pour sûr que le mair e était un homme cap able , et qui
n’avait p as son p ar eil p our tour ner une phrase et dir e ses quatr e v olontés.
Un mair e comme ça, c’était l’ or gueil d’une commune .
Puis ils r etour naient s’aabler de vant leur s assiees fumantes, où des
mor ce aux de lard r ose tr emblaient p ar mi des platé es de choux.
T out à coup , un clair carillon tomba en v olé es frémissantes du haut du
clo cher d’ardoise , faisant courir une pluie d’ ondes sonor es sur les p etits
toits de tuile br une r ong és de mousses, envahis de joubarb es et d’herb es
sauvag es. Les sons tombaient dans les r ues clair es, trav er saient les r uelles
b ordé es de sur e aux et d’ osier s vivaces, pr enaient leur v ol à trav er s les
camp agnes ensoleillé es, où des b ouquets d’arbr es dor maient dans la
lumièr e ar g enté e et fine , comme aiguisé e p ar le v ent lég er . Et quand les
notes, jo y euses, ar rivaient au b ord de la rivièr e , on eût dit qu’ elles r e
cevaient une for ce nouv elle , et elles s’ en allaient au loin, p orté es sur les e aux
é clab oussé es de soleil, jusqu’aux p etits villag es blois dans les tour nants
de la vallé e .
Comme si cee musique d’allégr esse eût rag aillardi les êtr es et les
choses, le p etit villag e , sortant de sa longue tor p eur , s’animait soudain
de br uits jo y eux et de cris d’animaux de toute espè ce . Les co qs, baant
4Je an des Br ebis ou Le liv r e de la misèr e Chapitr e I
des ailes sur leur s fumier s, tiraient de leur g osier des sons d’un é clat plus
cuiv ré . Prise d’une sorte de folie , une tr oup e d’ oies, qui r e v enaient en
jacassant de la mar e v oisine , p artit soudain d’un v ol lourd, tandis qu’ elles
emplissaient la r ue du rauque clair onnement de leur s v oix. Puis elles
allèr ent s’abar e sur la grande place , et elles y r estèr ent longtemps,
frémissantes, inquiètes, tendant leur grand cou et p oussant de temps à autr e un
long sifflement de colèr e .
L’après-midi, on se mit en de v oir d’ e x é cuter les ordr es de l’autorité
municip ale . On char g e a les fumier s sur des v oitur es et on les emmena
dans les champs, loin de tous les r eg ards. On r entra dans les bûcher s les
tas de fag ots amoncelés de vant les grang es. T out le monde s’était mis à la
b esogne , sentant vaguement qu’il y allait de l’honneur et du b on r enom
de la commune dans l’ opinion des étrang er s.
Pour une fois, les dissensions intestines, qui travaillent ces p etits
villag es, s’étaient tues  ; les républicains, les r oug es comme on dit là-bas,
s’attelaient à la b esogne av e c la même ardeur que les calotins et les mang eur s
de b on Dieu, car la cérémonie qui se prép arait était chose d’imp ortance
et chacun avait à cœur d’êtr e prêt.
Les fumier s une fois enle vés, on combla les tr ous bé ants dans la ter r e
fang euse , noir cie p ar les suintements du purin, av e c des brassé es de r
ose aux que les femmes avaient coup és dans les mar es et le long des haies.
Cela faisait de vant chaque maison un tapis de v erdur e , d’ où montaient
des o deur s fraîches et p énétrantes.
D es chariots r e v enaient du b ois, lourdement char g és de ramur es v
erdo yantes. Ils descendaient lentement la grande côte , p ar eils à des
morce aux de forêt mouvante .
On avait planté le long des mur s des rang é es de p etits sapins et de
jeunes char mes coup és dans la forêt et qui étaient r eliés p ar des fils de fer
supp ortant des rang é es de lampions en p apier et de ballons multicolor es.
Cela faisait dans ce p etit villag e une haie v erte , mur murante , qui
doucement br uissait dans le v ent. A ux

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