Alice au pays des merveilles
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Alice au pays des merveilles , livre ebook

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Description

Un grand classique adapté pour les enfants et magnifiquement illustré.

"Nous sommes tous fous ici. Je suis fou. Vous êtes folle.
- Comment savez-vous que je suis folle ? demanda Alice.
- Vous devez l'être, répondit le Chat, ou vous ne seriez pas venue ici.
"

Retrouvez les aventures d'Alice dans ce chef-d'œuvre de la littérature classique.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2013
Nombre de lectures 198
EAN13 9782215126423
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1 Dans le terrier du Lapin
Alice commençait à en avoir vraiment assez d’être assise sur le talus, à ne rien faire. Elle avait jeté un coup d’œil sur le livre que lisait sa sœur auprès d’elle, mais il ne contenait ni images ni dialogues : « Quel intérêt peut bien avoir un livre sans images ni dialogues ? » songea-t-elle. Elle s’efforçait de calculer dans sa tête (ce qui n’était pas facile, car la chaleur l’endormait et ramollissait son cerveau) si le plaisir que lui procurerait la confection d’une guirlande de pâquerettes valait la peine de se lever et d’aller en cueillir lorsque, soudain, un Lapin Blanc aux yeux roses détala tout près d’elle. Cela n’avait rien d’exceptionnel ; Alice ne trouva même rien de très extraordinaire à l’entendre se répéter tout haut : – Mon Dieu, mon Dieu ! Je n’arriverai jamais à temps ! Plus tard, elle se dit que cela aurait dû l’intriguer mais, sur le moment, tout cela lui sembla le plus naturel du monde. En revanche, lorsque le Lapin extirpa une montre de la poche de son gilet et vérifia l’heure avant de reprendre sa course, Alice bondit : elle n’avait encore jamais rencontré de lapin possédant un gilet, et encore moins une montre dans la poche de ce gilet ! Brûlant de curiosité, elle traversa le champ en courant derrière lui. Elle eut juste le temps de l’apercevoir s’engouffrer dans un terrier, sous une haie. Un instant plus tard, Alice faisait de même, sans se préoccuper de savoir comment elle en ressortirait. Elle se retrouva dans un tunnel qui, tout à coup, descendit si brutalement à pic qu’elle n’eut pas le temps de se retenir, et dégringola dans un puits très profond. Soit celui-ci était vraiment long, soit sa chute fut très lente, car elle eut tout le loisir d’observer ce qui l’entourait en tombant, et de se demander ce qui allait se produire. Elle tenta d’abord de regarder vers le bas pour essayer de deviner ce qui l’attendait, mais il faisait tout noir. Elle examina ensuite les parois du puits, et remarqua qu’elles étaient tapissées de placards et de rayons de livres. Elle aperçut par-ci par-là des cartes et des dessins épinglés au mur. Elle attrapa un bocal au passage : « MARMELADE D’ORANGES » indiquait l’étiquette, mais, à son grand regret, le pot était vide. Ne souhaitant pas le voir tomber, de peur d’assommer quelqu’un, elle parvint à le reposer sur un buffet en passant. « Eh bien, se dit Alice, après une chute pareille, je n’aurai plus jamais peur de basculer dans les escaliers ! Et tout le monde à la maison me trouvera très courageuse ! Je ne dirai pas un mot, même si je dégringole depuis tout en haut. » (Ce qui était probablement vrai.) Elle continuait à tomber. S’arrêterait-elle un jour ? « Je me demande combien de kilomètres j’ai déjà parcourus, s’interrogea-t-elle à voix haute. Je ne dois plus être loin du centre de la Terre. Voyons, cela devrait faire plus de six mille kilomètres, je crois bien… (Car Alice avait appris ce genre de choses en classe, et bien que ce ne fût pas vraiment le bon moment pour faire preuve de ses connaissances, puisqu’il n’y avait personne pour l’écouter, il est toujours bon de réviser…) Oui, pas loin de là. Mais alors, à quelles latitude et longitude suis-je ? » (Alice n’avait pas la moindre idée de ce qu’était la latitude, ni la longitude d’ailleurs, mais ces grands mots lui plaisaient beaucoup.) Elle reprit : « Je me demande si je vais traverser la Terre de part en part ! Cela sera très drôle, en sortant, de me retrouver parmi les gens qui marchent la tête en bas ! Je crois bien qu’ils s’appellent les Antipathiques… (Cette fois, elle était plutôt soulagée que personne ne l’entende, car elle n’était pas du tout sûre que cela soit le bon mot.) Mais il faudra que je leur demande le nom de leur pays : “Excusez-moi, madame, suis-je en Nouvelle-Zélande ou en Australie ?” (Et elle tenta de faire une révérence. Imaginez un peu : essayer de faire la révérence tout en dégringolant ! Vous pourriez, vous ?) Elle me trouvera bien sotte de ne pas le savoir ! Ah non, je ne pourrai jamais le demander ; je le verrai peut-être écrit quelque part. » Elle tombait toujours… Il n’y avait rien d’autre à faire. Alice se remit bientôt à parler : « Je crois que Dinah va me chercher partout ce soir ! (Dinah était son chat.) J’espère qu’ils n’oublieront pas sa soucoupe de lait à l’heure du thé. Ma chère Dinah ! J’aimerais tant t’avoir près de moi ici ! Il n’y a malheureusement pas de souris dans les airs, mais tu trouverais peut-être une chauve-souris, c’est presque pareil, tu sais. Mais est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? » Alice commençait à avoir sommeil, et se répétait d’un ton somnolent : « Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? » Et parfois : « Est-ce que les chauves-souris mangent les chats ? » Car, voyez-vous, comme elle ne pouvait répondre ni à l’une ni à l’autre de ces deux questions, l’ordre des mots avait peu d’importance. Elle s’assoupit et se mit à rêver qu’elle marchait main dans la main avec Dinah, en lui demandant très sérieusement : « Dis-moi la vérité, Dinah, as-tu déjà mangé une chauve-souris ? » Soudain, badaboum, boum, elle atterrit sur un tas de petit bois et de feuilles mortes : elle ne tombait plus.
Alice ne s’était absolument pas fait mal. Elle se mit debout d’un bond. Elle leva les yeux, mais ne vit que du noir. Un long corridor s’ouvrait devant elle, et elle y aperçut le Lapin, qui courait toujours. Il n’y avait pas une minute à perdre. Vive comme l’éclair, elle s’y engouffra juste à temps pour l’entendre dire, tandis qu’il prenait un virage : – Oh, par mes oreilles et ma moustache, comme il se fait tard !
Elle était à quelques mètres à peine derrière lui. Pourtant, lorsqu’elle arriva au coin, le Lapin avait disparu. Elle était seule dans une longue salle basse, qu’éclairait une rangée de lampes suspendues au plafond.
La pièce était entourée de portes, mais celles-ci étaient verrouillées. Lorsque Alice eut essayé chacune d’entre elles, d’abord d’un côté puis de l’autre, elle traversa tristement par le milieu, en se demandant comment elle allait bien pouvoir sortir. Soudain, elle s’arrêta devant une petite table à trois pieds tout en verre. Il n’y avait dessus qu’une minuscule clé dorée, et la première pensée d’Alice fut qu’elle devait ouvrir l’une des portes de la salle. Mais hélas, soit les serrures étaient trop grandes, soit la clé était trop petite. Cependant, en faisant le tour pour essayer une seconde fois, Alice découvrit un rideau miniature et bas qu’elle n’avait pas remarqué auparavant, et derrière lequel se trouvait une porte pas plus haute que quinze pouces : elle glissa la clé dans la serrure et, oh ! joie, elle était juste de la bonne taille ! Alice ouvrit la porte et entrevit un passage guère plus grand qu’un trou à rat. Elle s’agenouilla et s’aperçut qu’il débouchait sur le jardin le plus charmant du monde. Oh, comme elle avait envie d’échapper à cette salle sombre, et de gambader entre ces parterres de fleurs colorées et ces fontaines d’eau fraîche ! Mais l’ouverture n’était même pas assez large pour qu’elle y introduise sa tête. « Et si ma tête passait, cela ne servirait pas à grand-chose sans mes épaules. Oh, comme j’aimerais pouvoir me ratatiner comme un télescope ! Je crois bien que j’y arriverais, si seulement je savais par où commencer. » Vous comprenez, il était arrivé tellement d’aventures étranges à Alice ces derniers temps qu’elle était désormais convaincue que peu de choses étaient véritablement impossibles. Au lieu de perdre son temps devant la petite porte, elle revint vers la table, en espérant y trouver une autre clé, ou tout au moins un règlement expliquant comment escamoter les gens comme un télescope. Cette fois, elle y découvrit un flacon (« qui ne s’y trouvait assurément pas avant », se dit-elle) et, autour du goulot, un morceau de papier portait l’inscription « BUVEZ-MOI » en belles lettres majuscules. Il était bien joli de lui dire « Buvez-moi », mais la sage Alice ne risquait pas d’obéir aussi vite. « Je vais l’examiner de plus près d’abord, décida-t-elle, pour voir s’il y a écrit “poison” quelque part », car elle avait lu plusieurs histoires dans lesquelles des enfants s’étaient brûlés, ou fait dévorer par des bêtes sauvages et autres mésaventures désagréables, juste parce qu’ils ne voulaient pas écouter les simples conseils de leurs amis : par exemple, qu’il ne faut pas tenir un tison rouge trop long-temps ; ou que si l’on s’entaille le doigt profondément avec un couteau, en général, il saigne ; ou encore (elle n’avait jamais oublié celui-là), que si l’on boit trop dans un flacon sur lequel est inscrit le mot « poison », cela risque fort de donner mal au ventre, au bout d’un moment. Toutefois, celui-ci ne portant pas la mention « poison », Alice décida d’y goûter. Elle trouva ce liquide délicieux (en fait, on aurait dit un mélange de parfums de tarte à la cerise, de crème anglaise, d’ananas, de dinde rôtie, de caramel dur et de tartine beurrée). Elle eut vite fait de tout boire. « Que c’est drôle ! songea Alice. Je crois que je suis en train de m’escamoter comme un télescope. » Effectivement, elle ne mesurait plus que dix pouces. Son visage s’illumina à l’idée qu’elle pouvait désormais passer par la petite porte pour aller dans ce joli jardin. Mais d’abord, elle attendit quelques minutes pour voir si elle allait continuer à rapetisser, car cela l’inquiétait un peu. « Il se pourrait bien, se dit Alice, que je m’éteigne complètement, comme une bougie. Je me demande à quoi je ressemblerais alors ? » Elle tenta d’imaginer la flamme d’une chandelle lorsqu’on a soufflé dessus, car elle ne se souvenait pas en avoir vu. Au bout d’un moment, comme il ne se passait plus rien, elle décida d’entrer dans le jardin. Hélas pour Alice, lorsqu’elle arriva devant la porte, celle-ci s’était refermée. Et quand elle atteignit la table sur laquelle elle avait laissé la petite clé dorée, celle-ci était beaucoup trop haute ! Alice la distinguait parfaitement à travers le verre. Elle essaya de grimper à l’un des pieds, mais il glissait trop. Épuisée par toutes ses tentatives, la pauvre fillette s’assit et se mit à pleurer. « Allons, à quoi bon pleurer comme ça ! se gronda-t-elle. Tu ferais mieux de t’arrêter ! » Elle se donnait généralement de très bons conseils (même si elle les suivait rarement), et parfois elle se réprimandait si fort que les larmes lui en venaient aux yeux. Un jour, elle avait même essayé de se tirer les oreilles, car elle avait triché en jouant au croquet contre elle-même (cette curieuse enfant adorait faire semblant d’être à la fois elle et quelqu’un d’autre). « Ah, ce n’est pas la peine, pensa la pauvre Alice, de faire comme si j’étais deux personnes différentes ! Il ne reste presque pas assez de moi pour en remplir une seule de taille acceptable ! » Elle aperçut alors une petite boîte en verre sous la table : elle l’ouvrit, et y trouva un minuscule gâteau, sur lequel les mots « MANGEZ-MOI » étaient joliment tracés en raisins de Corinthe. « D’accord, décida Alice, s’il me fait grandir, je pourrai attraper la clé ; et s’il me fait rapetisser, je pourrai me faufiler sous la porte. Dans un cas comme dans l’autre, lequel m’est bien égal, je pourrai pénétrer dans le jardin ! » Elle en grignota un morceau et, inquiète, se dit : « Dans quel sens ? Dans quel sens ? » Une main sur la tête, pour sentir dans quelle direction elle changeait, elle fut surprise de constater qu’elle ne bougeait pas. Il est vrai que cela est généralement ce qui se produit lorsqu’on mange du gâteau, mais Alice avait tant pris l’habitude qu’il se produise des choses extraordinaires qu’il lui sembla extrêmement banal et décevant que la vie suive bêtement son bonhomme de chemin. Elle s’attela donc à sa tâche et eut bientôt terminé le reste du gâteau.
2 La mare aux larmes
– D e plus en plus crurieux ! s’écria Alice (elle était si surprise qu’elle ne savait plus parler correctement). Voilà que je me déplie comme le plus grand télescope du monde ! Au revoir mes pieds ! (Car lorsqu’elle les regarda, ils étaient si loin qu’ils lui parurent presque invisibles.) Ah, mes pauvres petits petons, qui donc va vous chausser et vous mettre vos bas, maintenant ? Certainement pas moi ! Je serai bien trop loin pour me préoccuper de vous : vous devrez vous débrouiller du mieux possible. « Mais je dois être gentille avec eux, songea Alice, sinon ils n’iront plus où je veux aller ! Voyons voir : je leur offrirai une nouvelle paire de bottines tous les ans pour Noël. » Et elle continua à organiser cela dans sa tête. « Je les leur ferai parvenir par l’intermédiaire d’un messager, pensa-t-elle, comme ce sera drôle d’envoyer des cadeaux à mes propres pieds ! Et l’adresse sera si cocasse ! Monsieur le Pied Droit d’Alice La Carpette Près de la Cheminée (Affectueusement, Alice) Oh ! là là ! je raconte n’importe quoi ! » Soudain, sa tête heurta le plafond de la salle : en fait, elle mesurait désormais plus de neuf pieds. Elle s’empara de la clé dorée et se précipita vers la petite porte. Pauvre Alice ! Couchée sur le côté, elle pouvait tout juste y coller son œil pour apercevoir le jardin. Elle avait encore moins de chances de passer par là qu’auparavant : elle se laissa tomber au sol et se remit à pleurer. « Tu devrais avoir honte, se réprimanda Alice, une grande fille comme toi (c’était effectivement le cas) ne devrait pas pleurer comme cela ! Allons, ça suffit, je te dis ! » Mais elle ne s’arrêta pas pour autant et versa tant de larmes qu’une énorme mare d’au moins quatre pouces de profondeur se forma autour d’elle jusqu’au milieu de la salle. Au bout d’un moment, elle entendit un petit bruit de pas au loin ; elle s’empressa de s’essuyer les yeux pour voir qui approchait. Le Lapin Blanc était revenu, magnifiquement vêtu, une paire de gants en peau de chevreau dans une main et un grand éventail dans l’autre. Il arriva en trottinant, toujours très pressé, et en marmonnant : – Oh, la Duchesse, la Duchesse ! Oh, elle sera furieuse si je la fais attendre ! Alice était si désemparée qu’elle était prête à implorer n’importe qui de l’aider. Donc, quand le Lapin passa près d’elle, elle dit, d’une petite voix timide : – S’il vous plaît, monsieur… Il fit un grand bond, laissa tomber les gants en peau de chevreau et l’éventail, et détala à toute vitesse dans la pénombre. Alice ramassa ses affaires et, comme elle avait très chaud, se mit à s’éventer :
« Mon Dieu, mon Dieu ! Tout est si étrange aujourd’hui ! Dire qu’hier, tout était comme d’habitude. Je me demande si je me suis transformée pendant la nuit ? Voyons : étais-je bien la même lorsque je me suis levée ce matin ? Je crois bien que je me sentais un tantinet différente. Mais si je ne suis pas la même, qui suis-je donc ? Là est la question ! » Elle se mit à penser à tous les enfants de son âge qu’elle connaissait pour voir si elle avait pu devenir l’un d’eux. « Je suis sûre de ne pas être Ada, décida-t-elle, car elle a des anglaises naturelles, et je n’en ai pas. Je ne peux pas être Mabel, car je sais toutes sortes de choses, et elle ne sait presque rien ! Elle est elle, et je suis moi. D’ailleurs (ah, comme tout cela est compliqué !), je vais vérifier si je sais toujours ce que je savais. Voyons voir : quatre fois cinq fait douze, et quatre fois six fait treize, et quatre fois sept fait… Mon Dieu ! Je n’arriverai jamais à vingt à ce rythme-là ! De toute façon, une table de multiplication ne prouve pas grand-chose : essayons un peu de géographie. Londres est la capitale de Paris, et Paris est la capitale de Rome, et Rome… Non, c’est tout faux, j’en suis sûre ! Je crois que je suis devenue Mabel ! Je vais essayer de direComme le petit… » Elle croisa les mains sur ses genoux, comme si elle récitait une leçon, et se mit à déclamer (mais sa voix était enrouée et étrange, et les mots ne lui venaient pas comme d’habitude) : « Comme le petit crocodile Fait briller sa queue colorée, En versant les eaux du Nil Sur chaque écaille dorée ! Comme il est souriant, Ses griffes soigneusement écartées, Et entre ses mâchoires, gentiment, Invite les petits poissons à entrer ! » – Je suis certaine que ce ne sont pas les bonnes paroles, maugréa la pauvre Alice, le regard de nouveau rempli de larmes. Je suis bel et bien devenue Mabel, et je vais devoir aller habiter dans cette petite bicoque, presque sans jouets, et toutes ces leçons à apprendre ! Non, c’est décidé, si je suis Mabel, je resterai ici ! Ils auront beau passer la tête dans le terrier et me dire “Remonte, ma chérie !”, je lèverai les yeux et je leur répondrai : “Qui suis-je ? Dites-le-moi d’abord”, et si j’aime être cette personne-là, je remonterai ; sinon, je ne bougerai pas jusqu’à ce que je devienne quelqu’un d’autre. Mais, s’écria Alice en éclatant de nouveau en sanglots, si seulement ils pouvaient passer la tête dans le terrier ! Je n’en peux plus d’être toute seule ici ! En prononçant ces mots, elle regarda ses mains et, à sa grande surprise, constata qu’en parlant, elle avait enfilé l’un des petits gants blancs du Lapin. « Comment y suis-je arrivée ? pensa-t-elle. Je dois être en train de rétrécir de nouveau. » Elle se leva et alla se comparer à la hauteur de la table. D’après ses calculs, elle mesurait maintenant environ deux pieds, et continuait à rapetisser rapidement. Elle se rendit compte que c’était la faute de l’éventail qu’elle tenait, et s’empressa de le lâcher, juste à temps avant de disparaître complètement. – Je l’ai échappé belle ! soupira Alice, éberluée par la vitesse à laquelle elle s’était transformée, mais ravie de constater qu’elle existait toujours. Et maintenant, je vais dans le jardin !
Elle se précipita vers la petite porte mais, hélas, celle-ci s’était une fois de plus refermée, et la clé dorée était de nouveau posée sur la table en verre. « C’est pire qu’avant, pensa la pauvre enfant, car je n’ai jamais été aussi minuscule, jamais ! Vraiment, c’en est trop ! » À cet instant, elle glissa et, en un clin d’œil (splash !), se retrouva dans l’eau salée jusqu’au menton. Sa première pensée fut qu’elle était tombée dans l’océan. « Eh bien, au moins, je rentrerai en chemin de fer », se dit-elle. (Alice s’était rendue au bord de la mer une fois et avait conclu que la côte anglaise se résumait à des engins de baignade dans l’eau, à des enfants qui creusaient des trous dans le sable à l’aide de pelles en bois, à une rangée de maisons de vacances avec, derrière, une gare.) Cependant, elle se rendit vite compte qu’elle se trouvait dans une mare de larmes qu’elle avait versées lorsqu’elle mesurait neuf pieds. – Si seulement je n’avais pas tant pleuré ! dit-elle en nageant et en cherchant le bord. Cela m’apprendra, je vais me noyer dans mes propres larmes ! Cela sera hors du commun, c’est certain ! De toute façon, tout est étrange aujourd’hui. C’est alors qu’elle entendit quelque chose barboter non loin d’elle. Elle s’en rapprocha et crut d’abord qu’il s’agissait d’un morse, ou d’un hippopotame ; puis elle se souvint qu’elle était devenue minuscule, et s’aperçut que c’était en fait une souris qui, elle aussi, avait glissé. « Servirait-il à quelque chose de lui adresser la parole ? se demanda Alice. Tout est si extraordinaire ici que cela ne m’étonnerait guère qu’elle sache parler. De toute manière, je n’ai rien à perdre, je peux essayer. » – Ô Souris, sais-tu comment sortir de cette mare ? J’en ai vraiment assez de nager, ô Souris ! (Alice pensait que c’était la façon dont on devait s’adresser à une souris. Elle ne l’avait encore jamais fait mais il lui semblait se souvenir avoir vu dans le livre de grammaire latine de son frère : « la souris – de la souris – à la souris – ô souris ! ») Le rongeur la scruta avec curiosité. Elle crut même apercevoir un petit clin d’œil ; mais il resta muet. « Elle ne comprend peut-être pas l’anglais, songea Alice. C’est sans doute une souris française, venue en Angleterre avec Guillaume le Conquérant. » (Car, malgré toutes ses connaissances historiques, Alice n’avait pas la moindre idée du nombre d’années écoulées depuis ces faits.) Elle reprit :
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