Lucille, à l heure gourmande
111 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Lucille, à l'heure gourmande , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
111 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Lucille Bordier a seize ans. Elle est emportée, intrépide, excessive dans ses enthousiasmes comme dans ses déceptions. Vite lassée de sa position de femme de chambre au service de la jeune Mathilde de Gisors, elle décide de prendre en main les rênes de son destin. D’ailleurs, les opportunités ne manquent pas sous le règne de Napoléon III : la naissance des stations balnéaires, l’émergence des palaces, les sirènes de l’Amérique nourrissent ses rêves de réussite…
Pourtant une rencontre malveillante anéantit ses ambitions et précipite sa disgrâce. Reste alors la famille et une drôle d’idée nichée dans un recoin de son imagination : celle d’ouvrir un café pour dames, où l’on servirait du chocolat et des gourmandises et que l’on appellerait « À l’heure gourmande ». Révolutionnaire ? Peut-être… Mais rien n’est impossible quand on a, chevillé au corps, autant d’espoir que de courage.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2016
Nombre de lectures 73
EAN13 9782215133964
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Table des matières
Chapitre 1 – Retour à Paris
Chapitre 2 – Le bas-côté de l’existence
Chapitre 3 – Un projet extravagant
Chapitre 4 – Thé dansant sur la plage
Chapitre 5 – Un homme libre
Chapitre 6 – Une sacrée équipe
Chapitre 7 – À l’abandon
Chapitre 8 – Une promesse
Chapitre 9 – Le Grand Hôtel
Chapitre 10 – Plus que parfait
Chapitre 11 – A glass of water
Chapitre 12 – Retrouvailles sous la coupole
Chapitre 13 – Confidences nocturnes
Chapitre 14 – Une proposition inattendue
Chapitre 15 – Un été caniculaire
Chapitre 16 – Au parc Monceau
Chapitre 17 – Tout est bouleversé
Chapitre 18 – La valse des incertitudes
Chapitre 19 – Une idée révolutionnaire
Chapitre 20 – Une interminable attente
Chapitre 21 – La dernière chance
Chapitre 22 – La noce
Chapitre 23 – De l’amour et du mariage
Chapitre 24 – Au nom de l’Empereur !
Chapitre 25 – Au Palais
Chapitre 26 – Trente-huit centilitres de bouillon, sept cents grammes de pain bis
Chapitre 27 – Au parloir
Chapitre 28 – Libre !
Chapitre 29 – La tête haute
Chapitre 30 – Au Bouillon Racine
Déjà paru
À paraître prochainement
Page de copyright
Chapitre 1 Retour à Paris
Le train entrait en gare dans un bruit assourdissant. Déjà, on entendait sur les quais des sifflements, des cris, le roulement des chariots, toute l’agitation de la gare parisienne qui se perdait dans le tonnerre de la machine, dans le crissement aigu de ses freins. Lucille, les paupières encore lourdes de sommeil, jeta un coup d’œil par la fenêtre. Il faisait nuit déjà et, par-delà les flots tourbillonnants de vapeur blanche, on distinguait sur les voies des masses d’ombres énormes, des machines et des wagons solitaires endormis sur les rails. Lucille se frotta les yeux. Devant elle, les voyageurs se levaient, s’étiraient, se bousculaient pour attraper leurs bagages, énervés par les sept heures de trajet passées dans l’entassement du compartiment surpeuplé. C’étaient des jurons, des cris, au milieu des pleurs d’enfants et des exclamations de commères à la voix criarde.
On était à Paris, gare Montparnasse. Sous la grande marquise de verre, les becs de gaz brûlaient, pâlis par le froid humide de la nuit tombante. À présent, le train était immobile et des employés de la Compagnie de l’Ouest, sanglés dans leurs uniformes bleus, ouvraient les portes, faisaient sortir les derniers voyageurs, sans ménagement pour ces passagers de troisième classe, ces indigents habitués à l’inconfort et à la rudesse. Une petite fille avec une poupée de chiffon à la main se mit à pleurer. Elle ne devait guère avoir plus de trois ans. Sa mère, les bras déjà encombrés d’un nouveau-né et d’une grosse valise en cuir bouilli l’exhortait à sortir de la voiture. Mais l’enfant, à peine réveillée, craignait de sauter sur le quai et regardait, paralysée par la peur, les rails qui s’étiraient sous le train. Lucille s’approcha et lui tendit la main.
– Viens avec moi, nous allons sauter ensemble.
Alors l’enfant leva les yeux vers cette jeune fille blonde, répondit à son sourire et glissa sa petite main dans la sienne. En un bond, elles furent sur le quai.
– Et maintenant, attends-moi là, ordonna Lucille. Je vais aller aider ta maman.
Lucille saisit l’encombrante valise et tendit la main à la femme qui serrait contre elle le nouveau-né. Elle avait les joues creuses et ses yeux s’allongeaient démesurément dans son visage pâle.
– Merci mam’zelle, c’est bien aimable à vous, murmura-t-elle avec un pauvre sourire.
– Ce n’est rien ! Je peux vous aider à porter vos bagages au bout du quai, proposa Lucille, émue par la détresse de la passagère.
– Ne vous en faites pas, je vais me débrouiller, répondit la femme. J’ai encore de la route. J’habite rue de la Goutte-d’Or, derrière la barrière de l’octroi. Vous connaissez ?
– Non, admit Lucille.
Depuis qu’elle était arrivée à Paris pour y chercher du travail, il y avait de cela deux ans à présent, elle n’avait jamais fréquenté que les quartiers chics de la capitale. Employée comme domestique auprès de la maison Gisors, affectée au service de mademoiselle Mathilde de Gisors, fille aînée de la famille, elle ne connaissait que les allées tranquilles du 7 e arrondissement.
– C’est un long voyage pour un si petit bébé, remarqua Lucille en désignant du menton le nourrisson qui dormait paisiblement.
– C’est vrai, mais je n’avais guère le choix.
Et, tandis qu’elles remontaient ensemble les voies, la femme expliqua sa situation. Elle avait emmené son fils Jacques dans un établissement situé sur la côte, où l’on soignait les enfants tuberculeux.
– Il a sept ans. C’est un bon garçon vous savez, gentil, obéissant et tout… Il nous aidait bien à la blanchisserie, c’est lui qui livrait le linge aux clientes. Seulement voilà, il y a un an, il s’est mis à tousser. D’abord un peu, et puis de plus en plus… C’est ma patronne qui m’a parlé de Marianne-toute-seule. Connaissez ?
Lucille secoua la tête. Dans sa main, elle sentait la paume douce de la petite fille à la poupée de chiffon.
– C’est une nourrice. Marianne Brillard, qu’elle s’appelle en réalité, mais comme elle est veuve, on l’a surnommée « Marianne-toute-seule ». C’est cette dame qui a eu l’idée de faire prendre des bains de mer aux enfants qui toussaient. Quand les médecins ont vu que ces enfants guérissaient, ils ont eu l’idée de construire un hôpital sur la côte, l’hôpital Impérial, qu’il s’appelle. Alors quand ma patronne m’a dit qu’elle pouvait obtenir une place pour mon Jacques, j’ai pas hésité, j’ai fait l’aller-retour avec les p’tiots. C’est cher bien sûr, mais si Jacques guérit, hein ? La vie d’un minot, ça n’a pas de prix, pas vrai ?
Lucille hocha la tête. Bien sûr, ça n’avait pas de prix. Elle imaginait Ninon, sa sœur cadette, du même âge que le petit Jacques, atteinte de cette tuberculose. Sans doute, on se serait sacrifié, on aurait trouvé l’argent, on l’aurait fait soigner. Pauline ne disait-elle pas que Ninon méritait tous les sacrifices ? Ne lui avait-on pas payé une pension exorbitante pour lui permettre de recevoir l’éducation et l’instruction d’une demoiselle de la haute société ? Lucille imaginait pourtant ce qu’avait dû représenter le déplacement pour cette blanchisseuse : trente-deux francs de billet, dix-huit heures de trajet, deux jours chômés. Et la fatigue, l’inconfort des trains de troisième classe, avec une petite fille et un nourrisson. Elle l’aimait donc son Jacques, pour avoir dépensé en quelques heures le salaire d’une semaine !
– Et votre mari, il ne pouvait pas vous aider ? demanda Lucille.
– Il est pas là mon mari. Il est parti dans le Nord, à Montsou. Il paraît qu’on embauche à la mine.
On ne dit plus rien jusqu’à la marquise. Sur les quais, la foule s’était dispersée. Les derniers souffles de vapeur s’évanouissaient dans le ciel noir, les feux rouges trouaient l’obscurité au bout des voies. À présent, du fond de ce lac d’ombre, la locomotive semblait assoupie, épuisée par sa course.
Soudain, deux sergents de police passèrent devant Lucille. Elle détourna la tête et hâta le pas.
– Eh bien, je crois que nos routes se séparent là.
– Où c’est donc que vous allez mam’zelle ? demanda la blanchisseuse.
– Boulevard d’Enfer. Ma tante tient un café, le café Normand.
– Vous allez y travailler ?
– Oh non, ça m’étonnerait ! Ils n’embauchent pas, et puis ma sœur aînée, Pauline, trouverait que ce n’est pas une place convenable pour une jeune fille.
– Votre sœur a raison, approuva la femme. Quand on a votre âge, il faut jamais rien faire qu’on pourrait regretter par la suite. Les bêtises de jeunesse, ça vous poursuit toute une vie…
Lucille pâlit un peu. Voilà précisément le genre de phrase qu’elle n’avait pas besoin d’entendre. Sa situation était bien assez douloureuse pour ne point y ajouter quelque mauvais augure. Alors, comme elle avait hâte de partir, elle embrassa la petite fille.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents