La mosquée verte
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Description

La Mosquée Verte regroupe des extraits du journal intime de l’écrivain durant l’année 1894. Extrait : Quelle conception haute et sage ils ont de la vie, ces gens-là ! — Considérer comme transitoires les choses d’ici-bas 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 30
EAN13 9782824710952
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
LA MOSQU ÉE V ERT E
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
LA MOSQU ÉE V ERT E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1095-2
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.MONSI EU R P A U L CAMBON
AMBASSADEU R DE F RANCEA
n
1CHAP I T RE I
Br ousse , 29 mai 1894.
 I  la Mosqué e V erte , assis à l’ ombr e matinale ,
commençaient le rê v e du jour . Les pr emièr es heur es du soleil nou-L v e au v enaient de les réunir dans leur lieu familier , au b ord de la
sainte ter rasse , sous des platanes centenair es. La mosqué e , der rièr e eux,
éle vait sa façade de marbr e . Et, à leur s pie ds, de vant leur s y eux
contemplateur s, la ville de Br ousse , toute no yé e de v erdur e , dé valait doucement
dans l’abîme lointain des plaines.
Ils rê vaient à l’ ombr e , les Imans de la Mosqué e V erte . Les feuilles
neuv es des platanes étendaient un dôme très frais au-dessus de leur s
turbans immobiles. Peu de br uits tr oublaient leur s floantes p ensé es  : des
chants d’ oise aux, des musiques d’ e aux viv es, et, entendues de loin, des
v oix g aies de p etits enfants  ; la ville d’ en dessous, à demi caché e dans les
2La mosqué e v e rte Chapitr e I
arbr es, leur env o yait à p eine le mur mur e de sa vie tranquille , assourdie
sous tant de feuillag es.
La ter rasse où les Imans rê vaient était, de vant la mosqué e , comme un
p éristyle déjà r eligieux  ; elle for mait sanctuair e au dehor s. Elle s’ entourait
d’un mur bas tapissé de fleur ees de mai, et on y accé dait p ar un p ortail
ouv ert à tous v enants. En plus de ces platanes vénérables, sous lesquels
les Imans s’abritaient, on y tr ouvait aussi un grand cy près sombr e et un
kiosque blanc, aux ar ce aux lég er s, d’ où jaillissait une fontaine . . .
and, av e c mon comp agnon de v o yag e , je p énétrai p our la pr emièr e
fois dans ce lieu de continuelle p aix, nous n’étions à Br ousse que depuis
la v eille au soir , amenés p ar l’ambassadeur de France .
La maison où notr e ambassadeur nous avait offert l’hospitalité
charmante était situé e à mi-hauteur de montagne , en dehor s de la ville ,
pr esque dans les champs, entr e Br ousse et le villag e de T chékir gué . —
Une maison orientale toute neuv e , pr esque inache vé e , ayant encor e ses
plafonds et ses p ortes de b ois blanc  ; en bas, un v estibule p avé de faïence  ;
en haut, nos chambr es r eg ardant des lointains infinis — et un grand salon
aux mur s blanchis de chaux fraîche , sur lesquels on avait cloué à la hâte
de longues br o deries de soie et d’ or en for me de p ortes de mosqué e .
Ar rivés en v oitur e , très tard, p endant une nuit sans lune , nous
n’avions rien pu de viner hier de la vieille ville délicieuse . Et, ce matin, nos
fenêtr es ouv ertes au clair soleil, nous nous étions d’ab ord émer v eillés de
v oir tout app araîtr e  ; l’impr ession nous était v enue de plong er aux temps
anciens de l’Islam, d’assister à un printemps d’autr efois, dans un é den de
tranquillité et de v erdur e . Puis nous étions sortis dans la lumineuse
camp agne , et, pr essés de connaîtr e cee Mosqué e V erte , nous avions loué
une quelconque de ces p etites car rioles tur ques, qui stationnent aux
carr efour s des chemins, sous les grands arbr es. D’une for me bizar r e de
nacelle , p einturluré e de toutes sortes de dessins et de fleur s, elle était mal
susp endue , basse av e c une toitur e courb e or né e de cuiv r es brillants et de
br o deries de p erles  ; le co cher p ortait v este r oug e soutaché e d’ or  ; le
cheval blanc, bariolé de henneh, avait des collier s, des p endelo ques et des
clo chees  : tout un Orient ar chaïque , naïf, un p eu enfantin encor e ,
s’ébaant dans la joie des nuances viv es.
En r oute , nous avions cr oisé quantité de p etits é quip ag es p ar eils, qui
3La mosqué e v e rte Chapitr e I
détalaient g aîment, é clatants de p einturlur es, au milieu des v erts
printanier s, sous les v oûtes de feuilles nouv elles, le long des talus de hautes
herb es piqué es de co quelicots r oug es. Et, dans ces car rioles, c’était une
continuelle div er sité de costumes  : des hommes en v este br o dé e et r ebr
odé e , des femmes qui se drap aient dans de longs v oiles de soie lamé e d’ or et
ne laissaient v oir de leur visag e que les b e aux y eux p eints. Sous nos pie ds
s’étendait l’immense plaine , où des arbr es moutonnaient à l’infini comme
la frisur e d’un tapis de laine v erte . Et Br ousse était de vant nous, accr o ché e
au flanc du mont Oly mp e qui dominait toutes choses de sa cime encor e
zébré e de neig es  ; ville pr esque enfouie dans les branchag es enche vêtrés, et
plutôt de viné e qu’ap er çue  ; sorte de grand b ois d’une teinte de printemps,
d’ où émer g e aient çà et là les dômes des mosqué es, les minar ets blancs et
les cy près noir s. — Nous dép assions aussi des char r ees lentes, que
traînaient des buffles gris, coiffés de p erles bleues, ou des b œufs blancs au
fr ont r ougi de henneh. Et des gr oup es de p ay sans encombraient le
chemin, app ortant d’ e xtravag antes char g es de branches de mûrier , p our ces
v er s à soie qui depuis des siè cles travaillent inconsciemment à filer les
célèbr es étoffes de Br ousse .
D ans la ville enfin, nous avions commencé à r ouler br uyamment sur
les p avés dur s. D e chaque côté des r ues, les maisonnees en b ois se
suivaient sans s’aligner  ; les étag es sup érieur s, très déb ordants, étaient
soutenus p ar des v olutes, des consoles, et en g énéral p osés de trav er s sur
les étag es d’ en dessous, suivant des fantaisies impré v ues — p our
orienter mieux v er s le b e au p ay sag e , v er s l’infini des plaines, quelque fenêtr e
grillé e p ar où r eg ardent les femmes. Il y avait des p etites b outiques
naïv ement or né es  ; des p etits métier s bizar r es qui s’ e x er çaient sans hâte p ar
des pr o cé dés d’autr efois. On pr enait de plus en plus conscience d’un r
ecul dans ces b ons temps p assés, qui étaient moins dur s aux artisans et aux
p auv r es. On sentait combien ici la vie était demeuré e simple et
contemplativ e  : d’innombrables rê v eur s étaient assis, à l’ ombr e des arbr es, aux
p ortes des cafe djis ou des barbier s, de vant un nar guilé , une micr oscopique
tasse de café , ou seulement un v er r e d’ e au clair e rafraîchie d’un p eu de
neig e de l’Oly mp e . D es arbr es, des arbr es p artout, et des r ues entièr ement
v oûté es de tr eilles centenair es, aux p ampr es tout neufs. Çà et là , aux
carr efour s, app araissaient des p etits lointains baignés de p énombr e v erte ,
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comme des lointains de dessous b ois, et la big ar r ur e char mante des
costumes é clatait mieux dans le g ai feuillag e , la big ar r ur e des vieux costumes
tur cs, nullement gâtés comme à Stamb oul p ar nos mo des tristes. Be
aucoup de mosqué es, s’abritant toutes sous des platanes g é ants, sous des
platanes sans âg e , aux tr oncs monstr ueux, encor e admirablement v erts
dans leur vieillesse e xtrême . Et tant de fontaines jaillissantes,
descendant, en minces filets ou en b elles g erb es pur es, des neig es d’ en haut  !
T oute cee ville ombr euse était entièr ement p éné

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