Prunes amères
245 pages
Français

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Prunes amères , livre ebook

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Description

L'auteur a cueilli lui-même "les Prunes amres" pendant la guerre d'Algrie. Ce roman retrace la lente volte-face de deux jeunes officiers. L'allié des insurgés devient le défenseur des harkis, l'ami des légionnaires et, pour finir, la victime des vainqueurs. Le pote militariste se transforme peu peu en partisan d'une Algrie nouvelle, mais française, et en pacificateur ; après le cessez-le-feu, il accueille en effet le chef rebelle du secteur dans un climat de loyauté et de respect mutuel. Comme son camarade, il sera trahi par ceux qu'il voulait défendre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2007
Nombre de lectures 219
EAN13 9782296588592
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0005€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

9782296033191
Prunes amères

Yves Horeau
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Chapitre I - De Dunkerque à Tamanrasset par Plou Cadou Tlemcen Chapitre II - La tournée des popotes Chapitre III - La guerre virtuelle Chapitre IV - Le quarteron et la harka Chapitre V - Les deux visages de la pacification Chapitre VI - Encore un dernier quart d’heure Chapitre VII - La paix des lâches Chapitre VIII - Les valises et les cercueils Chapitre IX - “Les Arabes sont les Arabes, Ce ne sont pas des gens comme nous” Chapitre X - “Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sut Alger” (De Gaulle) Chapitre XI - “La France est ici. Pour toujours.” (De Gauffe. 5 juin 1958 à Oran.) L’Harmattan
Cette femme qui jeta son gant au milieu des lions, afin d’affirmer son pouvoir, jouait tranquillement sur l’honneur de son chevalier. Je suppose qu’il alla chercher le gant et que depuis il méprisa parfaitement la dame. Tel est à peu près le jugement d’un fantassin qui revient de la guerre, mais il a commencé par y aller.
Alain
Minerve ou la sagesse
Le 24 juillet 1148, la deuxième croisade conduite par le roi de France Louis VII et l’empereur d’Allemagne Conrad III commença le siège de Damas par une attaque de sa banlieue sud-ouest. Le nettoyage de ce secteur difficile à cause des canaux d’irrigation fut mené à bien par les chevaliers de Jéxusalem . Au nord-ouest, les Allemands dégagèrent les abords du Barada, la rivière de Damas. Les Français n’eurent pas la plus mauvaise part : ils s’installèrent dans les vergers de la Ghûta, profitant des “fruiz des jardins dont ils avoient assez aise et délit”, des prunes surtout, succulentes et mûres à point. Les croisés demeurèrent là trois jours l’arme au pied, prêts à donner l’assaut final, mais contre toute attente, ils reçurent le 27 juillet l’ordre d’évacuer leurs positions pour aller camper au sud-est, un emplacement moins avantageux, et finalement renoncer au siège. La troupe et surtout les chefs à qui on avait promis des places dans la future baronnie de Damas n’apprécièrent pas cette volte-face. Ils déplorèrent d’avoir combattu “pour des prunes”. L’expression fit florès et s’emploie encore dans le langage courant quand on a à se plaindre de s’être donné beaucoup de peine pour rien.

Pour rien ? Les croisés du XII e siècle étaient singulièrement exigeants ! Les prunes cultivées sur le territoire de Damas étaient dignes du jardin d’Eden. Galien et Athénée en faisaient déjà grand cas sous le nom de coccymiles et leur exquise espèce charnue dite Damas Violet se répandit plus tard dans tout l’Occident. Nos ancêtres les croisés étaient des privilégiés! Après eux, la jeunesse française s’est souvent battue pour des prunes, mais de bien moindre qualité depuis le fruit du Myrobolan jusqu’à ces dernières espèces sauvages de prunes amères, pour ne pas dire poison, que nous avons récoltées outre-mer.
Yves Horeau
Chapitre I
De Dunkerque à Tamanrasset par Plou Cadou Tlemcen
C’est bien une mer du midi que la Méditerranée : des eaux trop chaudes, des plages de gros sable malodorant qu’aucune marée ne nettoie jamais, des poissons aux noms barbares qui sont à peine frais quand on les sort de l’eau. Avec cela, une mauvaise foi punique, des tempêtes qu’aucun nuage n’annonce, des houles obliques, des vents vicieux. Une saumure qui s’enroule sur elle-même, qui tourne à l’aigre en circuit fermé à l’écart des rythmes du vrai grand large. Ceci admis et reconnu, au mois d’avril, par beau temps, le bleu de ses flots est incomparable.

De bonne heure ce matin-là, le mistral avait cessé de souffler laissant le champ libre aux douces bouffées de chaleur du sirocco. La mer sommeillait encore et sa respiration était aussi calme que régulière. Des lames très hautes se succédaient lentement, l’une après l’autre, comme des escadrons chargeant en ligne. Quand l’Atlantique moutonne, la Méditerranée chevauche,

Et les blancs coursiers de la mer Cabrés sur les vagues secouent Leurs crins échevelés dans l’air. 1
Traditionnellement, les aèdes antiques et les peintres du Classicisme voient passer ici, dévalant les pentes des vagues vertes, toute une cavalerie mythologique depuis l’équipage de Poséidon jusqu’aux chevaux marins de Téthys attelés à une conque de nacre. Trois ans d’histoire de l’art et un mémoire sur les peintres de la mer au XVIII e siècle avait accoutumé Loik Trévellec à la fréquentation estivale du panthéon gréco-latin. Sans aimer davantage la mythologie que la Méditerranée, il ne détestait pas voir les cavales fabuleuses fouetter la crête des vagues de leurs queues de serpent.

À cette heure crépusculaire, l’Afrique refluait, expulsant vers le nord les fantômes nocturnes de ses troupes montées. S’élançaient les uns à la suite des autres dans une charge sans fin, enveloppés dans des burnous de brume, les Gétules d’Hannibal, les cavaliers numides de l’Empire Romain, les Sarrasins de Roncevaux, les Berbères Almoravides penchés sur leurs petits barbes blancs d’écume... “Et le nombre des troupes de la cavalerie était : deux myriades de myriades”. 2 La brise tiède qui soufflait du sud était chargée de réminiscences héroïques du temps que le géant Atlas, arc-bouté sur la terre du Maghreb, portait encore le ciel sur ses épaules. Son halètement brûlant se confondait alors avec le vent de l’histoire ; il ébranlait l’océan splendide, immense et triste qui porte encore son nom et, d’un seul soupir sur la Méditerranée, lançait ses vagues d’assaut à la conquête de l’Europe. Pendant mille deux cents ans, il souffla, de moins en moins fort mais toujours dans la même direction. Soudain, en 1830, il y eut une saute de vent, soit que le géant se fût assoupi, soit, comme l’affirmèrent alors certains bons esprits, qu’il lui prît fantaisie d’aspirer un grand coup d’air frais. En tout cas, vers 1950, il s’était ressaisi et depuis, un vent de terre sournois faisait déferler les chevaux de retour de l’AFN. 3 A ses grands manteaux blancs, Trévellec reconnut la garde du bey de Tunis suivie des goumiers du Maroc, leurs visages de bronze masqués par le chèche et le long fusil posé en travers de la selle. Derrière eux, des moghazni algériens qui fuyaient en détournant la tête. Quand le soleil naissant émergea de l’horizon, ses premiers rayons ceignirent les chasseurs d’Afrique de leur large ceinture rouge, culottèrent de garance la cavalerie légère et, pour clore le défilé, la fantasia écarlate des derniers spahis s’abîma à son tour dans l’embrasement général. « Ne touchez pas l’épaule du cavalier qui passe. Il se retournerait et ce serait la nuit... » 4 Trévellec n’avait pas fait un geste et pourtant, le dernier spahi se retourna. Il n’avait pas de visage. Alors, du côté de l’est, tandis que ”les sept anges qui tenaient les sept trompettes se préparaient à en sonner”,

Il vit un cavalier surgir avec l’aurore Plus blanc que la montagne avant la feuillaison Et dans son poing tendu son arc vibrait encore Que déjà sa monture enjambait l’horizon.
Le second s’échappa de l’orient en flammes Laissant au firmament l’empreinte de ses fers Et le soleil levant ensanglanta la lame D’un glaive rouge encor des forges de l’Enfer
Quand la terre eut brûlé, piaffant dans la ténèbre Le cheval noir parut. Celui qui le montait La balance à la main, famélique et funèbre Jetait des grains de blé que le vent emportait
Alors il reconnut le destrier livide Que la Mort chevauchait. Dans la mer, sous son pied, Se creusait un abîme où roulait dans le vide Ce qui restait du monde et le ciel tout entier.
Un oiseau de mer, nullement apocalyptique, qui depuis quelque temps semblait remonter les strophes du poème égrenées dans le lit du vent, parvint à sa hauteur et lui jeta de côté un long regard ironique.
- Mais non ! semblait-il lui signifier, ce n’est pas la fin du monde ! C’est bien pire ! C’est ton petit monde à toi qui va basculer !
Alcyon ? Peut-être. A moins que ce ne fût l’oiseau de la Pacification. Il était blanc comme la colombe de la Paix, mais la courbe cruelle de son bec et la pointe noire des ailes montraient assez que ce plumage pacifique n’était qu’un travesti. Trévellec songea aux malheureux pigeons voyageurs de la guerre de 14 qu’on teignait en noir pour les faire passer pour des merles

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