Ca plane pour moi
11 pages
Français

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Ca plane pour moi , livre ebook

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Description



Ca plane pour moi


Une femme raconte ses rêves érotiques à son médecin.





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2012
Nombre de lectures 47
EAN13 9782823804690
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couverture
Françoise Rey

Ça plane pour moi

12-21

Cher Docteur Didier Roy,

 

Mon mari a insisté auprès de votre secrétaire pour obtenir rapidement un rendez-vous avec vous. Il a décidé que vous deviez, une fois de plus, changer mon traitement. Avant de vous rencontrer en sa présence, je voudrais vous expliquer exactement mon point de vue, qui est tout de même celui de la principale intéressée, et vous résumer mon histoire.

Être malade, ça n’est jamais drôle. Mais il y a des maladies plus nobles que les autres, des maladies qui vous posent, vous auréolent d’un prestige grave, vous dotent d’une considération respectueuse, admirative pour le courage qu’elles supposent, ou des maladies rares, des cas d’école qu’on étudie comme une œuvre d’art. Ma maladie à moi ne suscite ni révérence ni compassion, seulement un étonnement goguenard, une incrédulité à la limite de l’injurieux. Ma maladie à moi, il est difficile de la prendre au sérieux.

Elle me tomba dessus il y a quelques années, insidieusement d’abord. L’habitude me vint doucement, au terme de repas de famille un peu copieux, de m’endormir au dessert. Autour de moi, on disait : « La Nini est pompette ! », on ricanait, on se poussait du coude. Plus tard, il m’arriva de piquer du nez dès l’apéritif. Les commentaires évoluèrent. On dit : « Nini n’est pas faite pour l’enseignement, ça la tue. » Et Robert, mon mari, en rajoutait. Il disait : « C’est sûr, elle en rêve la nuit, elle prend des rognes, elle distribue des colles à deux heures du matin, elle engueule ses potaches, elle boxe, elle tricote des paturons, impossible de fermer l’œil quand elle a ses crises ! » Il amusait la galerie avec le récit de mes agitations nocturnes. J’aurais pu me venger et l’amuser à mon tour en narrant ses inerties à lui, car si je soubresautais de partout quelque fois en croyant avoir maille à partir avec une classe indisciplinée, lui ne soubresautait plus jamais de nulle part depuis longtemps ; j’avais dans les poignets et les rotules le ressort que je lui aurais souhaité ailleurs, mais bon, ma réserve naturelle, celle de mon état éveillé, m’interdisait ce genre de confidences frustrées.

Le comble, c’était que je me tortillais la nuit, mais me paralysais de plus en plus souvent dans la journée. Mes crises de somnolence, irrépressibles, s’accompagnaient d’une incapacité totale à bouger, ne fût-ce que le petit doigt. Quand je sentais le sommeil me gagner, il était inutile de chercher à lutter : mes paupières se plombaient, mon menton plongeait, mon cou ployait, parfois mes bras et mes jambes devenaient épouvantablement mous, et tout mon corps s’effondrait alors, où que je sois, dans une chute spectaculaire qui, lors des premiers accès, effraya mon entourage, mais finit par devenir une sorte de spectacle réputé quant à sa cocasserie. Une ère d’humiliation terrible venait de commencer pour moi.

Après les photos vexantes prises par le farceur de service, l’oncle Julien, qui immortalisaient chacune de mes siestes intempestives lors des agapes traditionnelles (celle de la communion du jeune Quentin était, à ce qu’il paraît, la plus irrésistible, j’étais avachie dans mon assiette et coiffée de la corbeille à pain par les soins facétieux du photographe), vinrent les interludes organisés par mes élèves, qui avaient remarqué que, à la moindre émotion, je piquais du nez sur mon bureau. Car je ne m’endormais plus seulement dans les moments de passivité, qui favorisaient le repos du corps et de l’attention. Mes roupillons devant la télé, au cinéma, pendant un banquet interminable ou durant la simple attente à un feu rouge étaient dépassés. À présent, je devais me garder de la moindre aspérité d’humeur, de la moindre oscillation de mon moral, qui entraînaient irrémédiablement ce que les médecins, consultés désormais avec angoisse, nommaient la maladie de Gélineau. Un énervement passager, une inquiétude naissante, la tentation d’un éclat de rire, et c’était la cata. Comprendre la catastrophe cataplectique. Mes muscles ne m’obéissaient plus, ma mâchoire béait, mes bras me trahissaient, mes genoux se séparaient sous le bureau depuis lequel je tentais de dispenser, avec de plus en plus de difficulté, le savoir et la méthode. En fait, très vite, je fus dans l’incapacité d’exercer mon noble métier. Toute leçon virait à l’exhibition clownesque. Un gamin récalcitrant, avant d’avoir pu le remettre à sa place, je versais sur la table. Un autre faisait de l’humour, même effet ridicule et tétanisant. Pendant les interrogations écrites, je dormais. Les rencontres parents-profs, les réunions pédagogiques, les conseils de classe me voyaient dans ce triste état de loque somnolente. Comme aux repas de famille, on s’interrogeait du regard, on incriminait une possible ébriété, certains disaient : « Elle doit faire des folies de son corps toute la nuit… » Les parents s’inquiétaient, les élèves s’amusaient à provoquer mes crises, l’administration cherchait un moyen élégant de me signifier que j’avais besoin de repos…

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